Last Chance

missemeliaban

Sam est une serveuse et veut le rester. Comme beaucoup, Sam a refoulé ses rêves pour avoir une vie stable dans un monde chaotique. Un jeu va changer sa vie, plusieurs vies, le monde:

Épisode 1: Foutu mardi

On était mardi, un mardi, s'il se passe quelque chose d'inhabituel dans la vie de Sam, c'est forcément quelque chose ou à conséquence néfaste. C'est pourquoi, les mardis étaient prit en délicatesse.

Sam était une femme qui n'aimait pas que ses habitudes changent, c'est pourquoi, elle grogna lorsqu'elle vit un inconnu à sa place dans le métro, mauvais pour un mardi. Il lui semblait pourtant clair que pour tous les usagers du métro, elle avait une place éternelle et acquise à son nom. On menaçait son territoire? Très bien, elle allait le reprendre.

Elle se mit à côté de lui, tenant la barre du milieu tandis qu'il s'appuyait à la fenêtre. La jeune femme sentit son portable vibrer mais elle n'en avait rien à faire pour le moment, elle restait concentrée sur son objectif, le reste, après.

Minute, en ville et surtout dans les transports en commun l'apparence était primordiale. Ne pas s'attirer d'ennuis consistait donc à garder la neutralité qui caractérisait tout passager de métro, ce qu'elle se força à faire. Son esprit se focalisa sur le virage, il fallait attendre le virage juste à quelques mètres. Tout devrais se passer dans exactement quinze secondes. Elle jeta un petit coup d'œil à son adversaire, il semblait calme, visiblement plongé dans l'écoute d'une musique connue de lui seul. Parfais, la victoire n'en serait que plus éclatante. Plus que dix secondes, neuf, huit, sept, six, cinq, quatre, trois, deux, un ...

A la secousse, elle se jeta sur lui, le poussa et fit un rire maladroit:

 - Oh, désolée, décidément, je suis trop maladroite pour rester sur une barre. Je devrais plutôt rester ici, comme ça, je ferais moins de dégâts.

L'homme la regarda avec surprise, la détailla avec un air étrange qui lui déplaisait puis se retourna. Décidément, elle venait de rattraper son mardi. Sam considérant qu'elle avait défendu son territoire, refoula un sourire satisfait pour se confondre de nouveau avec la masse et se plongea dans son smartphone:

Rel à 7h48: Yo Storm. Alors? Tu vas participer cette année?

Sam sentit sa bonne humeur retomber d'un seul coup.  Si seulement son frère pouvait se transformer en un petit canari, il serait tellement plus utile et mignon s'il pouvait se transformer en un petit canari. Tient, d'ailleurs, elle renomma Rel en "Canari" et ajouta de nombreux smileys peu appréciables.

Canari à 7h51:  J'ai beaucoup réfléchis et vu que je devrais faire beaucoup d'économies dans les prochains temps, j'ai décidé de t'offrir ton cadeau d'anniversaire à l'avance.

Sam se sentit blêmir,  non, il ne pouvait pas faire ça, il n'avait pas le droit.

Moi à 7h52: On peut savoir ce que tu mijote encore? T'as pas intérêt à avoir fait ce que je pense. Je te préviens que je ne suis vraiment pas d'humeur à être clémente.

Canari à 7h52:  Ah, ça y est, elle se réveille. Pour mettre les choses au clair: je t'ai bien inscrite au concours pour ton anniversaire. Et je compte bien t'y voir.

Moi à 7h53: NON! RETIRE TOUT DE SUITE MA CANDIDATURE, JE ME FICHE DE SAVOIR COMMENT MAIS TU RÉPARE TA CONNERIE MAINTENANT.

Canari à 7h53: C'est ça, et puis quoi encore? (Un conseil, calme-toi. J'te connais, t'es dans le métro, en train de rager, respirant comme un buffle sans t'en rendre compte).

