La natte à fourmis

My Martin

L'ultime fleur

7 décembre 2020

Amazonie. Guyane française. DOM-ROM -Département et Région d'Outre-Mer. Le plus grand département Français en superficie -83 846 km2. 200 000 habitants, vingt-deux communes

Région d'outre-mer située sur la côte nord-est (océan Atlantique) de l'Amérique du Sud, forêt tropicale. Capitale, Cayenne


Le peuple Wayana

Wayana, langue amérindienne -groupe Caribe. Famille de langues amérindiennes d'Amérique du Sud et des Antilles. Principalement parlée au Brésil, au Surinam et en Guyane

Profond désespoir. En Guyane, les jeunes Wayana sont scolarisés en français. Puis ils sont envoyés à Cayenne, coupés de leurs racines. De retour au village, beaucoup dépérissent et faute de perspectives, se suicident

 

Entre Suriname et Brésil. Taluen, sur la rivière Lawa, Haut-Maroni

Tapirs, jaguars, tatous, singes hurleurs. Papillon bleu morpho

Un millier d'Amérindiens aujourd'hui

Waly, chasseur. Fusil sur l'épaule, machette à la main, il progresse entre les lianes, les racines enchevêtrées. "Les Wayana ne vont plus jusqu'à la cascade."  


A bord d'un avion turbopropulseur, une heure de survol de la forêt. Deux heures, en pirogue

En Guyane intérieure, l'une des dernières communautés autochtones  

A la fin du XVIIe siècle, fuyant l'esclavage des colons européens, la communauté s'est réfugiée dans la forêt  

Françoise Amilu Ewaho, Parc amazonien de Guyane, Référente Maroni. « Nos enfants ont désappris le langage de la forêt. Cette forêt, notre richesse, notre vie, ils ne l'aiment plus. »


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15/06/2019

Guyane. La communauté Wayana fait face à une vague de suicides

Sud-ouest. Villages amérindiens

La vague de suicides frappe la communauté Wayana, notamment les plus jeunes. Déchirés entre tradition et modernité, perturbés par l'impact de l'orpaillage illégal


Depuis janvier 2019, dans la communauté Wayana, au moins six suicides et treize tentatives de pendaison sont dénombrés

Principalement installée sur les rives du Maroni et du Tampok, la communauté compte mille-cinq-cents personnes

A une heure d'avion de Cayenne et plusieurs heures de pirogue

Pauline Aloïke, jeune femme Wayana, vingt ans. "Ici à Twenké, deux personnes, une maman et sa fille de dix ans se sont suicidées (...) Beaucoup de morts, des jeunes de quinze ans, parfois moins. Aussi des adultes qui ont un travail."

Depuis 2004, le docteur Rémy Pignoux alerte sur ce fléau. "0,5 % de la population disparaît par suicide en un an. A l'échelle de la métropole, l'équivalent de la ville de Rennes."

Depuis les années 1980, plusieurs vagues de suicides. La dernière, en 2015

Un rapport parlementaire pointe le déchirement des jeunes, partagés entre la société dans laquelle ils sont nés et le monde moderne. Pour certains, coupés de leur famille, dès le collège

Taluen. Les enfants vont à l'école en Kalimbé, le pagne rouge. Se laver dans le fleuve, utiliser la couleuvre, une natte tressée pour presser le manioc. Seins nus, les femmes vaquent à leurs activités quotidiennes

Les Wayana ne sont pas tous raccordés à la centrale électrique photovoltaïque

L'eau courante arrive dans des points d'eau collectif. Les Wayana disposent d'une antenne satellite

Téléphone portable en main, les jeunes chattent sur Whatsapp ou Facebook -le réseau vient du Suriname voisin


Pascal Vardon, directeur du Parc amazonien de Guyane. Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts. Orpaillage illégal. "Certains jeunes sont séduits par l'argent facile. Ils sont intégrés dans la logistique -transport, signalement de la présence des gendarmes. Plus tentant que les programmes de valorisation de l'artisanat, l'agriculture, la filière bois

Que faire à Taluen, lorsque que l'on a vingt ans ? Des jeunes, parfois en échec scolaire. Lorsqu'ils reviennent, en échec vis-à-vis de leur propre communauté."


Les orpailleurs clandestins apportent drogue, alcool, prostitution, violence

Le docteur Rémy-Michel Pignoux. Médecin généraliste à Cayenne en ligne. "J'ai fait évacuer un jeune de douze ans, dépendant au crack (...) Pour les Wayana, l'État ne garantit pas leur bien-être. Leur forêt est pillée. Le fleuve asphyxié -certains poissons concentrent le mercure utilisé par les chercheurs d'or. Les abattis (parcelles agricoles en forêt) volés."

