La première fleur

My Martin

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Afrique australe. Namibie Sud-Ouest 

Le désert du Namib Nord (plaines caillouteuses). Le plus vieux désert du monde (80 millions d'années ?). Dunes fossiles 

Plusieurs périodes d'extrême aridité, accentuées au cours des derniers millions d'années  

 

Le seul endroit au monde, où Welwitschia mirabilis pousse naturellement  

Une bande côtière 

de l'Angola Sud-Ouest. Province de Namibe. Moçâmedes 

à la Namibie (rivière Kuiseb) 

 

Longueur, 1 200 km 

Largeur, 100 à 150 km  

 

Des populations isolées. Ici, quelques plantes. Ailleurs, un millier de plantes 

 

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Initialement adaptée à des conditions tropicales, W. mirabilis est une relique du Jurassique (-150 millions d'années. Domination des dinosaures, premiers oiseaux). Les gymnospermes (le pin, l'if) dominaient la flore mondiale 

Alors que ses espèces parentes ont disparu, W. mirabilis s'est adaptée à l'aridité croissante, sur la bande côtière (présence de brumes)  

 

W. mirabilis s'apparente aux pins 

mais possède certaines caractéristiques des plantes à fleurs  

 

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La croissance de W. mirabilis est visible dans les cernes annuels concentriques du tronc 

Compter les cernes donne une estimation de l'âge de la plante 

Une longévité de plusieurs siècles. Selon certains auteurs, jusqu'à deux mille ans 

 

Namibie, près de la ville de Swakopmund. « The Big Welwitschia », atteint  

une hauteur d'un mètre quarante  

et avec ses deux feuilles, un diamètre de quatre mètres  

 

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Très petit arbre. Circonférence, deux mètres 

Racine pivotante. Profondeur, deux à trois mètres 

Court tronc sans branches, où se creuse un "cratère" 

Le tronc se termine par un disque (lignification progressive) 

A sa bordure, se développent deux feuilles linéaires, coriaces, opposées. Elles se dilacèrent et meurent, à leur extrémité  

Deux rubans bouclés. Les bords sont secs, effilochés 

Épaisses de 1,4 cm, les feuilles croissent continuellement -un demi-millimètre par jour 

Leurs cellules ont une durée de vie d'une dizaine d'années 

 

Les feuilles ont une longueur de deux à quatre mètres, même pour les plantes les plus âgées (mille cinq cents ans) 

En moyenne, croissance de 13,8 cm. Soit sur une période de mille ans, jusqu'à 150 mètres  

 

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L'espèce est dioïque. Les sexes sont séparés ; des plantes mâles et des plantes femelles 

 

La plante est en germination constante -également pendant la période féconde 

 

Les organes de reproduction sont  

des cônes mâles. Nombreux, couleur brun-saumon. Ils portent le pollen. Quelques ovules stériles. Présence de nectar 

 

des cônes femelles, qui contiennent les graines. Couleur jaune-verdâtre 

 

Les inflorescences sont regroupées sur des tiges fertiles ramifiées 

 

La pollinisation (le transfert du pollen des plantes mâles vers les plantes femelles) est réalisé par les insectes. Mouches, abeilles, bourdons. Attirés par le nectar, produit aussi bien par les plantes mâles, que femelles 

 

Les graines mesurent 36 x 25 mm. Entourées par une ailette, le vent les disperse 

 

 

W. mirabilis survit  

à une température atteignant 65 °C  

à cinq années, sans une goutte d'eau 

 

Dans le désert, les précipitations annuelles sont souvent inférieures à 25 mm  

La plante survit grâce au brouillard, ce qui limite son aire à la zone côtière 

Le brouillard équivaut à un apport de 50 mm supplémentaires 

 

Pendant la nuit, l'eau de la brume se condense sous forme de rosée  

L'eau est captée par les feuilles (structure particulière) 

 

La large racine conique s'enfonce profondément dans le sol et atteint l'humidité souterraine 

 

Type de photosynthèse. Pour fixer le carbone, W. mirabilis utilise le métabolisme acide crassulacéen (CAM). L'incorporation du CO2 est nocturne, ce qui diminue considérablement les pertes d'eau par transpiration pendant la journée 

