L'Absence

plumette

Les premières lignes pour le concours : Félix Vallotton, de la peinture de l’écriture. Le tableau choisi est : "Intérieur, femme en bleu fouillant dans une armoire".

Désespoir : les lettres ont disparues. Tous ces souvenirs évaporés, absorbés comme une traînée de fumée. Il est parti, ça y’est, du jour au lendemain, sans crier gare sans faire de bruit en prenant tout avec lui.
J’aurais voulu l’en empêcher, lui dire que je l’aimais, que peu importe ce qu’il avait fait, je l’aurais pardonné.

J’aurais pu faire n’importe quoi pour lui, sa présence me manque, son absence me terrifie. Son parfum, le contact de sa peau sous les draps, ses caresses au réveil, ses mots si doux glissés au creux de l’oreille, sauvagement, son sourire .. Il est parti, ça y’est …

Fallait pas s’étonner, c’était un voyou, tout le monde le savait dans le quartier.
« Il t’a pas volé tes économies au moins c’t’ enfoiré ? 
-Non, il n’a rien volé, du moins pas ce que je croyais. Les lettres, c’est tout ce qu’il a piqué. - -Mais pourquoi ces lettres, quel intérêt ? »
De l’encre sur du papier, de simples bouts de papier, sans odeur, sans aucune valeur. De simples écrits d’une trentenaire aigrie, fragilisée par la vie, qui écrivait ses vieux souvenirs pour ressasser, dans l’espoir de les retrouver, ses petits bonheurs manqués qui le lui auraient échappé.

Perdue, voilà le mot qui lui vient à l’esprit. La tête penchée sur son armoire, encore en chemise de nuit, elle se sent déboussolée, trahie, désorientée avec personne pour la ranimer, à la recherche de ses lettres, traces de son passé qui pourtant l’a tant fait pleurer.

Il était musicien, piètre musicien certes, mais il avait le bagou, la volonté, le petit truc qui fait qu’il aurait pu réussir et progresser. Voyager c’était ce qu’il voulait, pour monter à Paris, la capitale. Tous les artistes s’y trouvaient, c’était le repère, l’endroit où il fallait se trouver. Pour cela, il fallait fuir la misère quitte à voler. Un homme honnête, vous plaisantez ?
Ses soirées, il les passait à rencontrer des femmes, souvent de bonne famille, plongées dans la solitude et la mélancolie,en attente d’un mari,d’un amant pour les aimer. Il les charmait, avec sa verve et ses bons mots, jusqu’à entrer dans leur appartement, et le lendemain,furtivement, disparaissait sur le champ, en emportant tout, bijoux, économies, porcelaines, cuillères en argent ..

Sauf qu’hier, il ne lui a rien volé, pas même ses économies bien disposées sur sa table de chevet, ses nombreux parfums posés sur le meuble de son cabinet. Bien sûr, elle le savait, elle n’était pas dupe, elle connaissait ses activités, mais elle avait tout laissé apparent. Il y’avait largement de quoi se le payer ce séjour tant espéré !Se sentait t-il piégé ? Pourquoi n’y a t-il pas touché ?

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