L'abattis agricole est un mode extensif de mise en valeur. Il consiste à abattre et brûler la forêt d'une parcelle pour la mettre en culture puis à l'abandonner pour permettre la reconquête forestière. Coupée, brûlée, puis replantée en espèces nourricières, la forêt fournit la part d'alimentation végétale indispensable aux communautés rurales qui pratiquent l'abattis


Pauline Aloïke. Elle a voyagé hors de Guyane, fait des études. Pour certains jeunes, "l'alcool est le seul moment où ils se sentent bien (...) Le monde n'est pas si petit. il n'y a pas que l'alcool, le "Chinois" (nom donné aux commerçants des rives du Suriname qui ravitaillent les orpailleurs) et l'abattis."

Dès la sixième (autour de onze ans) les enfants quittent leur village et leur famille pour le collège de Maripasoula (une heure de pirogue). Puis les lycées du littoral. Internes ou hébergés en famille d'accueil, dans des conditions souvent dégradées

Pour éviter un déracinement précoce, le rapport parlementaire préconise la création d'un collège à Taluen

Pauline. "Création préconisée depuis vingt ans."


Le docteur Pignoux. Les autorités ont "déstructuré la société Wayana. L'école a lieu le matin ; le temps de l'enseignement traditionnel, de la pêche, de l'abattis. Est organisée l'élection d'un Grand Man (chef suprême des Wayana). Cette fonction n'existait pas auparavant. La fonction était assurée par les caciques, qui représentaient les familles."

Face aux suicides, il ne suffit pas d'envoyer des psychiatres et psychologues, de Cayenne ou Paris. Développer "l'ethno-psychiatrie". "Prouver aux Wayana que leur culture est aussi valable que la nôtre. La principale cause des suicides est leur manque de respect vis à vis d'eux-mêmes."

L'ethnopsychiatrie est un domaine de la psychiatrie, consacré à l'étude des troubles mentaux, fonction des groupes culturels et ethniques auxquels appartiennent les personnes en souffrance atteints


Alexis Tiouka -né en 1959, juriste spécialiste en droit humain et droit des peuples autochtones. "Pas assez de fierté d'être Wayana. Les jeunes rejettent leur identité."

Sur le fleuve, présence de plus en plus insistante des églises évangélistes, souvent venues du Brésil

Alexis Tiouka."Les sectes séparent les familles."


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Janvier 2020

Guyane

Aluke Taciakaky se bat pour que les jeunes générations connaissent la culture Wayana

Saint-Joseph, collège de la Marine Vincendo

Entre le Surinam, la Guyane française et le Brésil. Haut-Maroni. Communautés amérindiennes Wayana, Apalaï et Teko

Constitués de danses et de chants, les rites ont longtemps rythmé la vie collective


Le Maraké. Le rite d'initiation est propre aux communautés Wayana Apalaï d'Amazonie

Il marque l'entrée dans la vie adulte puis le franchissement de nouvelles étapes de vie

Costumes, coiffes, diadèmes, brassards, danses, chants, musiques. Jeux. Épreuve d'application de fourmis ou de guêpes

Us et coutumes de la vie ancienne, le Maraké est en voie de disparition

Depuis les années 1990, le rituel est de moins en moins pratiqué

2005. Taluen. Dernier rituel du Maraké


Aluke Taciakaky consacre sa vie à perpétuer les traditions culturelles. Il projette d'ouvrir en pleine forêt, un sentier culturel pédagogique

Artisan hors pair en vannerie. Il a reconstruit le Tukusipan (carbet communautaire. Case collective) de Taluen


Le ciel de case -Maluwana- est fixé au sommet du carbet communautaire. Bois de fromager noirci à l'encens. Nombreux motifs, chenilles, monstres aquatiques. "Il ne faut pas trop les regarder, sinon ils peuvent vous dévorer."


