La mort au ventre. Ressenti sur mon addiction.

ellem-jee

Triste vérité à propos de l'addiction dont je souffre, et surtout, à propos de la rechute.

Essayez de ne pas me juger s'il vous plaît, chacun a ses défauts et certains sont plus condamnables que d'autres c'est vrai. Même si vous ne vous sentez pas concernés par ce qui va suivre je vous serai infiniment reconnaissante de partager cet article parce que peut-être que cela parlera à un de vos amis, ou un de ses amis à lui.


C'est la mort au ventre que je me lance. J'en ai quasi la chair de poule. C'est toujours délicat de parler d'addiction, c'est délicat de parler de nous avec honnêteté, donc je vous laisse imaginer s'ouvrir sur une addiction nous concernant. Mais le plus difficile reste je pense d'admettre qu'on en a une. Cet article est bien plus sérieux que les précédents, probablement le plus sérieux que je ferai jamais. Je me suis dit que c'était peut-être plus facile d'en parler sur l'écran blafard et relativement protecteur de Facebook plutôt qu'en chair et en os, que de toute façon la famille ne comprendrait sûrement pas. C'est toujours comme ça. Mais un certains nombres de gens peuvent me lire par ce biais et j'espère que d'autres sont dans le même cas que moi (psychologiquement je veux dire) et je veux qu'ils sachent qu'ils ne sont pas seuls, et j'ose espérer dans ma naïveté qu'ils pourraient même se manifester ouvertement (ou pas, chacun son rythme) avec courage.

Tu sais une addiction c'est insidieux, tu te rends pas compte que ça s'enroule doucement autour de toi, comme un joli serpent multicolore, et puis ça te change, t'oppresse et t'étrangle sans que tu fasses le lien tout de suite. Ça te grille complétement la cervelle. Parfois pour certains il faut une dizaine d'années pour s'en rendre compte, une dizaine d'autre pour accepter qu'on a un problème. C'est une sacrée étape, parce qu'évidemment au début on refuse tout net. « Nan mais n'importe quoi c'est pas “mauvais” tu exagères, faut pas écouter tout et n'importe quoi tu devrais mieux te renseigner moi je sais mieux, j'en consomme régulièrement et j'ai aucun “problème” ». Et on fait les guillemets avec nos doigts en roulant les yeux au ciel, l'air goguenard. Puis on a un petit creux suspect dans notre esprit. Quelque chose dans notre âme fronce les sourcils. Alors on nous met au défi et s'en suit : « moi accro ? Arrête tes conneries j'arrête quand je veux ». On paraît sûr de nous mais il y a une partie de nous qui commence à douter, et dans la panique naissante on refuse de tester en actes en s'enfermant dans le déni. Pour certains cette période dure des siècles et ils restent à jamais sur le pas de la porte, consommant à chaque fois la dite substance pour chasser la question. Heureusement mon addiction particulière (ainsi qu'une certaine conception de l'honneur) a fait que je n'y suis pas restée longtemps, je me suis bougée.

Le résultat fut terrible. Parce qu'on est encore dans le déni au début, on se trouve toujours des excuses pour reprendre, en parfait hypocrite : « non mais là je suis stressée ça me donne des forces », « non mais là c'est un jour spécial », « ouuuuui mais là c'est parce qu'on fait la fête ça n'a rien à voir tu comprends ? », « et puis de toute façon je fais ce que je veux, si je peux faire le yoyo c'est que je suis pas accro ». Si tu te dis ça, cherche pas c'est que t'es cuit.

Ce petit manège dure jusqu'à ce que commence le joyeux délire des concessions. On essaie d'être “strict” avec soi-même et de s'établir des emploi du temps et des chartes mentales : on se met au “régime” en se prescrivant tel dosage maximum, on fait le tri de telle sous-catégorie de substance par rapports à d'autres jugées “pires” de façon complétement douteuse (par exemple ne consommer que les versions les plus édulcorées et laisser les plus fortes de côté, ou ne s'autoriser que la version la plus “naturelle'' possible de notre daube). Quand on se rend ENFIN compte de la supercherie mentale qu'on s'est imposé et qu'on se rend compte qu'il faut tout arrêter et qu'on réussit à mettre l'idée en pratique par un bon coup de pied au cul, quelques semaines passent et on est à première vue tout content, on meugle à qui veut l'entendre que « tu vois, y a aucun problème », mais en réalité le fil s'étiole à l'intérieur, il y a quelque chose qui se resserre autour de la cervelle. Enfin c'est plus comme dégringoler du haut d'un escalier en fait. Et à la fin, quand après des semaines d'abstinence moins satisfaisantes que prévues tu rechutes sur le merveilleux, le transcendant et suprême « ta gueule je fais ce que je veux » lancé à toi-même, dans un dernier soubresaut de bête acculée, ben effectivement fini l'escalier t'es au fond de la cave et t'es sur le cul, l'air étonné et grimaçant, et tu acceptes l'évidence : c'est la merde.

J'ai 20ans et on m'a drogué dans ma jeunesse naïve ; et depuis, tout ça a toujours été normal pour moi. J'ai voulu arrêter j'en ai bavé, mais j'ai des rechutes régulières. J'ai recommencé à manger des cadavres d'animaux, et j'en suis pas fière.



Et oui. Vous vous attendiez peut-être à pire. Vous pensiez sûrement à tout autre chose. Chacun a ses addictions, vous avez pensé à la vôtre peut-être, et bien celle-ci c'est la mienne. Cela vous fait peut-être doucement rigoler (vous vous sentez “trollé'' et vous avez peut-être raison). Mais la pire des choses c'est bien de rendre normaux les mauvais actes. Le meurtre. L'auto-empoisonnement. Le déni de l'addiction. La passivité. Et cela, c'est plus morbide que bidonnant.

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