L'autoroute

jim74

Premier épisode

L’AUTOROUTE

Le moteur de la vieille Toyota ronronnait doucement sur l’A666. Depuis que nous étions  partis ce matin-là de Paris, ma petite famille et moi, nous ne nous étions arrêtés qu’une seule fois. Nous allions bientôt arriver au but.  J’aime bien conduire mais la lassitude commençait à se faire sentir. Deux heures plus tard, nous devions normalement arriver chez ma mère, en Auvergne.  Je dis bien  « normalement »... Tout devait bien se passer, tout était organisé pour. Mais voilà. Rien ne s’était déroulé comme prévu… C’est ça, la loi de Murphy. La fameuse théorie dite « loi de l’emmerdement maximum »…

 Mais commençons par le commencement. Je m’appelle Thierry Delavigne. Ne me demandez pas pourquoi je porte ce patronyme. Je ne l’aime pas. J’ai dû avoir un ancêtre viticulteur, sans doute. Quand j’étais môme, mon père était un alcoolique. Aussi, la méchanceté aidant, mes camarades d’école savaient sur quelle corde sensible ils devaient appuyer pour me tourmenter. Heureusement, dame nature fut clémente à mon égard et je devins rapidement plus grand et plus fort que mes congénères. Aussi les moqueries ne durèrent-elles pas longtemps. Aujourd’hui, je me porte toujours bien. A vrai dire, j’ai un physique de rugbyman et je ne passe pas facilement inaperçu. Un mètre quatre-vingt-dix et cent vingt kilogrammes, cela vous donne une certaine prestance. Cela, je le dois à ma mère. Une maîtresse femme à la carrure impressionnante. Tant physiquement que moralement. C’est elle qui a soutenu mon père, l’a fait sortir de sa dépendance, et qui l’a accompagné jusqu’au bout. Il est mort il y a dix ans d’un cancer. Bref.

J’en étais à dire que ma femme – Djamila - et mes enfants allaient bientôt pouvoir se poser. Ces vacances, nous en avions vraiment besoin. Nous avions dû travailler dur ces derniers temps. Comme des forcenés. Il faut dire que depuis que la crise économique faisait des ravages en France, notre vie avait été profondément bouleversée, comme celle de la plupart de nos compatriotes d’ailleurs... Il m’avait ainsi fallu prendre un deuxième travail non déclaré, car en tant que fonctionnaire, je n’avais pas le droit de cumuler mon activité – mal rémunérée – avec un autre emploi. Ma femme avait trouvé ce boulot par l’intermédiaire d’un client. Djamila était vétérinaire et avait une grande réputation concernant les soins des gros animaux, notamment les chevaux. Un de ses amis - maréchal-ferrant- avait besoin d’aide et de quelqu’un pour le suppléer. Mon travail de professeur de collège me laissait pas mal de temps libre et devant les difficultés financières de la famille, je n’hésitai pas une seule seconde. Le travail était occasionnel au début, mais très vite, je fus de plus en plus sollicité. Et mon planning de professeur de sciences naguère extensible devint de plus en plus serré. Ce deuxième travail me plaisait énormément, mais j’étais exténué. Djamila, elle aussi travaillait comme une dingue. Les bons vétérinaires étant rares, elle devait toujours empiéter sur les week-ends pour satisfaire ses clients. Heureusement, les enfants étaient grands désormais. Ils étaient notre fierté. Aline, l’aînée, à dix ans, était une petite fille presque autonome. Quant à Pierre, à 8 ans, on aurait dit qu’il en faisait quatre de plus, tant il était en avance sur son âge. Ils travaillaient tous les deux très bien à l’école. En apparence notre famille était parfaite. La réalité était plus difficile. Djamila et moi nous en sortions mais uniquement grâce à mon deuxième boulot. Et encore, on ne roulait pas sur l’or. Mais notre situation était banale dans un monde devenu fou. Le prêt de la maison à payer, une vie de plus en plus chère à cause de la situation économique et monétaire catastrophique du pays… Cela faisait  plus de dix ans que ça durait. Les enfants avaient bien conscience de la situation que nous vivions. Tant de choses avaient changé au cours de ces dernières années. Plus rien ne serait plus comme avant. Pendant le trajet, je regardais mes enfants dans le rétroviseur. Ils dormaient si paisiblement. Ils étaient tellement mignons. Mais ce monde devenu trop dur et malmenait leur enfance. Comment pouvais-je espérer les préserver ? La réponse était simple : je ne le pouvais pas. Et la suite des évènements me donna raison. D’une manière que je n’envisageais même pas.  En cette année 2023, la vision de l’avenir n’était plus à l’optimisme. Désormais, les gens se recentraient sur leurs propres forces pour s’en sortir et n’attendaient plus rien de personne. Surtout pas de l’Etat.