 

Pendant des années, les graines mûres de la plante restent viables, dans l'attente d'un événement exceptionnel. Plusieurs jours la pluie  

Issues de germinations lors d'une rare et unique année pluvieuse, les plantes de certaines populations ont toutes le même âge  

 

L'aridité du désert est croissante. Certaines populations sont en danger d'extinction 

 

Deux sous-espèces (des différences au niveau des cônes mâles) 

en Angola. W. mirabilis  

en Namibie, dans la partie sud de l'aire de répartition. W. namibiana  

 

 

Des peuples de la région ont consommé la plante. Son nom en héréro (langue bantoue, Namibie), "onyana" (oignon du désert) 

 

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La plante constitue une précieuse source d'humidité, voire de nourriture, ainsi qu'un micro-habitat, pour de nombreuses espèces 

En période de forte sécheresse, l'oryx gazelle, le springbok, le zèbre de Hartmann, le rhinocéros noir, et d'autres ongulés, mâchent ses feuilles 

Une espèce d'alouette, l'Ammomane de Gray (Ammomanopsis grayi), niche dans (ou sous) la plante 

Un abri pour les serpents (dont la vipère à corne d'Afrique du Sud), lézards, caméléons, arthropodes 

 

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En menace, 

les véhicules 4x4, en lien avec le développement de l'écotourisme. Ils peuvent occasionner des blessures, ou même la mort des plantes 

les collectionneurs, qui recherchent les plantes les plus anciennes. En Angola (guerre civile pendant plus de vingt-cinq ans, après l'indépendance en 1975), la relative concentration de mines terrestres éloigne les collectionneurs 

le surpâturage 

 

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Un insecte hétéroptère (punaise), Probergrothius sexpunctatis, est associé à W. mirabilis 

Famille des Pyrrhocoridae (la famille des gendarmes, Pyrrhocoris apterus)  

 

Il se nourrit  

des exsudats d'une cochenille farineuse (famille des Pseudococcidae), Paracoccus sp., qui parasite la plante  

ainsi que de la sève, des graines, des cônes de la plante 

 

Il ne pollinise pas la plante 

Il est l'un des vecteurs de l'infection des cônes femelles par Aspergillus niger. Ce champignon pathogène infecte les organes reproducteurs femelles et les graines 

 

Les spores du champignon sont  

présents dans l'air et le sol 

transportés par les insectes 

hébergés par les végétaux voisins 

À terme, la survie de Welwitschia peut être compromise 

 

 

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Dr. Friedrich Welwitsch 1806-1872. Botaniste autrichien, directeur du jardin botanique de Lisbonne 

1853 à 1861. Sous mandat du Portugal, le botaniste collecte des milliers de plantes  

 

1859. Expédition en Angola. Soudain, Friedrich Welwitsch tombe à genoux sur le sol brûlant. Il ne peut détacher son regard de la plante  

 

Il récolte des échantillons et les transmet à Joseph Dalton Hooker 1817-1911, directeur des jardins botaniques royaux de Kew (Richmond). Soutien de Charles Darwin 1809-1882, qu'il incite à publier ses théories 

 

J.D. Hooker échange avec des biologistes. Charles Darwin compare la plante à un ornithorynque végétal 

 

1862. À la demande de Friedrich Welwitsch, J.D. Hooker décrit et illustre la découverte  

 

Friedrich Welwitsch propose comme nom, "Tumboa", le nom que les populations angolaises appliquent à la plante -mais également à d'autres espèces 

 

J.D. Hooker convainc Friedrich Welwitsch de renoncer à sa proposition. Le nouveau genre Welwitschia (W. mirabilis, seule espèce) est dédié à son découvreur autrichien  

 

1863. J.D. Hooker. Journal. « Une plante que je n'hésite pas à considérer d'un point de vue botanique, comme la plus merveilleuse qui ait été découverte, au cours du siècle actuel » 

 

 

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Ordre. Welwitschiales 

Skottsb. ex Reveal, 1993  

 

Famille. Welwitschiaceae 

Markgr., 1926  

 

