L'Arlequin

Marius Picard

J'étais venu ici plusieurs fois. Mes songes me baladent régulièrement sur des berges de coton.

Au bout du ponton de bois délicat, un Arlequin se tenait. Assis, ses pieds nus caressant l'eau du lac, il faisait jouer son harmonica d'un air mélancolique.
Je m'assis à ses côtés, contemplant le ciel.
Il interrompit sa mélodie, pointant son doigt vers les ténèbres de l'Univers: 
"Tu vois cette lumière bleutée, au loin dans la Voie Lactée ? C'est de là que je viens. Je ne me rappelle plus comment je suis arrivé ici, chez vous." D'après ses dires, il était assis là depuis des décennies, rêvant d'un retour chez lui.

"La Nuit, je joue pour faire danser les étoiles. Je viens d'une planète musicale, la planète des Sol-itaires. Là-bas, l'atmosphère est baignée par des concertos d'orgues, et les notes de pianos remplacent les vagues de l'Océan."

L'Arlequin dégageait une pureté sans égal, ses yeux étaient si clairs qu'on pouvait y voir son âme: elle était pourpre et se mouvait de la même manière qu'un feu follet. Il reprit sa mélodie. Les éléments semblaient danser autour de lui. L'eau du lac était sa ballerine et la forêt sa chorale. Un souffle doré caressait mon visage, les nuages formaient une écharpe autour de mon cou, j'avais l'impression de respirer le Ciel.

Une gondole passa proche de nous. En son centre était posée une lanterne, dont la lumière orangée dessinait mon prénom. Le gondolier nous regarda et nous dit: "C'est l'heure, allons-y." "Où est-ce qu'il nous emmène ?" interrogeais-je l'Arlequin.

"Il n'y a que toi qui part mon ami, tu vas découvrir la Vie."

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