LA SOIE ET LA FLAMME

graz

Combustion charnelle, embrasement des sens, une étreinte. Juste une étreinte.

L'obscurité d'une étreinte silencieuse. Le monde a succombé aux soupirs de nos deux êtres enlacés, emportant avec lui ses vices, ses tumultes, ses défaites et ses pleurs. Le seul son qui parvient jusqu'à moi est celui des battements chaotiques de nos cœurs. Une pâle lueur révèle à peine le contour de nos corps brûlants, alors que la chasteté tactile de la soie glisse sur ta peau, dans un mouvement tigré et symphonique. Tes charmes se dévoilent en cascade et je crois assister à la première aube sur Terre.

Ma main ne devrait être qu'un papillon gracieux, se déplaçant sur ta peau sans but précis, mais, au lieu de ça, c'est le désir aveugle et animal qui la conduit follement sur le sommet de tes frêles épaules pour, brusquement, rebrousser chemin et s'élancer vers le précipice perlé de ton dos, en s'écrasant fermement sur la courbe charnue de tes fesses. Un trésor humide et enfoui l'y attend, les parois de ta chair intime, telles des fleurs ensorcelées, s'écartent lentement sur son passage. Ce n'est plus de soie qu'est recouverte ta peau, mais de flammes. Je les sens danser tout autour de toi, répandant leur folie jusqu'à l'épicentre de notre passion. Nos bouches carnivores s'empressent, s'élargissent, se mouillent, croquent, effleurent, dérapent…Tandis que le feu se propage en crépitant maladivement, nos mains, parfois, se heurtent et en profitent pour se nouer sauvagement, nos doigts s'enlacent et entament un étrange ballet funambule.

Le prologue illuminé de nos ébats s'intensifie, comme attisé par des bourrasques chaudes; le souffle court et les muscles tendus à l'extrême, nous chavirons dans une opaque horizontalité. La fusion charnelle s'amorce, rituel bestial et solennel, le feu rougeoie bruyamment, le chaos des sens arrive, s'apprêtant à cueillir nos âmes défaites, dans la frénésie puissante des corps. Nos êtres deviennent un brasier de plaisir qui confine à la douleur, transformant nos caresses en un bûcher d'hérésie. Les spasmes, la sueur, les râles, les mots, les regards, tout est teinté de feu. La voie de la combustion est une ascension vertigineuse que nous accomplissons irrésistiblement, écorchés, déments, oubliés. J'entre avec fracas dans ta lumière, ton ventre est ce soleil fou qui me dévorera bientôt et je jouis de m'y brûler l'âme.

La splendeur charnelle s'ouvre enfin à nous, explosion de délices et de tourments, de senteurs et d'asphyxie, libération et châtiment. La clameur sourde de ce miracle s'est imprimée sur nos corps repus et assassinés, elle y restera gravée, invisible à jamais et composera une strate immuable dans l'histoire tragique de nos sens.    

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