Le Belvédère, la nuit
My Martin
1998. Pau, Pyrénées-Atlantiques
Boulevard des Pyrénées, centre-ville sud. Le Belvédère. L'un des plus beaux jardins de la ville. Une palmeraie surplombe les sentiers du Roy. Un funiculaire permet de relier la gare à la place Royale
« Les suicidés du Belvédère »
A six mois d'intervalle. Emmanuel Bouchet (18 ans) et Alain Dubois (20 ans). Deux jeunes hommes décédés
Enquêteurs de la Sûreté Urbaine de Pau
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Dimanche 22 mars 1998. Un promeneur découvre le corps d'Emmanuel Bouchet, gisant dans la vase du canal Heïd, au pied du Belvédère
Emmanuel (18 ans) a disparu depuis onze jours. Dans ses poumons, l'eau n'est pas celle du cours d'eau
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Vendredi 11 septembre 1998. Alain Dubois (20 ans. Né le 1er février 1978). Apprenti charpentier, Compagnon du Tour de France
Son corps est découvert sur le sentier du Roy, en contrebas du boulevard des Pyrénées
Menée en trois jours, l'enquête conclut à un suicide
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Les deux victimes. Une seule chaussure. Sous leurs corps, une feuille de palmier
Le même policier qui a contacté les parents d'Emmanuel, informe les parents d'Alain
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Les circonstances exactes de la mort ne sont pas établies
Selon leurs proches, les jeunes hommes n'avaient pas de pulsions suicidaires
Les familles, de nombreux observateurs, retiennent l'hypothèse criminelle
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Lundi 14 juin 1999. Instante demande de la famille Dubois. Reconstitution
Marie-Josèphe Dubois, la mère d'Alain. "Aucun mannequin n'est tombé à l'endroit où on a retrouvé le corps d'Alain. Il est impossible qu'il se soit suicidé de cette façon-là."
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La police conclut à deux suicides
2006. Thierry Pons, Juge d'instruction. Non-lieu
Jean-François Blanco, l'avocat à Pau, de la famille Bouchet. Pas de recherche d'empreintes. « Pas de piste, pas d'auteur potentiel. Les défaillances de la police ont condamné la justice à l'impuissance. »
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Emmanuel Bouchet
Élève cuisinier au Lycée professionnel Haute-Vue Pau-Morlaàs, Emmanuel Bouchet (18 ans) est apprenti chez un boulanger-pâtissier, à Pau
Mardi 10 mars 1998. Emmanuel sort pour voir une copine au Triangle Mayolis, le quartier des bars à Pau
Emmanuel ne rencontre pas son amie. La trace d'Emmanuel se perd dans le quartier du Triangle
Marie-Josée Salles, la mère d'Emmanuel, commerçante à Pau. « Le mercredi 11 mars 1998, Emmanuel m'a dit qu'il allait boire un verre dans le centre de Pau
Le lendemain, son vélo est retrouvé, attaché avec un cadenas boulevard des Pyrénées, près du Belvédère
Pliée, la surchemise d'Emmanuel, posée sur le vélo
Il ne pliait jamais ses vêtements. Il n'attachait jamais son vélo. Nous n'avons jamais cru à son suicide. »
Emmanuel porte des traces de coups. Pas de fracture du crâne. Mort noyé
En charge de l'enquête, le commandant de police privilégie la thèse du suicide ; Emmanuel s'est jeté du haut du Belvédère
Un enquêteur. « Nos investigations ont montré que ce jeune homme avait de gros problèmes avec sa petite amie »
Décembre 1998. Information judiciaire. Le procureur ordonne une seconde autopsie
Janvier 1999. Docteur Gilbert Pépin, toxicologue. Expertise. L'eau retrouvée dans les poumons du jeune homme n'est pas identique à celle du canal
Un légiste. La mort remonte à « huit à dix jours »
Autre rapport. Le cadavre n'a séjourné que quatre jours dans l'eau
