La saveur de la neutralité.

khole

[28/05/2018] Neutralisons la neutralité.

Envie d'écrire. Comme on peut avoir envie de baiser. Fulgurante, animale, viscérale.

Ca fait presque un an que je ne suis pas passée par ici. Un an que j'écris sans écrire. J'écris des cours et des méthodes sur des cahiers d'écoliers, des courriers et des mails sur un écran, des noms et des chiffres sur un chéquier.

Mais ce soir je reviens. Et ce soir je veux écrire. Baiser avec les mots, les retourner dans tous les sens et leur faire crier mon nom. Il n'y a pas qu'aux hommes que cela arrive. J'aurai peut-être pas du lire du Bukowski cet aprem'.

Mes doigts gourds frémissent. Ils se gorgent d'envie. Ils se dressent. Ils frôlent le clavier. Ils se ravisent. Ils hésitent. Ils réfléchissent décidément trop.

Alors laissons aller la plume et baisons l'écran en le strillant de mille tâches. Baisons le, mais avec amour, avec envie, avec respect.

Mais là le respect n'est pas ; mes doigts jubilent mais mon esprit se décompose à chaque mot. Putain j'ai rien de mieux à écrire que ce pavé nauséabond ? Pourtant je ne suis pas de mauvaise humeur. Ca doit être ça.

De la constance ma bonne dame. Tout est dans la constance. D'apparence Jamais hurlante, jamais silencieuse. Jamais salope, jamais sainte. Jamais. N'être jamais. Je suis le zéro de ce monde ; ni positive, ni négative. La neutralité absolue. Le beau et le laid font pleurer. Le bon s'avale et le dégueulasse se recrache. Le saint exalte et le démon exulte. Emotion, réaction. Les émotions ont une beauté, une saveur qui leur est propre ; bonnes ou mauvaises, elles sentent et se font ressentir. La neutralité, c'est laid. C'est plat. C'est vide. C'est non-humain.

Et ce soir mon humeur est neutre. Pas assez libre pour être heureuse, pas assez seule pour être triste, pas assez blessée pour être en colère. Je suis laide de neutralité. Je suis affreusement grise, translucide, et mon visage est le néant incarné. Lèvres closes, ni tombantes ni montantes, tignasse privée de forme, regard bovin tant rien n'attire mon amour ou mes foudres en cet instant précis. Je suis monochrome. Monocorde. Monotone. Je suis ce Monolithe inconnu et d'un noir de jais uni et terrible tant il est lisse et vide de sens.

Le neutre, ça fait peur. Car cela ne fait rien. Cela ne provoque rien. Cela n'est rien.

Et comme j'ai encore un petit fond de dignité planquée quelque part, je préfère attendre de sentir la rose ou le purin pour reprendre à nouveau ma plume. La léthargie est la pire des réactions que l'on puisse engendrer. 

Signaler ce texte