La vieille enfant.

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Pourquoi dit-on que la vieillesse ternie la beauté ? Je la trouve belle moi, cette vieille femme assise près du parc, qui regarde tendrement son petit-fils descendre le toboggan. Elle a des yeux d'enfant. On dirait qu'ils sourient. C'est émouvant. Un peu délavés, un peu ternes, ils semblent s'attarder sur chaque objet, chaque petit garçon, chaque sourire et chaque fleur qui éclos, comme si c'était la dernière. On ne fait attention à rien quand on est jeune, tout n'est que répétition, qu'enchaînement de banalités quotidiennes auxquelles on n'accorde pas d'importance.
Mais cette vieille femme ... Cette vieille femme, elle, peint le moindre détail au creux de sa tête fatiguée, par pointillisme harmonieux. C'est drôle de voir comme sa peau est chiffonnée. Sans le savoir, elle devient le berceau du soleil, qui vient se nicher joliment dans chacune de ses rides, enchevêtrement d'arabesques fines et délicates qui lui donnent un air sage.
Elle est courbée, la vieille femme, courbée sous ses longues années de vie passionnée, bien que parfois peu passionnante. Elle a les cheveux blanchis, la vieille femme, et coupés court. Elle n'a plus beaucoup de dents, la vieille femme. Elle est petite, et rondouillette. Mais Dieu qu'elle est belle, assise là, rêveuse et mélancolique. Comme elle est touchante, à étreindre son petit garçon d'un sourire empreint d'amour et d'espoir. Pourquoi dit-on que le beau, c'est un visage ferme, des yeux grand ouverts sur le monde, des cheveux longs, le teint éclatant et la taille gracile ? Moi, je dis que ce qui est beau, au contraire, c'est la tranquillité de cette dame qui sait tout de la vie et qui en porte les mémoires jusque sur ses joues abîmées et adorables. Je dis que son sourire, défiguré de trop s'être offert à tord, est l'une des plus belles choses qui existe. Que sa voix est la douce chanson d'une époque, qu'elle déclame inlassablement. Que ses mains, bleuies et déformées, sont à elles seules le récit de ses jours de labeur, fatiguées d'avoir trop caressé. Rien de plus merveilleux et de plus beau que la disgrâce de cette vieille femme, assise près du parc, qui regarde tendrement son petit-fils descendre le toboggan.

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