L'ARMURE

Hervé Nouvel

L'armure

 Deux personnages, face à face, l'un est impérativement un homme, assis en zazen (sur ses talons), devant lui un nécessaire à calligraphie (pinceau, grande feuille de papier, encrier), il fixe l'autre personnage, qui lentement ouvre les yeux.

 L'armure – Pourquoi me regardes-tu ?

 L'homme – Je te regarde parce que je pense à ton maître, et toi, à qui ou à quoi penses-tu en me regardant ?

 L'armure – Mon maître n'est plus. Et une armure ne pense pas.

 L'homme – Une armure ordinaire ne parle pas, or toi, tu parles.

 L'armure – Autrefois tout était différent. Aujourd'hui je ne parle qu'à toi, pour les autres je ne suis qu'une... antiquité...

 L'homme – Que tu me parles est la seule chose qui compte, entre nous c'est une affaire de famille. Alors réponds-moi Vénérable Armure, j'ai besoin de savoir, combien de morts tes orbes vides ont-elles contemplés ? Combien de coups as-tu paré ? Combien de fois l'as-tu sauvé ?

 L'armure – (Offusquée et vivement) Kojirò Ono ton trisaïeul, du fameux clan Kojirò de la vieille noblesse militaire, n'a jamais eu besoin de moi ! Il me portait, oui, mais je n'ai jamais été pour lui qu'une armure d'apparat. Je suis devant toi, cherche une égratignure. Il n'y en a pas. Tu me vois, tu sais donc qu'il était petit de taille, mais un rude, un redoutable combattant, le meilleur de sa caste, le plus précis, le plus rapide. Intouchable. Fulgurant. Son katana avait déjà regagné son fourreau que l'adversaire n'était pas encore tombé.

 (Un temps)

 L'homme – Sous notre toit délabré, vois la porte arrachée qu'une minuscule brise traverse, elle agite pourtant et menace la flamme des bougies. Je te distingue à peine sous leur faible lumière, l'électricité ne sera pas rétablie. Ancestrale armure, serai-je capable d'un quelconque exploit aujourd'hui ?

 L'armure – Vous avez le même sang, mais es-tu de la même trempe que ces armes blanches à mes pieds ?

 L'homme – Le feu du dragon a forgé l'épée, la lance, le poignard, mais aujourd'hui le dragon doit être vaincu, étouffé son fluide nuisible. Nous devons l'empêcher de mordre, d'exhaler le feu.

 L'armure – Le feu est bon. Il a tracé le dessin sur la lame guerrière, spécialement forgée pour ton glorieux aïeul, par un Maître, sur les flancs du Mont Fuji.

 L'homme – Oui, mais le feu dont je parle est un feu cyclopéen, titanesque, hideux.

 L'armure – Alors, fais comme il aurait fait, éteins ce feu sacrilège.

 (Un temps)

 L'homme – Aide-moi, je te prie. Aide-moi à détourner les images funestes de mon esprit, à écarter doute, désordre, désolation. Avec les mannes sur l'autel où brûle l'encens, vous êtes ce qui me reste des prouesses passés.

 L'armure – Je te donne ma bénédiction, et t'autorise à prendre les armes antiques.

 L'homme – Les temps ont changé, nous n'avons pas d'armes adaptées contre ce fléau.

 L'armure – Alors, pourquoi avoir laissé le dragon se réveiller ?

 L'homme – Nous avons été faibles, nous avons laissé faire, toujours à courir après la croissance, l'énergie, le rendement... Pourtant nous l'avions subi par deux fois déjà ce feu terrible. Les destructions, les brûlures immondes ne.....

....................Texte partiel suite à demander à l'auteur

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