Laver Jésus

Jean Milossis

Extrait du livre "L'Allemande" de Jean Milossis, au cours duquel l'auteur décrit une certaine brutalité dont usent les services de nettoyage de la Mairie pour laver une croix du Christ.

Un matin, à 11 heures, c'était l'heure du Kronen. Elle avait vu les hommes de la mairie qui étaient venus sur la Kennedyplatz avec l'eau. Les hommes étaient venus pour ça, lancer l'eau sur la place. Pour avoir de la puissance sur les exclusions des pavés, cette chose dont on ne voulait pas à la mairie: la saleté.
Les hommes avaient lancé l'eau avec les tuyaux bleus, et les traits blancs allaient partout avec beaucoup de violence. Sur les arbres allemands aussi, l'eau bouleversait les troncs centenaires. La mairie jetait l'eau aussi sur l'homme cloué de la croix. L'homme cloué des vieillardes allemandes de la Kennedyplatz pouvait l'être, cloué, mais il devait rester dans la brillance de marié flamboyant. Les vieillardes allemandes voulaient ainsi: un cloué propre pour elles.
Elle était passée et le jet d'eau blanche s'écrasait sur la gorge du cloué. Elle avait couru contre les hommes de la mairie. L'eau jetée contre Lui avait réuni la révolte d'elle et ce qu'il faudrait dire, un amour. Sur la Kennedyplatz, elle avait couru contre les hommes aux tuyaux bleus, que certainement jamais ils n'auraient le droit de jeter comme ça de l'eau sur l'homme en croix. Qu'ils le faisaient comme des hommes de la mairie fous, comme les soldats d'avant. Ceux-là de Jérusalem. Ceux-là de Berlin, avec des tuyaux qui jetaient des flammes sur les gens.
Il fallait laver l'homme cloué avec l'éponge de la mer. Et de l'eau pas jetée. Non l'eau violente de la mairie.

Elle ferait ça, s'ils ne savaient pas.

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