La réflexion 

My Martin

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Loire-Inférieure / Loire-Atlantique 

Le Landreau. Hameau du Bas-Briacé, à une vingtaine de kilomètres à l'est de Nantes 

Le vignoble breton. Muscadet (vin blanc sec), Pinot noir, Cabernet, Gros-Plant 

 

Mercredi 1er octobre 1913. Matin sept heures. Mme Durant, une ménagère, a l'habitude de venir acheter son lait à la ferme de la famille Mabit -des paysans vignerons (4 enfants) 

 

Sur le pas de la porte, Pierre (4 ans) est en sanglots 

Mme Durant lui demande pourquoi il pleure 

Il désigne l'intérieur de la maison, derrière lui 

"Maman..." 

 

Mme Mabit (38 ans, enceinte) est peut-être en train d'accoucher ? 

Mme Durant retourne chez elle 

 

Toutefois elle parle de sa visite, à son voisin, M. Gohaud  

Intrigué, il décide d'aller prendre des nouvelles 

Il s'approche de la maison. Regarde par la fenêtre  

 

Il part alerter les gendarmes du Loroux-Bottereau, à 5 km du Landreau (nord-ouest) 

 

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Les gendarmes arrivent sur les lieux 

La cuisine. Mme Mabit et la servante Marie Dugast, dans une mare de sang. Gorge tranchée 

Une chambre. Dans son lit, égorgée. La grand-mère -la mère de Jean-Marie Mabit  

Une chambre. Dans leurs lits. Marie et Henriette. Égorgées. Sur les murs, des éclaboussures de sang 

Dans son berceau ensanglanté, Joseph, le benjamin  

Le pressoir. Jean-Marie Mabit porte des blessures infligées avec un outil agricole, une serpe 

 

Mêmes blessures. Même meurtrier 

 

 

Le commis de ferme (15 ans), Marcel Redureau, n'est pas présent. Les soupçons se portent sur lui  

Il est rapidement arrêté 

Il n'oppose aucune résistance  

 

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L'après-midi même, sur les lieux du crime. Interrogatoire par le parquet de Nantes 

Marcel Redureau reconnaît les faits 

Aucun remords 

Calme glacial 

 

 

*** 

 

 

Les journalistes s'interrogent 

« Comment ce jeune homme, timide, doux et craintif, a-t-il pu se métamorphoser en une brute ivre de sang ? » 

 

L'affaire émeut la France entière 

 

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Les journaux comparent cette affaire à des faits plus anciens (1869-1870). Jean-Baptiste Troppmann 1849 - guillotiné à Paris, le 19 janvier 1870 

Jeune mécanicien (19 ans), jugé coupable du meurtre des membres d'une même famille d'industriels de la filature (Roubaix) 

« Le massacre de Pantin ». La famille Kinck -8 victimes 

Le père, Jean et la mère, Hortense 

Leurs enfants. Gustave (16 ans). Émile (13 ans). Henri (10 ans). Achille (8 ans). Alfred (6 ans). Marie (2 ans) 

 

 

*** 

 


Marcel Redureau n'a jamais fait preuve de violence auparavant ; son casier judiciaire est vierge 

 

Marcel Redureau est incarcéré à la maison d'arrêt de Nantes, place La Fayette / Arisitide Briand (30 décembre 1918)  

 

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1865. Établissement octogonal, ses quartiers rayonnent autour d'un pavillon central qui abrite la chapelle. Le plan est panoptique ; type d'architecture carcérale imaginé par Jeremy Bentham 1748-1832, philosophe utilitariste, à la fin du XVIIIe siècle 

Permettre à un gardien, logé dans une tour centrale, d'observer tous les prisonniers, enfermés dans des cellules individuelles autour de la tour, sans que ceux-ci puissent savoir s'ils sont observés. Les détenus ont le sentiment d'être constamment sous surveillance 

 

Philosophe et historien, Michel Foucault 1926-1984. Surveiller et punir (1975). Le modèle abstrait d'une société disciplinaire, axée sur le contrôle social 

 

 

Jean-Marie Mabit (42 ans) exploite une ferme et un vignoble  

Il maintient son exploitation avec l'aide de sa femme (38 ans), sa mère (79 ans) et ses enfants 

 

Deux employés, dans la famille  

Marie Dugast (16 ans) aide Mme Mabit pour l'entretien de la maison et l'éducation des enfants 

 

Deux filles. Marie (huit ans) et Henriette (sept ans) 

Deux garçons, Pierre (quatre ans) et Joseph (deux ans) 

 

Marcel Redureau (né le 24 juin 1898, Le Landreau) aide Jean-Marie Mabit dans les travaux de la ferme 

Été 1912. Marcel aurait pris ses fonctions au sein de la famille, en remplacement de son père -été 1912 à octobre 1913, un an 

 

 

Mardi 30 septembre 1913. Les vendanges. Jean-Marie Mabit emmène Marcel, afin d'aller tailler les ceps de vigne 

 

Soirée (22 heures 30), le pressoir. Le patron fait une réflexion à Marcel  

 

Marcel tue Jean-Marie 

 

La ferme. Dans la cuisine, il tue la servante Marie Dugast 

Elle crie. Mme Mabit (enceinte de sept mois) entre dans la cuisine. Elle est tuée  

La grand-mère. Les enfants 

 

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Village voisin. Marcel Redureau se réfugie dans la maison de ses parents, Jean Baptiste Louis (né en 1860) et Amélie (née Bouyer, en 1870) 

Sur son visage et sur sa chemise, des traces de sang  

 

 

Comptes-rendus des gardiens de la maison d'arrêt. Marcel Redureau aurait tenté de mettre fin à ses jours, mais il aurait manqué de courage 

 

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Marcel Redureau est-il sujet à des états de démence ? 

Il n'en est rien. Selon les médecins, le garçon est timide et intégré 

 

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Christophe Belser, écrivain et historien, originaire de Nantes. « Marcel Redureau n'explique pas son geste. » 

« Ce crime marque d'autant plus les esprits, que les familles Mabit et Redureau se connaissent très bien. Elles habitent à quelques centaines de mètres l'une de l'autre, entretiennent des relations amicales. » 

 

 

3 mars 1914. Nantes, cour d'assises 

Marcel Redureau est jugé coupable de tous les chefs d'accusation retenus contre lui, sans circonstances atténuantes 

En raison de son âge, il échappe à la guillotine 

 

Il est condamné à vingt ans d'emprisonnement, dans une colonie correctionnelle pour mineurs 

 

 

*** 

 

 

Complainte en souvenir des victimes 

Air de la complainte de Fualdès. Saint-Amand-Montrond (Cher) 

 

... 

3  


Ce forfait ainsi s'explique : 

Le maître de la maison 

Fit une observation 

A son jeune domestique, 

C'était auprès d'un pressoir 

Vers les dix heures du soir 

... 

14 


Le meurtrier jeune sauvage  

Devant les autorités 

Fit bien des aveux complets 

Il dit même davantage 

Que si petit Pierre échappa 

C'est bien parce qu'il l'oublia. 

... 

18 


Que cette histoire lamentable 

Puisse vous servir de leçon 

A vous les jeunes garçons 

De famille respectable ; 

Voyez que la méchanceté 

Peut produire des cruautés 

 

 

*** 

 

 

Les parents de Marcel Redureau déménagent dans le sud de la France 

 

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9 mars 1916. Villeneuve-sur-Lot, Lot et Garonne. Centre de détention d'Eysses -ancienne abbaye bénédictine, fondée en 1099 

Décès de Marcel Redureau (18 ans). Tuberculose


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