  Alors que tout le monde dormait pendant que je roulais,  j’avisai une aire d’autoroute avec un relais routier. L’endroit avait l’air calme. Je pris la bifurcation pour m’arrêter. Djamila sortit de sa torpeur. Elle bailla et demanda :

- On est arrivé ?

- Non, pas encore. J’ai juste besoin d’un café. Mais on a bien avancé.

Derrière, nos deux monstres s’agitèrent. Aline et Pierre se mirent à rouspéter et à se plaindre de la voiture, trop vieille et inconfortable à leur goût. Ils ne sont jamais contents quand ils dorment mal ! En me garant devant le relais routier, j’évitai quelques nids de poule pour me placer à une vingtaine de mètres du relais. Je m’extirpai de la voiture péniblement. Ma carcasse était parfois dure à porter au quotidien. Djamila, plus petite que moi de vingt centimètres me regarda en souriant. Son regard gris et moqueur pétilla. Elle m’appelait son « nounours ».  Elle s’amusait toujours des situations où je me trouvais en difficulté. La pauvre ! Si seulement elle avait su…

Devant l’établissement, ce que je vis ne me plut guère : un vingtaine de motocyclettes garées devant le relais. Des Harley-Davidson. Sur certaines d’entre elles, une sacoche de fusil était installée. J’avisai les Hells Angels gravitant autour du comptoir. Ils correspondaient au nombre de bécanes parquées devant le relais. Plusieurs avaient des fusils à pompe en bandoulière. Le port des armes étaient bien sûr interdit, néanmoins, qui aurait pu se permettre d’empêcher un groupe sectaire aussi violent d’en posséder ? La police ? La police se faisait malheureusement toute petite. J’en savais quelque chose. Avant, j’étais flic. De toute façon, il valait mieux éviter ces types-là. Depuis toujours, ce groupe de hors-la-loi sévissait. Mais ces dernières années, les gangs faisaient de plus en plus d’adeptes. Les Hells Angels jouaient dans la catégorie supérieure des nuisibles de toutes sortes que comptait la société.

Nous nous fîmes discrets. Il est vrai que notre vieille voiture n’attirait pas la convoitise et nous étions habillés chichement. Aussi, aucun de ces gars ne daigna tourner la tête lors de notre entrée dans le relais. Nous étions une famille modeste, et de ce fait, une bien maigre proie pour satisfaire leur appétit. Nous nous installâmes au fond de la salle. L’employée du restaurant, une jolie blonde d’une vingtaine d’année prit commande. Elle me demanda ce que nous voulions avec un sourire aguicheur. Djamila la foudroya du regard et répondit à ma place. Le déjeuner fut composé de steak-frites et de salade que les enfants dévorèrent goulûment. Le repas terminé, nous ne nous attardâmes pas à prendre un café. C’est à ce moment précis que les choses se mirent à dégénérer. Un des Hells Angels, un grand sec, jeta son dévolu sur ma femme, faisant comme si je n’existais pas. Le type puait la transpiration et la bière bon marché.

- Alors poulette, ça boum ?

