La séparation

katherineravard

Ça fait combien de temps déjà. Quatre ans. Peut-être cinq. Des dizaines de mois, une centaine de semaines ou des millions de secondes. Tout dépend de la manière dont on mesure l'horloge de son désespoir.

J'ai jeté les photos, déchiré les dessins. Zappé les personnes qui me parlaient tout le temps de toi. Pendant des mois, je me suis oublié. Dans  les voyages, dans le travail. Jetant mon dévolu sur des dossiers de plus en plus difficiles, la tête remplie de formules toutes faites, je laissais passer les saisons sans joie ni passion.

Quand venait le temps des vacances, je bondissais dans les aérogares surchargés, souriant à tous les gamins heureux que je croisais sur mon chemin. Je me nourrissais de leurs joies et de leurs sourires joyeux.  Pourtant, ils accentuaient, en moi, le sentiment que je m'éloignais définitivement de la douceur de l'enfance.

Le nez toujours collé sur le hublot des avions, je découvrais des continents démesurés, une nature hostile et des contrées inconnues dont les coutumes me sont étrangères depuis le beau pays de France.

Quelquefois, dans certaines zones portuaires, je longeais les docks, humant l'odeur des quais qui éveillaient, en moi, l'appel du large et de l'océan tumultueux.

Dans les villes de grande solitude, je visitais les alcôves des fumeries d'opium où le temps n'a plus de prise. Sur rien, ni personne.

Je côtoyais des filles inconnues, souvent brunes avec une peau légère au goût de pêche. Elles me faisaient songer, certaines nuits d'été, aux paradis artificiels des poètes du mouvement romantique.

Je voulais rattraper le temps perdu, toutes ces journées où j'avais noyé mon chagrin, à cause de toi, dans des eaux fortes qui réchauffent le corps.

C'est vrai qu'il m'a fallu du temps. Et de nombreux voyages.

Mais, j'ai fini par t'oublier. Définitivement. Tu es redevenue l'ombre de mon ombre. Une silhouette de femme parmi d'autres qui croisent, parfois, ma route. Pour clôturer une partie de ma vie qui s'achève dans le tunnel du passé...

Signaler ce texte