Genre. Welwitschia 

Hook.f., 1863  

 

Espèce. Welwitschia mirabilis 

Hook.f., 1862 

 

 

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Le groupe des gymnospermes -Welwitschia, le Ginkgo biloba, le séquoia de Chine, le pin de Wollemi (Australie) 

Les graines sont souvent protégées dans des cônes -le sapin, l'épicéa 

Pas de production de fleurs  

 

À la différence des angiospermes -le sophora, le catalpa  

 

 

Mésozoïque (-250 à -66 millions d'années). La diversité des gymnospermes est maximale puis régresse fortement 

 

Aujourd'hui, un millier d'espèces, dans les régions boréales et montagneuses 

 

Certaines lignées de gymnospermes sont représentées par une seule (ou quelques) espèce. Des reliques des groupes anciens  

 

 

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Gymnosperme. Proche de l'éphédra (Vastes répartition, soixante-dix espèces. Petits arbustes presque toujours dioïques, très ramifiés, aux tiges articulées)  

Welwitschia mirabilis 

Hook.f 

fait partie de ces « espèces reliques »  

 

Ordre, famille, genre. Seule représentante  

 

W. mirabilis est placée dans la classe des Gnetopsida  

Division de plantes vasculaires 

Des plantes ligneuses sans canaux résinifères, dont les plus anciens fossiles datent du Permien (-270 millions d'années) 

 

Les relations de parenté entre les Gnetopsida et les autres plantes, restent incertaines 

Les Gnetopsida présentent des affinités morphologiques avec 

les gymnospermes actuelles (conifères, ginkgos, cycas), 

aussi bien qu'avec les angiospermes (plantes à fleurs)  

De ce fait, dans l'évolution des plantes à graines, les Gnetopsida ont été considérées comme un groupe de transition  

 

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Taïwan, Academia Sinica. Dr. Shu-Miaw Chaw, généticienne 

Beijing (Pékin), Chinese Academy of Sciences. Pr. Jinhua Ran, généticienne 

Les travaux récents en génétique confirmeraient Welwitschia et les autres Gnetopsida, comme gymnospermes, proches parents de la famille des Pinaceae (sapins, pins…), au sein des conifères  

Les caractères partagés concernent des structures complexes, comme les organes de reproduction, comparables à des fleurs 

Et mettent en jeu une double fécondation -le grain de pollen contient deux noyaux 

 

 

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-400 millions d'années. Les végétaux (lichens, mousses) colonisent la terre ferme 

 

-350 à -320 millions d'années. Carbonifère. Les gymnospermes (représentants actuels, les conifères). Le mode de reproduction est relativement rudimentaire. Des cônes mâles et femelles (comme la pomme de pin)  

 

-150 millions d'années. Les plantes à fleurs  

La fleur porte les organes mâles (étamines) et femelles (pistil), entourés par des pétales et des sépales (éléments foliacés verts) 

Au lieu d'être nus, les ovules sont protégés au sein du pistil  

 

Rapide diversification. Aujourd'hui, les plantes à fleurs dominent la flore terrestre 

 

 

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24 février 2017. Laboratoire de physiologie cellulaire et végétale. CNRS. François Parcy 

 

W. mirabilis 

Ses cônes mâles possèdent quelques ovules stériles et du nectar  

Une ébauche, avant la fleur bisexuelle 

 

Les chercheurs ont localisé des gènes,  

similaires à ceux responsables de la formation des fleurs 

et organisés selon la même hiérarchie 

 

L'activation d'un gène déclenche l'activation du suivant, et ainsi de suite  

 

Une cascade de gènes similaire chez 

les gymnospermes  

et les plantes à fleurs  

 

Ce mécanisme n'a pas été inventé lors de l'origine de la fleur 

Il a été hérité, réutilisé par W. mirabilis. Dans l'évolution, un processus souvent à l'œuvre  

 

L'étude de la biodiversité actuelle des plantes, permet de remonter dans le passé 

Peu à peu, dresser le portrait génétique de l'ancêtre commun d'une importante partie des plantes actuelles 

Comprendre comment est apparue la première fleur -une structure différente des cônes 

 

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