Normalement, je me serai tout de suite interposé entre ma femme et ce type, mais Djamila me devança et calma tout de suite la situation. Il est vrai que si Djamila m’avait laissé faire, j’aurais assommé sur le champ ce gugusse. Mais cela aurait eu des conséquences fâcheuses. En effet, ce qu’il faut savoir avec les Hells Angels, outre leur goût immodéré pour leurs grosses motos bruyantes, c’est qu’ils sont extrêmement solidaires entre eux. Attaquer l’un d’entre eux, c’est les attaquer tous. Et cela aurait voulu dire me battre avec une vingtaine d’abrutis avinés. Sans me vanter, j’aurais certainement eu le dessus car je pratique un sport de combat à haut niveau. Et vu leur état, je ne les trouvais pas bien redoutables. Mais je n’étais pas tout seul et ces bandits étaient armés. Avec les enfants et Djamila, c’était tout simplement inenvisageable de me battre contre eux. Je réfrénais ma colère et laissais ma femme parler.

- Laisse tomber chéri. Je suis trop chère pour toi, lui dit-elle,  en m’attrapant la main.

Le sac à vin ne s’offusqua pas et sourit bêtement.

- Ah-Ah-Ah, je m’en doutais bien que t’en étais une. C’est ton mac ou ton client ?

Je bouillonnais intérieurement. Djamila le sentit et me tira par la main. Elle ne répondit rien et afficha un sourire forcé. Le type ne nous suivit pas et continua de rire dans son coin. Deux autres piliers de bars avaient vu la scène et se mirent eux aussi à rire. Nous nous éloignâmes du relais. La voiture nous attendait toujours sur le parking pour terminer le voyage. Une fois hors de portée de voix, Djamila se retourna vers moi.

- Bon sang, tu ne peux pas te contrôler mieux que ça ? J’ai cru que tu allais exploser. Les combats, c’est fini ! Tu as une famille qui compte sur toi !

Elle avait raison, j’avais toujours eu du mal à contrôler ma violence. C’est pour cela que je pratiquais le krav-maga. Pour me discipliner et garder la tête froide en toute circonstance. Mais malgré cela, cette violence m’a valu de nombreux déboires avec la justice. En prime, j’ai aussi été viré de la police. En fait, j’étais plus une bête qu’un être humain. Sauf pour mes proches. Je chérissais ma femme et mes enfants au plus haut point. Mais, parfois, réagir avec discernement, c’est une chose particulièrement difficile. Ces « bikers », ces Hells Angels… Je les haïssais parce qu’ils représentaient une facette de moi. En fait, j’aurais pu devenir comme eux. Parfois, je me demandais ce que Djamila avait bien pu me trouver. La belle et la bête... Djamila mit fin à mes réflexions.

- Oh, tu m’écoutes ? Maintenant, on s’en va ! me dit-elle en me serrant la main doucement. Elle me sourit. Avait-elle deviné le fond de mes pensées.

-  Je t’aime grand bêta. Comme tu es. Elle m’embrassa.

Nous nous installâmes à bord avec les enfants. Djamila fit brusquement volte-face.

- Zut, j’ai oublié mon sac à main. Attendez-moi. Je n’en ai pas pour longtemps. Je reviens dans cinq minutes, dit-elle.

Je protestai aussitôt.

-Ah non, certainement pas avec ces abrutis qui traînent dans le coin ! m’exclamai-je.

Elle ne voulut rien savoir. Elle se doutait que je risquais de foncer dans le tas. J’obtins néanmoins d’elle la promesse qu’elle se dépêche, au risque de me voir débarquer dans les cinq minutes.

Au bout de plusieurs minutes, ne la voyant pas revenir, je commençai à m’impatienter. Je savais bien que je n’aurais jamais dû la laisser faire.

- Pas possible qu’elle ait pu rencontrer une copine ici, marmonnai-je.

Ne tenant plus en place, je laissai les enfants dans la voiture en leur demandant de ne pas s’éloigner du véhicule.

Je retournai sans tarder au relais routier. Je courus presque. Le gang de motards quitta le relais à ce moment-là. Je regardai passer avec un sombre pressentiment le convoi de cuir et d’acier, pétaradant comme pour entrer en enfer. Ils passèrent en trombe, en m’ignorant superbement. En entrant dans le relais, je ne vis personne dans la salle de restaurant. Seuls les deux employés qui nous avaient servis précédemment se trouvaient sur place. La serveuse finissait de débarrasser la table et le caissier se trouvait dans l’autre partie de l’établissement, celle de la superette. Une boule me serra le ventre. Nulle trace de ma femme. Je me dirigeai lentement vers les toilettes. Une sourde appréhension commençait à me tenailler. Personne ne s’y trouvait. J’appelai ma femme.

