La petite sirène du Mugel

lavadrouille

La petite sirène du Mugel


Pour voir le clip: http://www.youtube.com/watch?v=Tq06WYfJKAk

Vous savez, et il faut me croire, dans la baie de Cassis, il se passe certains soirs des événements bien étranges.

Voici ce qui m'est arrivé, il y a quelques mois.

J’étais sorti avec Ernestine, Ernestine est très docile, robuste et je peux le dire, encore très admirée malgré son âge, avancé. Ernestine a cent ans.

Ernestine, c'est la barquette de monsieur Gracile que j'avais empruntée  pour poser quelques lignes à la pointe des Lombards.

J’avais mal jugé du temps passé en cette soirée d'automne où quelques gouttes de pluie sur un calme plat tombaient comme pour accompagner une légère tristesse apparue dans ma vie cassidenne.

Je fus, de plus, assez contrarié d'une étourderie. J'avais oublié de remettre du gasoil et je n'arrivais pas à faire repartir le moteur.

Alors, que j'avais pris un peu de large pour admirer  d'avantage le Cap canaille, une légère dérive m'a entraîné doucement vers La Ciotat sans que je puisse corriger mon cap à la rame.

Et, c’est au moment où je m'échouais sur la petite l'île qui fait face au Mugel, l île verte, le visage ruisselant, le dos trempé, les mains endolories par mes coups de rames inutiles que j'entendis comme une petite voix, à peine audible.

J'ai d'abord pensé à la radio d'un bateau proche ou à des enfants qui auraient joué sur le port pas très loin, mais j'étais seul et a petite voix devint plus présente.

Puis, Ernestine se posa sur le rivage et je plongeais une demi-jambe  dans l'eau froide de la baie, un peu perturbé par cette impression de voix.

Je risquais un coup d’œil sur le côté.

Et là, je vis, sur une grosse pierre, une petite sirène, très jolie, de petite taille, qui semblait m'observer. Je vous assure que je n'avais jamais vu de sirènes auparavant mais il me semblait bien distinguer, dans la clarté vascillante,  un buste de femme sur une queue de poisson.

C'est alors que je l'entendis me dire, " S'il vous plaît, dessine-moi un mouton. "

Je ne suis pas vantard et je ne suis pas menteur, aussi, inutile de vous dissimuler ma surprise et mon angoisse soudaine.

De plus, il me semblait bien avoir déjà entendu ces quelques mots sous une forme analogue sans que je puisse me souvenir quand et à quelle occasion

Puis, la sirène répéta à nouveau, "S'il vous plait, dessine-moi un mouton".

J'aurai voulu choisir entre la fuite et la réflexion.

J'ai choisi la réflexion, et je me suis surpris à répondre, «Pourquoi ? »

J'aurai pu dire autre chose, peut-être ? Et j’aurais évité ainsi, tout ce qui va suivre.

La petite sirène m'expliqua alors, dans un français très correct, teinté d'un léger accent slave, qu'elle avait rencontré, il y a longtemps, un homme qui lui avait dessiné un mouton mais elle avait perdu depuis le dessin dans le filet d'un pêcheur.

Je lui dessinais donc, un mouton, sur une enveloppe de la sécu que j'avais par hasard dans ma poche.

Puis elle me demanda la permission de se réchauffer dans mon bateau. J’étais comme envoûté par cette situation incroyable et je ne faisais que de dire oui à toutes ses volontés.

Et puis, dans le bateau, elle souhaita que je lui parle de ma vie et je lui ai parlé de ma vie.

Puis, alors que j'avais réussi enfin, à remettre le moteur en route, elle me demanda de l'emmener chez moi.

Mais j’étais trop fatigué et Cassis, c'était bien trop loin, j'ai préféré prendre une chambre à l'hôtel du port.

Discrètement, je suis monté jusqu'à la chambre, la petite sirène, bien emmitouflée, dans mon sac de marin et une fois arrivé dans la chambre, j'ai fait couler de l'eau dans la baignoire pour elle, pour pas qu'elle se noie.

C'était tout à fait inutile, elle n'a pas voulu et elle m'a demandé, très sure d'elle, de s'allonger dans mon lit.

Je me suis surpris à accepter, bien malgré moi.

Un peu plus tard, la petite sirène était là, près de moi, jolie, mais quand même, avec une queue de poisson.

Elle eût alors, à ce moment, une attitude que je qualifierai de coquine, et elle insista subitement pour que je l'embrasse.

Ca je ne pouvais le faire, comment embrasser un poisson ?

Elle me supplia, en argumentant que c'était vital pour elle.

Alors, je ne sais pas ce qui c'est passé,  pardonnez-moi, peut-être un vieux souvenir d'enfance quand ma petite maman me racontait une fable ou un conte, mais, je l'ai embrassée.

Et c'est à ce moment, que la petite sirène s'est transformée en une belle jeune fille de quinze ans.

Je vous jure, Monsieur le juge, ça c'est passé comme ça!

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