L'arrêt de bus

robinpclt

Dieu sait où ils se rendaient, mais on entendait leur conversation.

Les cyprès étaient hauts, et ressemblaient à des flammes olympiques sans porteur, abandonnées là et vouées à brûler sans fin. Le vent d'est faisait vaciller les branches comme des flammèches, alors que d'intimidants cumulus déferlaient de la montagne. La rue était déserte.

 

- « Je comprends mieux. »

- « Quoi donc ? »

 

Le grillage rouillé avait été envahi par des plantes grimpantes et des escargots aux coquilles elliptiques. Tout était desséché par le soleil, figé sur le fer. Il ramassa un morceau de bois et le broya entre ses doigts.

 

- « Ce n'est plus que de la poussière... »

- « Tu sais bien que la végétation est sèche par ici, c'est pas nouveau. Le climat veut ça. »

 

Une vieille voiture rutilante passa devant eux avec, au volant, un vieux monsieur assorti d'épaisses lunettes noires qui ressemblaient à celles que portent les aveugles.

 

- « C'est pas seulement la végétation. Tout est sec ici. »

- « Surtout toi, c'est clair. Même une momie aurait meilleure mine. »

 

Ils restèrent silencieux quelques instants, sans parvenir à savoir si la flèche du temps continuait sa trajectoire. Tout était très calme, malgré les nombreuses habitations qui jonchaient le paysage. Mais personne n'avait l'air de bouger.

 

- « Ça ressemble à la théorie du Chaos. »

- « Qu'est-ce que tu racontes encore ? »

- « Les arbres, le vent, le silence. C'est une petite fin du monde en soi. »

- « On prédit la fin du monde sur du long terme, je crois qu'on a encore de quoi la voir venir. »

- « Je perçois des dizaines de fins par jour. »

- « Tu devrais bosser pour Hollywood. »

 

Ils rirent un peu, le son ranima l'environnement autour d'eux.

 

- « C'est quoi la théorie du Chaos ? Quand tout s'écroule et qu'on meurt tous sans rien y comprendre ? »

 

- « C'est quand le plus infime changement, provoque un bouleversement. »

 

Le bus se dessina au loin, de grosses masses nuageuses sur ses talons.  

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