LA VIEILLE DAME

Dans une rue abandonnée, une vieille dame avance péniblement. Dans la main gauche une béquille l'aide à prendre appui. Dans la main droite, un sac bien rempli. Son visage laisse apparaître un rictus de douleur. De temps à autre, elle s'arrête pour reprendre sa respiration. A quelques mètres de là, des enfants la contemplent sans bouger. La vieille dame leur sourit naturellement en continuant son chemin. Quelques minutes plus tard, elle s'abrite dans l'arrêt de bus qui se trouve à deux ou trois mètres. Lorsque le bus arrive, elle se cramponne à la rampe pour monter, sans l'aide de personne. Seuls les ricanements des enfants l'accompagnent. La route lui semble longue. Cependant, elle sait que personne ne l'attend sauf son chien Tobby qu'elle a sauvé d'un accident de voiture. Depuis, c'est son seul ami. Ses voisins ne lui portent aucune attention. Sa famille vient très rarement lui rendre visite par manque de moyen de locomotion disent-ils. Une larme coule sur sa joue. Les souvenirs lui font mal. Sa détresse lui fait mal. La solitude lui pèse plus fort de jour en jour. La pluie s'invite en martelant les vitres. Un mauvais souvenir ressurgit alors de son esprit qu'elle chasse aussitôt. Dans le bus, elle est seule là aussi. Le silence lui glace les veines. Seul le moteur ronronne. Elle aimerait dialoguer, plaisanter, rire, en un mot : « exister ». Chaque jour le même rituel se présente. La routine s'installe. Elle n'espère plus rien. De plus, ses jours sont comptés. Elle seule le sait. Le bus s'arrête. La vieille dame hésite un instant puis se lève difficilement. Elle descend les marches, haletante. Le chauffeur montre son impatience en soupirant. Soudain une pièce tombe de la poche de la vieille dame qui ne parvient pas à la ramasser. Sa dernière pièce. Le bus repart en klaxonnant. La vieille dame réussit enfin à regagner sa maison. Elle ouvre sa porte qu'elle avait oublié de fermer à clef. Son chien l'accueil. Elle le caresse. Elle sait que lui seul l'attend à chaque absence. Il garde la maison. Il est sa seule raison de vivre.