-Djamila ! Où es-tu ?

 Je la rappelai plusieurs fois. Seuls les murs me répondirent en renvoyant  le son de ma propre voix. J’ouvris chacune des portes des toilettes. Toujours personne. Des yeux, je fis un rapide tour de la pièce. Il n’y avait qu’une entrée, et aucune issue, pas même par un vasistas. Je notai qu’un des lavabos était couvert d’éclaboussures d’eau, témoignant de la présence d’une personne quelques minutes auparavant. A présent, je me mordis littéralement les doigts de l’avoir laissée partir. Je n’y comprenais rien. Djamila aurait dû se trouver là ! Et les autres brutes étaient parties tout de suite ! S’ils l’avaient agressée, cela ne se serait pas passé comme cela. J’aurais retrouvé ma femme. Que se passait-il ? A tout hasard, j’allai aussi inspecter les toilettes des hommes, mais sans grande conviction. Comme je m’y attendais, il n’y avait aucune trace d’elle. Je me forçai à respirer lentement, afin de me calmer. Pour réfléchir. Je pensai alors à demander aux employés s’ils avaient vu Djamila. Ce fut la petite blonde qui me répondit.

- Non. Je ne l’ai pas vue…

            J’étais de plus en plus inquiet. L’autre employé n’avait rien vu non plus. Il est vrai qu’avec les clients qui se trouvaient tout à l’heure au bar, l’attitude d’une personne normale était de regarder le bout de ses chaussures.

            Je fis un tour d’inspection autour du relais routier, espérant trouver une trace, ou peut-être le sac à main de ma femme. Rien. C’est alors que je me rappelai la raison du retour de Djamila dans le relais routier. Son sac à main ! Elle l’avait laissé sur la table du déjeuner ! Et la serveuse qui disait ne pas avoir vu Djamila. Entre le moment où elle avait quitté la voiture et mon arrivée dans le relais, il s’était déroulé à peine plus de cinq minutes… Elle devait forcément être entrée dans le restaurant pour le récupérer. Comment était-il possible de ne pas l’avoir vue ? Quelque chose clochait…

            Je retournai en trombe dans le relais pour questionner la serveuse ou le caissier.

- Je n’aime pas beaucoup que l’on me raconte des craques ! dis-je en attrapant le caissier par le col. Je le levais du sol d’une seule main.

- Arrêtez ! cria la serveuse. Elle est venue ! Mais elle n’est plus là.

- Merci, j’avais remarqué ! Mais encore… Développez, s’il vous plaît !

Je relâchai le caissier et me dirigeai vers elle.

Je devais vraiment lui faire peur car elle recula et me répondit en balbutiant.

- Elle a pris son sac sur la table et s’est dirigée vers les toilettes. C’est tout.

- Et après ? Où est-elle passée ?

- Je ne sais pas ! Je ne sais pas !

Elle mentait. Elle savait quelque chose. Et elle avait peur. De moi, peut-être, mais d’autre chose aussi. Je le voyais, comme - lorsque des années en arrière, du temps où j’étais flic - je pouvais ressentir quand les gens me disaient la vérité ou me mentaient. J’étais un véritable détecteur de mensonges ambulant. Un monstre aussi. C’est parce que les gens me craignaient que ce truc marchait. Et cette fille transpirait de peur. Et en même temps elle était indécise. D’habitude, lorsque j’interrogeais quelqu’un, avec mon expression de chien enragé, les gens comprenaient tout de suite que je ne plaisantais pas. Mais elle, elle ne savait pas quoi faire. J’allais l’attraper quand une voix me retint.

- Papa !

Mes enfants venaient de débarquer dans la salle de restaurant, inquiets de ne pas nous voir revenir. Et ils m’avaient peut-être empêché de faire une bêtise. Je me forçai à respirer doucement pour me calmer.

- Papa, où est maman ? me demanda Aline.

Sur le coup, je ne savais pas quoi lui répondre. Je n’osai pas lui dire que je n’en savais rien. Je me retournai vers la serveuse. Ma tension était un peu retombée.

