La porte devint scène

katondutick

Pas près d'oublier le froid de la crypte...

J'ai bien en vue la porte de mon cabinet. Avant, je me lassais de perdre du temps. Ma pendule en bois de rose est en retard. Cela me complique la tâche. Toutes les choses auxquelles je tenais, mes papiers, mes porte-plume méritent un bastion. Il y a quelques années, j'ai décidé d'installer au secret, là, mes encres et mes calames .Une idée nouvelle m' est venue hier matin avec l'hiver tout gris alors que je me trouvais dans une église . La basilique de Saint-Denis me rappelle les films en cinémascope. Il faut me tenir auprès de la tombe du souverain guillotiné en 1793, dans la crypte. Agenouillé sur la dalle de marbre noir, un ouvrier recopie les lettres d'une épitaphe dessinées dans mon cabinet .Transi, j'ai passé là quelques heures, raide comme un hibou. Les coups de l'outil sur le granit vrillent les oreilles. Je suis ressorti quelques heures plus tard , le regard dirigé vers le parvis, vers les vivants, encore quelque peu effrayé par la rumeur des spectres. Déjà, la glace force les gens à tituber sur les pavés .Un retour tourmenté, de guingois. A la maison la belle idée a surgi ! Décorer la porte du cabinet .Sans délai. D'abord, autour de la poignée ,sage comme un instituteur ,j'ai mis un grand champ entre campanules et lavande. Tout au bout, un raton laveur jouant d'un banjo de bazar. En bas, il me faut installer Versailles et ses jets d'eau. Ce sera , noblesse oblige, pour le roi de France à côté des gisants .Au début, mon dessein avait l'air facile à atteindre .A peine ce labeur entrepris, me voilà fourbu comme un soldat qui crapahute. Résolu à entrer dans la facétie, j'ai disposé près des coursiers d'Apollon, toutes sortes d'encriers. Des noirs en porcelaine, des verts en terre cuite, et des bleus en émail… Mon réveil sonne ! Sept heures ! Le bougre fait son métier . Je cligne des yeux. Hélas, ma porte n'a pas changé.

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