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Guyane, le Maraké

Plateau des Guyanes. Rives des fleuves Mana et Maroni

Pratiqué au sein des sociétés amérindiennes Wayana et Apalaï, le Maraké est un rituel de passage


Ce rituel formalise le passage de la puberté à l'âge adulte chez les jeunes Wayana

Aussi célébré à d'autres moments, lors des étapes importantes de la vie

Temps privilégié pour renforcer la cohésion de la communauté


Les chanteurs Kalawu jouent un rôle central dans le rituel du Maraké

Kalawu. A la fois, le nom désigne

les chants exécutés au cours du Maraké

et un long poème composé de treize chants anciens, plus de mille cinq cents vers

Écrin musical de la pensée Wayana, dans une langue ancestrale aujourd'hui oubliée. Le poème est interprété lors de la cérémonie finale

En raison de leur disparition progressive, la connaissance et la pratique du Maraké sont menacées

Kuliyaman, le dernier chanteur Kalawu, est décédé en 2001


Certains jeunes adultes Wayana souhaitent redonner vie à ce rituel  

A partir des différents témoignages et récits des anciens, ils organisent à nouveau des Maraké

Déjà pratiqué au XVIIIe siècle, fort témoignage de la culture Wayana


Dès 2003, consciente de l'urgence de sauvegarder le rituel, la Direction des affaires culturelles de Guyane a entrepris un travail d'analyse et de traduction des paroles de l'art poétique Kalawu


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29 septembre 2017

Direction des Affaires Culturelles de Guyane. Depuis 2016, projet SAWA, "Savoirs Autochtones Wayana-Apalaï". Projet collaboratif de valorisation du patrimoine culturel Wayana et Apalaï

Seconde année. Nouvelle approche de la transmission et des collections conservées dans le musée  

Étude menée sur les instruments de musique et les fonds sonores. Des extraits de musique Wayana sont joués sur les flûtes apportées par les Amérindiens


Guyane. Savoirs autochtones Wayana et Apalaï

Les Wayana et les Apalaï appartiennent à la famille Caribe. Ils occupent une large zone transfrontalière entre le Brésil, le Surinam et la Guyane française

Portail numérique plurilingue WATAU. Eitoponpë Ehema, les chemins de la mémoire. Valoriser et faciliter l'accès à un ensemble d'enregistrements, de fonds audiovisuels et photographiques, ainsi qu'à des collections d'objets représentatifs de ces cultures. Respect des pensées et langues Wayana et Apalaï

Watau (Wayana) ou Kumaru (créole), nom d'un poisson herbivore cousin du piranha


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En Guyane, sur les rives du fleuve Maroni et de la rivière Tampok, le peuple Wayana est l'un des six peuples amérindiens (langues, cultures différentes). Kali'na, Pahikweneh, Lokono, Wayana, Wayapi, Teko

Originaires du sud de l'actuelle Guyane, communautés villageoises au bord de l'eau

Les Caribe Wayana habitent une vaste zone frontalière entre le Brésil, le Surinam et la Guyane française

En Guyane, ils vivent sur le Litani (Aletani), partie du Maroni en amont de Maripasoula. Les Wayana partagent leur territoire socioculturel avec les Caribe Apalaï -en Guyane, moins d'une cinquantaine d'Amérindiens. Commune de Maripasoula, entre le bourg de Maripasoula et le village Pidima

Autrefois le long des cours d'eau, les villages réunissaient une trentaine de personnes. Tous les cinq / sept ans, guidés par les anciens, changement de lieu. Les objets étaient abandonnés sur place. Un nouveau village était construit

Aujourd'hui, les Wayana se sédentarisent. Les villages atteignent ou dépassent la centaine de personnes. Habitats légers de type carbet. Maisons maçonnées, sur pilotis


Éric Navet. Ethnologue français contemporain. Dès 1760, l'ethnie Caribe Wayana commence à déborder sur le versant des collines Tumuc-Humac, sur le Bas-Litani, en Guyane française. Elle guerroie contre l'ethnie Wayãpi du groupe Tupi-Guarani -originaire du bas Rio Xingu, alors en migration vers le nord

Par des intermariages, les Wayana concluent la paix avec les Wayãpi

1890. Les Wayana sont au nombre de mille cinq cents. « Le maillon central d'un réseau commercial. »

Guerres inter-ethniques, colonisation

Attaques de monstres aquatiques (Tulupele / Matawanaimë) - (2016, Marie Fleury, ethno-botaniste & al.) ils symbolisent pour les Wayana, les dangers cachés des fleuves et rivières de leur environnement  

Les Wayana sont des consommateurs de poisson. Pêché à l'hameçon, à l'épervier (filet), au harpon, à l'arc ou à la nivrée. Lianes "Ali Ali", du genre Lonchocarpus. Poisons végétaux (sève blanchâtre, roténone) introduits dans les zones lentiques (faible mouvement de l'eau)