- Ne pouvez-vous vraiment pas répondre à cette question ?

La jeune femme soupira.

- Ecoutez, j’aimerais vous donner une réponse. Mais je ne le peux pas.

Elle m’implora.

- Je vous supplie de me croire.

Je réalisai que mon intuition était bonne. Elle ne m’avait pas dit « je ne sais pas » mais « je ne peux pas ». La nuance était de taille.

- Je vous crois.

Je savais aussi qu’elle ne me dirait rien. En tout cas, pas dans ces conditions. Une autre idée me vint à l’esprit. Si je cherchais la vérité  à travers les yeux d’éventuels témoins, il y avait d’autres yeux que j’avais peut être négligés.

- Y a-t-il des caméras de sécurité ici ? demandai-je.

Mon interlocutrice sourit.

- Oui, mais nous ne pourrons pas vous les montrer. Seuls les gendarmes y ont accès.

Depuis l’explosion de criminalité qui était survenue ces dernières années, le moindre établissement disposait de caméras de vidéoprotection. Mais les caméras qui étaient auparavant dissuasives ne prévenaient guère du vandalisme dont elles faisaient l’objet. C’est pourquoi, grâce à la miniaturisation, on pouvait dissimuler et protéger ces appareils onéreux. Nul ne pouvait savoir - à moins d’avoir installé lui-même les caméras – comment était disposé le système vidéo. Quant aux enregistreurs numériques, ces derniers étaient cachés dans une chambre forte que seules les autorités pouvaient déverrouiller. Ainsi, les systèmes de vidéoprotection n’étaient plus vulnérables. Je connaissais bien ces systèmes pour y avoir eu accès moi-même par le passé. La qualité vidéo était généralement bonne et il y avait parfois le son qui était enregistré. Mais l’important, c’était que je n’y aurais pas accès. Je détestais le sourire de la serveuse. Elle voyait que j’étais coincé. Je ne comprenais pas pourquoi elle ne voulait pas m’aider. Elle aurait pu en me disant ce qu’elle savait, mais tant pis je devrai faire sans. Réalisant soudain que je perdais du temps, je pris mes enfants par la main et les emmenai à une table du restaurant.

- Installez-vous ici un instant. Je reviens.

Je téléphonais à ma mère et à mon beau-père. Je leur exposai la situation. Djamila avait disparu. Je comptais aller voir les gendarmes à la prochaine sortie de l’autoroute. Je leur  demandai de venir à ma rencontre pour prendre les enfants. Je téléphonai ensuite aux gendarmes. Ces derniers m’attendaient en fin d’après-midi. A ma demande, ils enverraient une patrouille pour consulter et relever les images de la vidéo.

En attendant ma mère, je tentais de dissimuler mon inquiétude. J’essayais de rassurer mes enfants au maximum. En même temps, je ne leur cachais pas la vérité et leur expliquais que j’allais devoir les laisser, le temps de retrouver maman. A cette idée, je me remémorais les cas de disparitions que j’avais moi-même traités par le passé. Et je ressentais de l’appréhension pour la suite. Je connaissais la réalité. Je savais que Djamila n’était pas une statistique. Mais hélas, les chances de retrouver une personne disparue diminuaient d’heures en heures à une vitesse dramatique. Comment ignorer ces faits ? Comment ignorer ces familles que j’avais vues, rongées par l’impuissance et l’ignorance de ce qu’il était advenu de l’un de leur proche ? Je pestais contre les deux heures de route que mes parents devaient parcourir pour prendre les enfants. Je pestais contre l’inaction à laquelle je me trouvais contraint et forcé.

Enfin, ma mère et mon beau-père arrivèrent. Nos retrouvailles furent courtes. Je les embrassai et leur indiquai que je viendrais les voir rapidement. Pieux mensonge ! Mais mes enfants et ma mère y crurent. Pas mon beau père. Il me connaissait trop bien. Au moment de partir, il m’embrassa et me dit à l’oreille.

- Bonne chance, gamin. Retrouve-là !

Enfants et grands-parents remontèrent en voiture et partirent.

