La mort sur table
My Martin
30 octobre 1984. Poitiers, CHU centre hospitalier universitaire. Service d'oto-rhino-laryngologie (ORL), bloc opératoire
Mme Nicole Berneron (33 ans). Mère de deux enfants
Intervention chirurgicale. Tumeur bénigne, ablation de la glande parotide gauche -glande salivaire)
Le chef du service d'anesthésie et de réanimation, le Pr Mériel, a défini une procédure : pas d'anesthésiste stagiaire seul, dans le bloc opératoire. Manque d'effectif ; le Pr Pierre Desforges-Mériel décide d'opérer lui-même, assisté par le Dr Denis Archambeau, médecin anesthésiste stagiaire
L'opération se déroule bien ; Mme Berneron est anormalement pâle
Surveillance après l'intervention. Mme Berneron décède
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Deux tuyaux (oxygène. Protoxyde d'azote N2O, propriétés anesthésiques) amènent le gaz au respirateur de la patiente. Ils ont été inversés
Mme Berneron décède, en raison d'une insufflation massive de protoxyde d'azote
Quelques jours plus tard, le Pr Mériel, accuse d'assassinat, ses deux collaborateurs. Les médecins Bakari Diallo (né en 1948, à Orodara, province du Kénédougou, Burkina Faso) et l'anesthésiste stagiaire Denis Archambeau
Les tuyaux du respirateur ont été volontairement inversés. Les deux médecins ont agi par vengeance, pour faire retomber la responsabilisé de la mort de Mme Berneron, sur le Pr Mériel
Le Dr Diallo n'accepte pas sa mutation à l'Hôtel-Dieu, décidée par le Pr Mériel
Pour certains spécialistes, l'issue fatale résulte d'une série de dysfonctionnements. Le Pr Mériel, chef du département, est accusé d' « homicide involontaire ». Il n'a pas prévenu l'irréparable ; ou après le décès de Mme Berneron, il a maquillé l'inversion des deux tuyaux
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Les docteurs Bakari Diallo et Denis Archambeau sont incarcérés pendant cinq semaines
Arrêt du 12 mai 1987. Poitiers, chambre d'accusation de la cour d'appel
CHU de Poitiers. Bloc opératoire du service ORL. Salle numéro 2. Intervention sans risque majeur
Les tuyaux flexibles amenant au respirateur l'oxygène et le protoxyde d'azote nécessaires à l'anesthésie, sont volontairement inversés aux prises d'arrivée murales
L'intervention s'achève par une asphyxie délibérée de Mme Berneron
Quand et par qui ? A quelles fins ? L'animosité, jusqu'à la haine, entre deux médecins ?
Mutation du Dr Diallo à l'Hôtel-Dieu de Poitiers, décidée par le Pr Mériel. Le Dr Diallo organise un mouvement de solidarité en sa faveur -afin de priver d'anesthésistes-réanimateurs, le chirurgien qui va opérer Mme Berneron
Le sabotage du respirateur va entraîner une issue fatale, dont la responsabilité incombera au chirurgien
Le chef de service, le Pr Mériel, prend en charge l'intervention chirurgicale
Le sabotage du respirateur est l'œuvre du Dr Diallo
Me Henri Leclerc, l'un des plus grands avocats pénalistes de France. Avocat du Dr Diallo. « la culpabilité de Bakari Diallo était acquise pour tous »
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15 février 1988 - 3 mars 1988. Procès. Cour d'assises de la Vienne. Ancien palais des Comtes de Poitou-Ducs d'Aquitaine. L'immense salle des pas perdus est transformée en salle d'assises
Philippe Bruyère, journaliste, chroniqueur judiciaire. « Trois cents journalistes assistent au procès. Ils occupent les places de devant. Je suis assis à côté d'Américains, les correspondants en France des grands titres des États-Unis. Anglais, Suédois, Allemands. Des médecins sont impliqués, le public est passionné. La place devant le palais est occupée par les camions de retransmission des télés et radios
Ce procès d'assises m'a le plus marqué, par son importance et sa longueur. L'affaire date de 1984. Le procès de 1988 dure trois semaines. La salle des pas perdus est transformée, avec le décorum de la cour d'assises. Au fond, devant les cheminées, la cour -les trois magistrats et les jurés. Dans le prolongement, une estrade. Le respirateur. Les tuyaux. Le box des accusés, sur la droite. Les parties civiles, à gauche. Les témoins montent quelques marches. Un côté théâtral. »
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Me Henri Leclerc (né en 1934), avocat du Dr Bakari Diallo. Un modèle. Engagement, acharnement dans les dossiers. Talent d'orateur, élégance dans la salle d'audience
Fils d'instituteurs, "l'exigence du droit". Durant un demi-siècle, il défend les plus démunis, les causes perdues
"L'homme ne peut se contenter de vivre pour lui-même". "S'engager est une nécessité."
« Je veux faire aimer l'accusé, ou au moins éviter qu'on le déteste. Je deviens l'accusé. »
Me Leclerc défend ...
Juillet 1988. Richard Roman. Accusé du viol et du meurtre d'une fillette de 7 ans, Céline Jourdan
4 octobre 1994. Florence Rey. Paris, cavale sanglante. Mort de cinq personnes, dont trois policiers
Été 2006. Véronique Courjault. Meurtre de trois de ses nouveau-nés
2007. Affaire opposant Dominique Strauss-Kahn (agression sexuelle) à Tristane Banon. 2015. Affaire du Carlton de Lille (proxénétisme aggravé en réunion)
Me Pierre Haïk (né en 1950), avocat star des dossiers politico-financiers. "Plus qu'un avocat"
Président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, Henri Leclerc est un militant
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Les trois médecins accusés. Pierre Mériel. Bakari Diallo. Denis Archambeau
« Vives querelles au sein du service »
Le Pr Mériel est issu d'une famille toulousaine de grands médecins
Le Dr Diallo, progressiste
Entente impossible
Jeudi 3 mars 1988. Délibération de plus de cinq heures. 23 heures 15
Le tribunal. Le Dr Diallo est non coupable de violences et voies de fait, sur la personne de Mme Berneron
Ces violences et voies de fait ont-elles entraîné la mort, sans intention de la donner ? Question sans objet
Le docteur Denis Archambeau est-il complice de ce crime ? Réponse négative
Le Pr Mériel n'est pas coupable de délit d'homicide involontaire par maladresse, imprudence ou négligence, sur la personne de Mme Berneron
La cour d'assises de la Vienne conclut. Acquittement général
La juridiction laisse sans responsable, la "mort sur table" de Mme Berneron (33 ans), d'une opération bénigne au CHU de Poitiers
Les partisans des docteurs Diallo et Archambeau applaudissent
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Docteur Diallo, "Le Droit De Dire". 1988. Éric Cachart
30 octobre 1984 – 3 mars 1988 : 40 mois, pendant lesquels Claude Berneron a espéré apprendre comment sa femme était morte sur une table d'opération, à l'hôpital de Poitiers
30 octobre 1984 – 3 mars 1988 : 40 mois, pendant lesquels le docteur Diallo s'est vu considéré comme un assassin, un paranoïaque arrogant, capable de jouer avec la vie d'une malade pour assouvir une vengeance personnelle
30 octobre 1984 – 3 mars 1988 : 40 mois, pour que le système policier, le système judiciaire et le système médical, se montrent impuissants à déterminer les causes de la mort de Mme Bemeron
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Tous acquittés. Non responsables
La mère de Mme Berneron crie
Claude, le conjoint de Mme Berneron, est atterré
Les deux enfants sont révoltés