L'Automne d'Ambre.

lenora

Ce texte fut fait à l'occasion d'un petit concours de texte. Les premières lignes sont les débuts imposés. Je l'ai retravaillé sans la contrainte de ligne et avec plus de détails.


Qui n'a jamais rêvé de voyager à travers le temps ? Et si nous pouvions modifier des événements passés afin de rendre notre futur meilleur, le ferions nous ?
Je ne m'étais jamais posé ces questions, pourtant, c'est un fait indéniable : J'ai remonté le temps.

La similitude était frappante. Le même tapis de feuilles colorés s'étendait le long du chemin menant au parc. Les arbres nus laissaient passer le vent violent de l'automne, tendis qu'un ballon jaune s'envolait brutalement dans le ciel. Les cris identiques des enfants intimant à leur parent de les mener à la balançoire résonnaient à mes oreilles comme autrefois. Même l'odeur des marrons chauds du vendeur de rue était présente. Je revivais encore une fois le jour qui avait créer l'armure dans laquelle je m'étais réfugiée durant tant d'années.
Camouflée dans mon manteau bleu marine, je me voyais au loin, courir de manière insouciante avec ma poupée préférée vers le centre de la place de jeu. Notre nounou nous avait laissé un train d'avance et nous suivait du regard avec une certaine lassitude. Je n'avais jamais remarqué à quel point elle était fatiguée. Était-ce de notre faute ? Que dis-je ? Notre ? Plutôt la sienne, à ce fourbe de Nathaniel. Ce frère qui n'a de lien avec moi que par nos parents réciproques. Lui qui simule une tranquillité indémontable alors qu'auparavant il avait le diable au corps. Le voir courir après moi de manière si innocente dans ce passé où la candeur m'habitait encore, serra violemment mon estomac.
A l'époque, j'étais invisible. Personne à la maison ne daignait poser le moindre regard sur moi. J'avais beau être la plus calme, la plus docile, la plus intelligente, la plus adorable, rien ne pouvait attirer l'attention de mes parents. Tout était dirigé vers mon frère, ce maudit frère, le plus terrible de nous deux. Il était mon antithèse négatif, pourtant pas une seule personne sur cette terre ne le méprisait. Les professeurs de la maternelle étaient indulgent avec lui, prétextant qu'il avait besoin de considération pour s'améliorer. Notre professeur de musique le trouver incroyablement doué pour sa maîtrise chaotique du piano. Même la boulangère à qui il volait souvent des sucreries le trouvait incroyablement mignon. Quant à moi...
Impossible d'aller plus loin dans mes souvenirs. Un blocage émotionnel m'en empêchait, gardant bien en sécurité l'indévoilable. Si le passé n'était que la transparence de mon être, aujourd'hui j'étais la plus voyante, la plus concrète. Mais quelle avait été le prix ? J'ai du vendre mon âme et abandonner celle que j'étais pour être reconnu. Pour être aimé. Et finalement, l'adulte que je suis devenue n'est que tristesse et amertume. Cependant, j'avais encore une chance de changer tout ça. Car ma perte ne fut causé que par un seul homme... Un homme que j'ai aimé, mais qui m'a brisé.
Reportant mon attention sur la scène de Nathaniel et moi courant près du toboggan, je le vis enfin. Avec ses cheveux noirs originels, il avançait de manière timide vers nous. Arrivé à la hauteur de mon frère, Castiel demanda fébrilement s'il était possible de jouer avec nous. Il n'avait pas encore le charisme d'aujourd'hui, mais ses yeux avaient par contre la candeur du plus pur des enfants. Je tentai de me rapprocher de mon moi-enfant, tout en m'emmitouflant encore plus dans mon manteau pour mieux entendre la conversation en toute discrétion :

- T'as quoi à donner en échange ? rétorqua brutalement Nathaniel.
- Je n'ai rien à...
- Prends la poupée de ma sœur et donne-la moi.
- Quoi ? répondit Castiel.
- Pourquoi tu veux ma poupée ? Elle est à moi ! Tu vas encore me la casser, j'veux pas !

Je me vis me mettre à courir vers notre nounou afin de me plaindre, mais Nathaniel me rattrapa à une vitesse hallucinante. Tout se passa si rapidement, et avec mon nouveau regard, je compris qu'il aurait été impossible pour moi de m'échapper à lui. Il m'attrapa par les cheveux de sa main droite, me jeta à terre et pris de force la poupée de mes mains. Il lui arracha ensuite la tête pour la jeter sur Castiel en lui hurlant :

- Je joue pas avec les nazes !

Puis s'en alla en rigolant.

C'était maintenant que je devais agir. Le moment parfait pour changer mon ignoble futur et détruire la harpie que j'étais devenue. Si Castiel venait à me parler, il serait ma perte. Il ne devait pas avoir une influence ni sur mon passé, ni sur mon futur. Comme toujours, dès qu'il croisait votre chemin, il vous le détruisait à petit feu afin de vous conduire vers les méandres d'un enfer terrestre. C'était le moment d'être le capitaine de mon destin. De diriger le gouvernail de ma vie dans le sens de mes envies. Je ne devais pas le laisser être la première personne qui me consolerait. Et encore moins être la première personne qui reconnut enfin mon existence.
Je me mis donc à marcher d'un pas leste vers Castiel et le poussa négligemment au sol feignant une maladresse. En réajustant docilement ma gavroche, je lui demandai de manière innocente si je ne lui avais fait aucun mal. Les larmes aux yeux, il hocha négativement la tête.

- Il ne faut pas avoir peur de pleurer mon petit. Dis moi où se trouve tes parents, je vais te conduire à eux. C'est le moins que je puisse faire pour m'excuser. Allez, viens.

C'est en laissant pleurer à chaude larmes désespérées derrière moi l'Ambre du passé, que pour la première fois de mon existence un sourire fendit mon visage d'une tranquillité apaisante.

Signaler ce texte