A mon tour, j’allai me lever quand la serveuse posa la main sur mon épaule. Elle me chuchota à l’oreille.

- Dans la poche de votre veste. Très important. Ne regardez le papier que lorsque vous serez dans votre voiture.

Elle s’éclipsa aussitôt. Intrigué, je quittai le relais routier et me dirigeai vers ma vieille Toyota. Je me disais que cette fille était une sacrée comédienne. Son revirement me surprenait. En apparence, elle me cachait la vérité. Mais elle voulait aussi que je connaisse cette vérité et usait de stratagèmes de lycéen pour cela ! Une fois à l’intérieur, je constatai effectivement la présence d’un papier plié dans ma poche. Je le dépliai lentement. Dessus, il y avait d’abord un numéro de téléphone portable inscrit, une heure -23h00 – (certainement l’heure à laquelle je pourrais appeler) et ces deux phrases griffonnées rapidement et qui n’en finissaient pas de m’étonner…

« Votre femme connaît les motards. N’en parlez pas à la police. »

Résumé

Le narrateur (Thierry Delavigne) voyage avec sa famille sur l’A666. Ils s’arrêtent dans un relais routier. Après le déjeuner, sa femme disparaît. Il interroge les employés du relais routier. Ces derniers ne savent rien. Alors qu’il va signaler la disparition de sa femme, la serveuse lui glisse un mot mystérieux.

Le héros se rend au peloton d’autoroute et se trouve confronté à des gendarmes dépassés par les évènements et démotivés. Il élabore seul un plan d’action et prend une chambre dans un motel. Puis il téléphone à la serveuse qui lui a laissé un mot et se rend chez elle.

Thierry apprend que Djamila a parlé avec un des motards. Elle semble bien le connaître. Il apprend que ce gang fréquente souvent ce lieu et sévit sur l’A666. La serveuse a peur de l’autre employé qui pourrait la dénoncer. Thierry finit par découvrir le repaire des motards.

Le héros est trahi et se trouve obligé de tuer plusieurs membres du gang pour s’enfuir. Il se rend compte que Djamila est compromise avec ces gens. Les gendarmes montrent les vidéos à Thierry et il apprend que sa femme est recherchée. Malgré les apparences, il défend sa femme. Thierry est suspecté et doit devenir un fugitif.

Thierry retrouve Djamila mais découvre avec effroi qu’il a été trompé par une incroyable ressemblance. La femme qu’il a capturé lui explique être la jumelle de Djamila. Elle lui explique les raisons qui ont poussé sa femme à partir. Il découvre qu’il s’agit d’un trafic international.

Le héros décide de retrouver sa femme coûte que coûte, avec l’aide de sa sœur. Il apprend qu’elle n’est plus en France mais qu’elle a été emmenée dans un pays de l’ex-Yougoslavie. La sœur de Djamila, grièvement blessée succombe. Les gendarmes, croyant avoir affaire à Djamila, lui mettent le meurtre sur le dos.

Un des enquêteurs se rend compte de sa méprise et décide d’accorder sa confiance à Thierry. Il aide Thierry à s’embarquer pour le Monténégro. Sur place, il finit par retrouver la piste de sa femme. Celle-ci est maintenue prisonnière dans une forteresse avec d’autres femmes.

Thierry va tenter de faire évader sa femme avec un compagnon d’infortune qui a eu maille avec les trafiquants. En effet ces derniers maintiennent prisonnière sa sœur et sa femme. Les deux compères prennent d’assaut la forteresse. Djamila est libérée et les trafiquants arrêtés. Thierry est expulsé en France avec Djamila.

Alors qu’il arrive à l’aéroport, Thierry manque de se faire assassiner. Il découvre que l’auteur de cette tentative de meurtre est un policier. Ses enfants étant en danger, il demande de l’aide au gendarme qui l’avait aidé. Mais ce dernier cachait son jeu et est en réalité un des responsables du réseau mafieux.

Thierry poursuit sur l’autoroute le policier corrompu qui arrive avant lui chez sa mère. Le bandit essaie de supprimer toute la famille mais grâce à l’intervention de Djamila, il est confondu. Après une dernière course poursuite, le dénouement final se fait sur l’autoroute A666.

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