La Passion est une Rose Noire.

Aurore Dupin

Deuxième Personnage. Troisième Partie.

      Il traversait les rues, le regard rivé sur la lune pleine et magnifique. Celle-ci semblait le réchauffer de ses rayons, lui redonner vie et enlever la peur qui rendait ses pas raides. Ses enjambées se faisaient alors plus légères, presque dansantes, et sous son épais gilet de laine, sa peau se voyait quasiment enflammée.

     Et ses longs doigts tapotaient hors de ses poches trop petites un rythme inconnu qui lui sciait le crâne sans pour autant le rendre quelque peu fou. Ses pas prenaient par la suite la même cadence, le faisant danser devant les passants au corps et à l'esprit frigorifié. Ils paraissaient alors eux-même fou, les yeux exorbités, la bouche légèrement entre-ouverte, la nuque en avant. Fou de voir un individu gambader joyeusement dans la rue tandis qu'il fait un froid insupportable. Un deuxième individu. Mais lui n'en avait que faire. Alors il suivait le tempo qui semblait couler dans ses veines, et virevoltait à travers la vie nocturne. Il se voyait par delà les vitrines de magasins fermés pour la nuit. Il pensait s'y voir, il ne savait pas réellement si c'était bien son corps. Mais celui-ci paraissait danser, tout comme le sien. Alors il détournait le regard et continuait de suivre l'eurythmie de la lune.

     Haute dans le ciel, ronde et flamboyante, elle était autant hypnotisante qu'effrayante. Et de ses rayonnements, une douce musique se manifestait pour tenter de faire danser le peuple noctambule. Mais, seul lui avait l'air de s'imprégner de cette envoûtante mélodie. Et, réjoui, il finissait de traverser la ville pour atteindre un point de verdure hors du centre. Là où tout n'était que jeux de lumières et parades, il n'y avait là que les rares animaux crépusculaires et l'ombre que projetait la lune au-dessus des arbres peu nombreux. Il continuait son chemin pour finalement arriver devant une petite colline sur laquelle se situait trois ombres qui paraissaient gargantuesques vues d'en bas. Curieux, il courrait presque pour atteindre ses spectres d'onyx. Et devant lui, il le vit. Magnifique, gelé.

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