La nuit, la detresse

Rose Citron

quelques femmes celibataires avancent en aveugle vers leur destin

Il fait gris. Il pleut. 7 femmes enceintes regardent au loin en silence. La camionnette avance, s'arrete, repart. Un plissement d'yeux, pas l'ombre d'un sourire, une main vite passee sur le ventre, un soupir, un murmure, une esquisse de monologue. C'est long ce voyage. Elle regarde fixement par la fenetre. De la resignation et de l'inquietude flottent dans l'air. 

Elle se souvient. Elle etait une princesse. Il l'aimait comme un fou. Il aurait donne sa vie pour elle, ne pouvait vivre sans elle. Mais il n'etait pas la. 

Elle pense que ca va aller, cela aurait pu etre pire. Apres tout, elll allait accoucher dans un hopital, c'etait rassurant. Ca va aller, C'est sur. Elle etait seule, mais  elle avait l'habitude. Ne jamais compter sur personne.

Elle se debrouillerait. Il faudrait reflechir. Pas maintenant, maintenant, il n'y avait rien a faire. Ne pas penser. Juste laisser couler les minutes. Bientot une heure. Elles devraient bientot arriver. Voila. La cammionnette entre dans la cour, se gare.

Le chauffeur sort en gueulant : 7 Maison de Marie. Une personne repete en echo.  Il faut s'activer, remplir des papiers. Elle suit le mouvement.

Voila, et maintenant, elle est  seule, dans une position  inconfortable , voire humiliante. Ne rien dire. Laisser faire. Ca va se passer. C'est long, tres long. La douleur aigue surprend. Elle crie et elle  entend le rire des infirmieres dans le couloir. Elle devine  leurs commentaires desobligeants. De temps en temps, une femme entre pour voir ou elle en est et repart aussitot.

Quand ce fut fini, quelqu'un posa  brievement le Bebe sur son epaule, Elle esquisse un  geste de protection vers lui. C'est une fille. Vite, vite, il faut donner un prenom. Oui, oui, C'est fait. Les infirmieres partent avec le  Bebe. Elle reste en attente, se sent sale, degoulinante de je ne sais quoi de visqueux. ENfin, quelqu'un vient. On s'occupe d'Elle. Elle est manipulee comme une chose. Et voila, Elle integre une chambre, tente de se retrouver, revenir dans son corps, se reapproprier sa blessure. Ca va passer. Elle ferme les yeux. Elle pense a sa fille. Il faut la protéger, Qu'elle soit bien, qu'elle ait ce qu'il faut. Pour l'instant, Elle allait l'allaiter. Apres, on verra bien. Elle aurait le temps d'y penser. Il fallait qu'elle se remette dans tous les sens du mot. Il faut dormir, dormir. Le bruit des chariots dans le couloir, le personnel qui discute a voix haute, les gemissements venant des autres chambres. Elle allait dormir. Elle etait fatiguee. Demain, Elle verrait. 






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