La visite
Bets Book
2050. « Plus tard, quand je serai grand, je serai dictateur et j'édicterai mes diktats aux états, sans état d'âme », piaillait-il aux récrés. en tapant du pied.
2085. Il avait voyagé dans son jet, l'esprit léger, ne prêtant guère attention aux actualités de son empire que son conseiller lui rapportait de temps à autre : manifestations réprimées à coup de flash-ball, opposants emprisonnés, biens spoliés par la milice, etc. Assoupi sur son siège, les yeux mi-clos, il avait surtout rêvassé à ce qui l'attendait. La République, bien qu'au bord de la faillite, avait dépensé sans compter pour honorer le plus gros donateur de la campagne électorale de son président. Il allait donc séjourner au château de Monailles, en passe d'être classé Merveille Universelle selon le mag Fiefs et Citadelles. La bergerie avait été transformée en bowling, la salle de bain équipée d'un écran géant et une flopée de boys et de bonnes recrutés. Les cabriolets décapotables du ministère des Économies avaient été mis à sa disposition, ainsi que leurs chauffeurs. La fine fleur de la Garde républicaine, épaulée par des oies municipales et des kits électroniques allaient assurer sa sécurité. Cerise sur le gâteau, le staff présidentiel avait concocté un banquet et un bal musette costumé. Féru de luxe et de guérilla, il comptait s'y rendre en tutu perlé, chaussé de bottillons et muni d'un colt à pétards.
En fin de croisière, son conseiller l'avait réveillé. Quand il était apparu souriant sur la passerelle, les tambours majorettes avaient formé une haie d'honneur. S'éparpillant dans mille serments, il avait avancé guilleret sous les rubans. Au bout du tapis rouge, ses bulles de bubble gum avait épaté les officiels et excité les révoltés. Les présentations achevées, les rebelles évacués, il avait filé se préparer.
Il dansa le paso, but du Bandista mais, le lendemain, on n'avait parlé que du drame. Au Palais de la République, en pleines réjouissances, une défaillance du circuit électrique avait provoqué un incendie hippopotamesque qui n'avait pu être maîtrisé. Au petit matin, sous les décombres encore fumantes du bâtiment, son corps calciné avait été retrouvé aux côtés d'une oie carbonisée. Réveillés par les cris d'invités affolés, et éméchés, les vigiles avaient cherché fébrilement les pompiers. En vain. Ils avaient disparu, victimes du décret prévoyant le non remplacement des soldats du feu partis en retraite ou sous les fleurs…