La salle d'attente
Zéphine Divine
Assise dans la salle d'attente du dentiste, cet homme aux allures égyptiennes installé en face de ma chaise ne détournait plus son regard de moi. C'était très gênant cette façon de me fixer si intensément. Par bref moment il jetait un coup d'œil autour de lui pour aussitôt revenir se poser sur moi, comme une mouche collée à son pot de confiture. L'air négligé, il avait néanmoins un certain charme, et mieux apprêté il aurait pu séduire facilement.
Sentiment ambiguë, la gêne se mua en flatterie. Troublée d'être si belle pour un homme au point qu'il ne puisse plus détourner ses yeux verts et troublants de moi, je me sentis téléportée loin d'ici, en Égypte antique, à l'ombre des pyramides.
Malgré ma peau de celte et mes yeux trop clairs pour le soleil du Sahara, je me surprenais à m'imaginer dans la peau d'une femme du désert, au regard voilé et impénétrable, séductrice mystérieuse et légendaire, esclave sexuelle et épouse préférée d'un grand prince égyptien.
Mais mes rêves d'évasion furent brusquement interrompus par l'entrée fracassante d'une jeune femme brune à la beauté orientale (une vraie), bouche délicate et pulpeuse, grain de beauté qui décore la joue, petit nez plat et rond, yeux sombres effilés en amande, sourcils trop bien taillés pour être vrais, longue chevelure touffue et brune, et aux boucles rebondissantes.
Les yeux du type furent pris d'une crampe saisissante, effectuèrent un virage à 180 degrés, et atterrirent sur la peau douce et bronzée de la jeune femme, incapables de se détourner de leur nouvelle muse.
Partager entre le soulagement de ne plus être dans sa ligne de mire et franchement vexée par autant d'indélicatesse, je retombais dans la réalité lassante de mon quotidien, déçue de ne plus me sentir dans la peau d'une princesse Saharienne.