Dès l'âge de cinq ou six ans, les enfants apprennent au gré des saisons, à pêcher les espèces disponibles. Ils acquièrent une bonne connaissance du fleuve, de ses abords, de ses dangers

Le poisson est pollué par le mercure des chercheurs d'or. Faciles à pêcher, quatre poissons carnivores -l'huluwi, l'aïmara, le mitala, le piraï  apportent à eux seuls, 70 % du mercure ingéré par les Wayana. Le mercure altère les défenses immunitaires

Pour trouver du gibier, les chasseurs s'éloignent de plus en plus


Le rituel du Maraké (Ëputop) est l'une des cérémonies des Apalaï et des Wayana

Organisé pour franchir une étape de la vie, le Maraké est un cycle de cérémonies sur plusieurs mois. Bière de manioc. Musiques (flûtes), danses en costumes, épreuves de purification

L'initiation, le passage de l'enfance à l'âge adulte, avec des chants rituels de la catégorie Kalawu. Les postulants Tëpijem filles et garçons endurent sur le corps, des applications d'insectes hyménoptères venimeux. La peau de l'initié est frôlée par un « Counana » (Kunana), une vannerie

carrée, pour les filles

zoomorphe, pour les garçons -en forme de poisson, oiseau, animal mythique

La vannerie est ornée de plumes colorées. La partie centrale est tissée, afin de pouvoir emprisonner des fourmis venimeuses (Ilak), pour les initiés

ou des guêpes agressives (Okomë), pour les plus aguerris

Encouragés par les familles, les jeunes Wayana en cours d'initiation doivent sans gémir, endurer la souffrance causée par les piqûres des insectes. Hallucinations, évanouissements

Jeûne pendant cinq jours. Être prêt à affronter les épreuves de la vie d'adulte


Maraké. Durant plusieurs heures, l'Amérindien adulte porte la vannerie, telle une cuirasse immunisante. Après la séance, il est réputé être immunisé contre les blessures par flèche


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Les Wayana possèdent des mythes fondateurs, récits animaliers, histoires de la famille et du groupe qui sous-tendent leur culture, leur identité. Le Japu faiseur de perles. Le roseau à flèches, l'habileté et la force du serpent

Sur les objets rituels ou ordinaires, la symbolique est traduite par des motifs particuliers

Les figures zoomorphes sont des motifs traditionnels. De génération en génération, les mythes et les histoires sont transmis par des chanteurs, narrateurs des récits mythiques. Dont Kuliyaman, mort en 2001. Son fils Mataliwa Kuliyaman, ainsi que l'ethnologue et médecin psychiatre Jean Chapuis, ont enregistré et sauvegardé une partie de son savoir

Le temps pendant lequel tout peut devenir tout, le monde apparaît. Kaptëlo, l'origine du ciel

Deux personnages mythiques, « Kuyuli » et « Mopo », créent les êtres vivants, les minéraux. Les plantes, animaux, champignons. Les montagnes, les mers, les fleuves. Tout ce qui est sous le ciel et au-delà. Aspects cachés, accessibles aux seuls chamans


Ulinumtop Eitoponpë Uhpak, les Guerres du Passé. Après la création du monde actuel, les Wayana se combattent entre ethnies. La geste de Kailawa (Kailawa Eitoponpë), l'histoire de Sikëpuli. Ces deux héros mythiques précèdent l'instauration d'une ère de paix. Elle perdure entre les peuples de la région


Selon le conteur Kuliyaman. Hemalë Eitop Tom, les Temps Actuels. L'ère du troc entre les ethnies est marquée par la rencontre avec les Occidentaux et les Alukus ou Bonis

Peuples d'origine africaine, descendants des esclaves amenés par les Européens. Aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, ils s'évadent des plantations néerlandaises. Réfugiés dans la jungle, ils établissent des villages le long du fleuve Maroni

Étonnement, ouverture. Bouleversement social. Les épidémies apportées par les nouveaux arrivants déciment Les ethnies de la forêt


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L'arrêté préfectoral français du 14 septembre 1970 reconnaît aux Amérindiens un territoire protégé, au Sud de la Guyane

Sur cette zone de 30 000 km2, soumise à autorisation par cet arrêté, vivent quatre ethnies amérindiennes

Wayana et Apalaï (Caribe)

Wayãpi et Teko (Tupi-Guarani)

Quoique légalement protégé, le territoire fait l'objet d'activités illégales. L'orpaillage -utilisation de mercure, nuisible à la santé humaine (lent empoisonnement, malformations des enfants à naître), ainsi qu'à l'environnement



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