L’artiste et la frite

flavia

GAINSBOURG (VIE HÉROÏQUE), JOANN SFAR  (2009)

Ingrédients : 
Deux Gainsbourgs
Une cuillère à soupe rase de sex symbols
Une pincée de fantastique


« Oh, non, encore un biopic ! »
Si, comme moi, vous vous lassez à la vitesse d'un gamin de cinq ans hyperactif, vous avez probablement prononcé cette phrase lorsque vous avez appris ce que Joann Sfar traficotait en cuisine. Depuis que la France a appris le mot « biopic », on nous l'a cuisiné à toutes les sauces, et, soyons honnêtes, on ne s'est pas toujours régalés. Mais le biopic fonctionne un peu comme les frites au restaurant : on est presque toujours déçus, mais on finit toujours par les commander à côté de notre tartare. Bien sûr, on est encore en pleine indigestion, et depuis Coluche on a même franchement peur de l'empoisonnement, mais quand il s'agit de Serge Gainsbourg (raconté par Joann Sfar !), trop faibles, on craque. En effet, le choix du sujet est crucial, et tout comme un plat de frites recouvertes de ketchup ne me tente guère, je n'aurais pas autant été alléchée par un biopic sur Dick Rivers, encore que ça dépende du cuisinier.

Le cuisinier, parlons-en. Joann Sfar, dessinateur de BD le jour, se défend de nous avoir servi encore un biopic à point. « Oh really ? »  Pourtant, tous les ingrédients y sont : célébrité mystérieuse, relations amoureuses mythiques, récit de vie de l'enfance à la mort (ou juste avant), best of de son œuvre musicale, et le plus important, l'huile de friture de notre frite : un acteur transformiste, capable de développer une ressemblance troublante avec le sujet du film, ici Eric Elmosnino. En rab, on nous sert aussi un casting assez étonnant et très joussif, Laetitia Casta en Bardot est particulièrement « bonne » et plus vraie que nature.  Mais les mêmes ingrédients donnent-ils toujours le même gâteau ? Non, non, non ! Et notre ami Joann insiste bien là-dessus : Gainsbourg est le héros d'un conte. Soit, on veut bien le croire. Mais la simple présence d'une marionnette qui suit Gainsbourg, le menant à la gloire et au vice, suffit-elle à faire basculer le film dans le fantastique ?

Finalement le film reste très lisse, reposant essentiellement sur la succession de numéros d'acteurs, par ailleurs très bons : ce sont les saynètes musicales qui donnent surtout au film sa saveur. Et quelle saveur ! On est content de se déplacer juste pour voir Laetitia Casta chantant Comic Strip. Ailleurs on reste toujours dans le consensus, l'enfance sous l'occupation, le rôle prédominant de la femme, la tristesse de l'alcoolique. Rien que du déjà vu en ce qui concerne Gainsbourg. Mais au bout d'un moment, j'ai envie de dire : et alors ? Il n'y a pas de honte à aimer la cuisine régressive, et si les goûts sont connus, ils n'en sont pas moins agréables : un plat de frites, je vous dis.




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