Mardi 27 avril 1999. Trois experts, deux médecins et un physicien, rendent leur rapport. Conclusions. « Le polytraumatisme dont a été victime Emmanuel ne s'avère pas compatible avec la chute du haut du Belvédère. L'ensemble du crâne et du rachis cervical ne présente aucune lésion. Un phénomène de rebond après la chute ne pouvait aucunement projeter le corps dans le canal. »
Mai 2001. Le juge demande à la police judiciaire de reprendre l'enquête. Les amis d'Emmanuel, le personnel du dernier bar où il a été vu, sont interrogés. Sans résultat
Mars 2003. A nouveau, la police judiciaire conclut à un suicide. Emmanuel se jette du Belvédère, rebondit sur un palmier. Au sol, il rampe jusqu'au canal, sur une cinquantaine de mètres. Il se noie
Me Blanco, avocat. « Cette hypothèse est complètement farfelue. Il est désespérant de voir que les policiers ne veulent pas reconnaître leurs erreurs. »
Joël Braud. A l'époque, chef de la sûreté du commissariat de Pau. « ... On a fait une reconstitution. Un corps peut rebondir. Thierry Pons était un juge d'instruction très sérieux, méticuleux. Aucun élément ne va dans le sens de ce que dit l'avocat. »
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Alain Dubois
Écolier puis collégien et lycéen à Moulins (Allier), à 2 km d'Yzeure (domicile de ses parents)
Fin août 1998. Alain intègre la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment, à Tours (Indre-et-Loire)
Vendredi 11 septembre 1998, soir. Emmanuel est convoqué dans la banlieue de Pau (à Lons), au siège des apprentis Compagnons du Tour de France
Alain prend le train à Tours
21 heures. Emmanuel, en gare de Pau
23 heures. Lons. FCMB, Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment. La société prononce l'exclusion d'Emmanuel. Sanction disciplinaire
Alain Dubois quitte le centre de compagnonnage sans son sac, sans ses papiers
Il part seul vers le centre de Pau. A pied. Lons-Pau, 5 km
Cheveux teints en roux. Ses parents découvrent ce détail ultérieurement
Samedi 12 septembre 1998, matin. Le corps d'Alain, en chien de fusil
2013. Les parents d'Alain, Marie-Josèphe (65 ans. Née en 1948) et Jean-Claude Dubois (64 ans. Né en 1949). "Il était nu. Ses vêtements, déchirés, plein de sang. Une seule chaussure."
Jeudi 10 septembre 1998, veille de la mort d'Alain. « Nous l'avons eu au téléphone. Il était à Tours, où il faisait ses études. Il avait intégré la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment. Plus tard, on nous a expliqué qu'il s'est rendu à Pau, le siège des Compagnons, pour soi-disant être viré. Il ne nous a jamais dit qu'il avait été mis à la porte des Compagnons. Et rien ne nous l'a confirmé ensuite. Nous pensons que c'est faux. »
« Je n'ai jamais pu savoir pourquoi mon fils avait été exclu des Compagnons. Il aurait cassé une porte, mais l'un de ses camarades a dit que ce n'était pas vrai. La justice n'a jamais entendu tous les Compagnons. »
Le lendemain des obsèques d'Alain. La police remet à la famille un sac poubelle, contenant les vêtements d'Alain. "Il manquait une chaussure, les vêtements déchirés étaient couverts de sang et de boue."
La terre n'est pas analysée
La famille dépose plainte et réclame une autopsie, réalisée deux mois et demi plus tard. Exhumation du corps
Plusieurs fractures à la tête. Une chute de 25 mètres, aucune côte cassée
Le commandant de police privilégie la thèse du suicide. « Les Compagnons étaient toute sa vie. Il n'a pas supporté son exclusion. Il s'est jeté du haut du Belvédère. »
Alain est retrouvé en haut d'un talus, au pied de la falaise. Dans un renfoncement
14 juin 1999. Reconstitution. Cinq essais. "Lors de la reconstitution du suicide, le mannequin n'est jamais retombé à l'endroit où le corps d'Alain a été retrouvé."