La musique des corps

a-la-claire-fontaine

Je ne sais qui commença, 
de ma bouche ou de mes doigts. 
Depuis des mois, que chaque nuit, 
J'écris, je compose, je ne jouis,
Plus que pour cette muse.
Qui se dérobe à moi, qui toujours se refuse.
D'un entrechat, 
elle s'offre aux petits rats, 
Mais aux sirènes de ma musique, 
Elle répondait par la pas nique. 
Jusqu'à ce jour où enfin,
Après m'être masturbé sans fin
l'esprit, j'ai osé :
Sur mon pupitre, je l'ai posée.
Pas de répétition, j'embraye la première, 
J'installe la partition sans attendre sa prière. 
J'entame l'ouverture. 
Qu'elle se défende encore, je la jette en pâture. 
De ma baguette, je la dirige, je la cible,

Prêt à aller jusqu'à toucher sa corde sensible.
Ondulant comme une harpe, elle frôle mon archet, 
Qui rêve sans vergogne d'empaler ce brochet.
De mes mains virtuoses, je la fais vibrer, je l'accorde, 
Frottés, pincées, frappées, je joue toutes ses cordes,
Des notes se dessinent sur son corps instrumenté,
A chaque courbe, je caresse une ronde pointée. 

Elle met ma flûte à son bec pour débuter un solo,
Et dans ma gorge monte un juste tremolo,


J'ouvre un nouveau Mouvement, 
joint puis disjoint
joint puis à nouveau disjoint,
Puis au bout d'un moment, 
Du profane, dans le sacré je la rejoins.
Les percussions accélèrent dans le baroque,
Castagnettes, grelots et maracas s'entrechoquent,
À chaque portée, j'entre une nouvelle clé pour finir sur le Sol,

L'émotion va crescendo, j'en perds ma boussole.
J'halète en métronome,  
Au diapason, elle répond de son sternum.
La voilà qui monte dans les aigus,
Avec un classicisme fort ambigüe.
Le mouvement perpétuel s'achève,
Dans une apothéose finale en tenue d'Ève.
Une berceuse vient finir cette symphonie harassante,
Et elle s'endort ainsi, sur une plainte languissante.

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