La mort d'un frère.

chachalou

Le vivre de l'intérieur.


Sur le bitume chaud et sous mes yeux, t'étais allongé. Les images reviennent toujours lorsque j'essaie de l'oublier. Brisée dans cette soirée, égarée comme ton corps inerte sur le béton pété, perdue entre les débris, les décombres, je voyais la Mort dans son manteau sombre. Je n'ai pourtant pas ce syndrome de martyr comme ton pote se plaît à le démontrer : vivre la tragédie des autres et la faire mienne, comprendre les malheurs d'autrui en deux temps, trois notes et quelques ambulances et sirènes ! Cette mascarade n'est pas faite pour une sœur et je le sais que tu le sens et tu le vois, le comprends fatalement, par moment, par ci, par là. Tu l'admets même, qu'une partie de ton être débordait en mes tripes ce soir-là, que ma chaleur t'enlaçait éperdument sans autre choix, que même sans espoir, même si je te pensai condamné et bientôt mort, la petite sœur dans son coin te savait fort. Ce n'est pas pour la prose, ni pour les mots ou la force des sens. Car je vivais ton horreur en silence. Ta peine à libéré des flots de tristesse et de larmes, des poèmes de sagesses et des mots d'amour en ivresse. Le drame est porteur mais détruit au passage toute âmes, même la plus inébranlable. Ton cauchemar vécu de l'intérieur, retransmis en live, sans bande annonce ou communication préalable : c'était l'horreur. C'était l'enfer. Et le différé en de telles circonstances crois-moi, aurait mieux fait l'affaire ! Happée de l'intérieur et tout aussi inerte que toi, s'il est vrai que l'ensemble aurait pût aisément me tuer, j'admets désormais qu'il m'a aidé. Aidé à te trouver, te retrouver, te chercher et te connaître. Spectatrice impuissante, je subissais ton sort, assistais à la déchéance d'un homme et blâmai ces quelques fragments de temps perdu dans l'inattention la plus totale. Tremblante, suante, le néant et son monochrome de noir pailleté ne saurait s'effacer de si tôt, parfois même, à chaque journée, je revis tes Maux. Et je blâme l'imprudent. Et je haïs l'inconscient. Et j'en veux à l'intrépide. Car j'ai vu la malchance s'abattre sur toi et tes rêves hantés bousiller tes nuits. Tant d'empathie aurait pût m'achever mais ce drame m'a offert la plus belle des ascensions. Une leçon, un courage, un mode de vie. L'idée par delà les mots et les explications de devoir rester sur terre, finalisant ainsi mes entreprises, mes options, mes choix. C'était pour toi. Pour te parler. Pour te voir. Pour te sentir près de moi. T'approcher de ton vivant, sachant en connaissance de cause ce qui aurait pût se produire quelques mois auparavant.



  • "vivre la tragédie des autres et la faire mienne, comprendre les malheurs d'autrui en deux temps, trois notes et quelques ambulances et sirènes"

    c'est pourtant la première idée qui vous vient à l'esprit.
    l'auriez vous vécu de l'intérieur que vous ne ressentiriez pas le manque d'y souscrire.
    il faut donc entendre ; de l'impossibilité d'un vivre intérieur qui fait défaut, le vivre de l'extérieur, par accaparation.

    · Il y a presque 6 ans ·
    Humain

    Pas Humain

    • Disons plutôt qu'en ayant ressenti en réel la mort de mon frère j'ai eu besoin d'en parler pour mes sens et pas pour l'imagination de ce que cela aurait pût être.

      Le besoin d'en parler relève peut-être d'un réel choc et d'une incompréhension totale qu'on les gens, à avoir besoin de parler et compatir sur des faits qu'eux même, en somme, n'ont pas vécus.

      Je ne serais donc jamais d'accord avec vos propos. Peut-être que vous n'avez jamais connu de lien fraternel aussi tissé et aussi puissant, de ces choses qui vous font vous retourner dans votre propre vie lorsqu'il arrive quelque chose de grave à votre propre frère.

      · Il y a presque 6 ans ·
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      chachalou

    • "vivre la tragédie des autres et la faire mienne, comprendre les malheurs d'autrui en deux temps, trois notes et quelques ambulances et sirènes"

      Parce que certaines personnes ont besoin de s'inspirer des malheurs des autres. Et que certaines autres ont besoin, non pas de s'inspirer, mais de dépeindre ce que réellement, elles ont ressenties.

      Il y a un fossé entre les deux.

      · Il y a presque 6 ans ·
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      chachalou

    • il y a aussi un fossé entre vivre, et s'inspirer/dépeindre

      · Il y a presque 6 ans ·
      Humain

      Pas Humain

    • Effectivement, raison pour laquelle j'ai vécue réellement la mort de mon frère et que je sais ce que cela fait. S'inspirer et dépeindre, dans le fond, quel intérêt ? Utiliser les malheurs des uns et des autres à sa sauce ?

      · Il y a presque 6 ans ·
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      chachalou

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