Sam s'arrêta d'un coup, leva les yeux et regarda les gens alentours, non, elle ne semblait n'avoir rien fait de suspect. Soulagée et un peu refroidie, elle replongea dans cette nouvelle guerre menée contre son frère.

Moi à 7h 54: Arrête tout de suite, c'est ma vie, mon avenir. T'as pas à décider pour moi de ce que je dois faire ou pas alors je te le demande une dernière fois: retire cette foutue candidature et je considère même que t'as pas à me chercher un autre cadeau d'anniversaire ... Avoue que c'est ce que tu voulais dès le départ.

Canari à 7h55: Oui, tu décide seule de ta vie mais ce n'est pas pour ça que tes proches n'ont pas le droit de t'ouvrir des portes et de te proposer d'y entrer. Si je le fais, c'est parce que je pense sincèrement que c'est la meilleure chose à faire pour toi (et un acte totalement désintéressé).

Sam décida qu'elle n'avait pas envie de continuer cette conversation et ne répondit pas. Elle mit son portable dans son sac et voilà un bon canari qui ferme son clapet.

Il ne lui restait plus qu'une station avant de descendre. Elle en profita pour regarder par la fenêtre, imaginer la vie des gens en attendant de pouvoir reprendre la sienne.

Des souvenirs douloureux tentèrent de s'immiscer dans son esprit, elle tenta de les repousser, d'essayer de déchiffrer la vie des gens qu'elle voyait à travers la vitre. Il y avait quelques habitués à qui elle avait attribué des vies banales, démentes et un solo de guitare qui ... NON! Il fallait être ferme avec elle-même, aucun souvenir, aucune foutue musique, ne devait remonter dans son esprit, surtout pas aujourd'hui. Elle était assez optimiste ce matin (ce qui était assez rare) et espérait encore rattraper son mardi, alors pas question de tout gâcher à cause d'une vielle foutue musique qui lui trotte dans la tête.

Sam ferma les yeux et entama sa technique ancestrale : se remémorer avec détails la journée de la veille. Cela marchait bien, mais était parfois trop efficace et pouvait couper entièrement du reste du monde. Un retard pouvait lui coûter trop cher pour être risqué alors elle redoubla de concentration pour porter son attention sur deux choses à la fois. Oui, pouvoir faire ça était extrêmement pratique. Sam était en train de visualiser sa chambre le matin et en même temps de voir un nouvel afflux d'arrivant, rétrécissant encore un peu plus son espace vital (mais qui a un espace vital lorsqu'il prend les transports en commun?). Mais elle s'en fichait, une partie d'elle était à hier, en train de se lever tranquillement en espérant passer une bonne journée.

L'autre partie en revanche sentait très bien une main étrangère se glisser dans son sac et tenter d'attraper son portable.

Sam remercia tout l'entraînement que sa mère lui avait donné concernant les dix réflexes que doivent maîtriser une femme du XXI ème siècle. En une seconde, elle saisit la main ennemie, la tira vers elle et monta son genoux pour le placer dans l'endroit stratégique qui correspond au point faible universel masculin. Elle fut surprise de constater qu'il s'agissait de l'homme qui lui avait prit sa place, une quarantaine d'années, un look lambda, de taille moyenne, rien de particulier en somme. La jeune femme fut heureuse de vérifier que son coup avait atteint la bonne cible en voyant que le visage se tordant de douleur appartenait bien à la main voleuse.

Des murmures outragés des personnes aux alentours s'élevèrent tandis qu'elle vérifiait que rien ne manquait dans son sac. Heureusement, tout était à sa place, finalement, peut-être qu'elle le sauverait, son mardi.

Mais non, Sam avait sous-estimé l'impact de l'inhabituel dans un mardi, elle en fut convaincue lorsque, quelques minutes plus tard, elle vit qu'une nouvelle application venait soudainement d'apparaître dans son téléphone : Last Chance.

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