Ce matin, dans le bus. Je suis assis au fond, le nez dans mon livre. Soudain, une toux s’élève à l’avant. L’été joue à l’automne. Je lève la tête, par reflexe, mais je ne vois rien. Les autres passagers n’ont pas réagi.Puis la toux se fait plus insistante. Rapidement, elle devient irritante. Je cherche alors à savoir d’où elle vient exactement. Une femme ? Un homme ? À quoi joue ce prétendu malade ? Alors que la quinte se transforme presque en râle, je me demande même s’il ne le fait pas exprès. Les témoins du premier rang observent en faisant la moue. Le coupable est de dos, et il est caché derrière son siège. Je ne sais pas pourquoi, mais je m’imagine un ivrogne auquel le léger cahot du bus aura donné la nausée. Je le confesse, c’est un peu stéréotypé comme réaction.Et puis la toux ce fait plus dure encore. Le dégoût des passagers à côté de lui me fait comprendre qu’il ne va vraiment pas bien. À l’arrêt suivant, le chauffeur se retourne : « ça va aller monsieur ?- Oui, oui, ça va, réplique-t-il alors d’une voix sèche.- Vous êtes sûr ? Vous crachez du sang quand même ?- Non, ça va aller je vous dis.- Vous êtes sûr que vous ne voulez pas que j’appelle les pompiers ?Apparemment, la réponse est non. Le conducteur n’insiste pas et reprend la route. Derrière lui, les passagers fuient le malade et viennent quasiment tous se réfugier à l’arrière. Les sièges vides autour de moi se remplissent rapidement. Qu’aurais-je fait à leur place ?L’homme se lève alors et se dévoile enfin. Il a une cinquantaine d’années. Plutôt petit. Il porte un polo rose pâle et un pantalon noir. Il se dirige vers le chauffeur. C’est étrange, il a l’air presque en forme. Son visage n’est en rien marqué, et il présente plutôt bien. Je ne m’attendais pas à ça.Il descend au prochain arrêt. J’ai l’impression que ce n’est pas la même personne que celle qui toussait ses entrailles. Décidément, les yeux et les oreilles ne voient pas la même chose.