Le cimetière oublié

cedricmoire

Voici la première nouvelle d'un recueil en cours d'écriture se nommant LES GOUFFRES DE LA TERREUR

En ce jour de printemps 1960 , Billy Foch Dexter longeait en sifflant gaiement la barrière  abîmée par les temps anciens du révérend André.

Il était surexcité à l'idée de retrouver ses copains vers le cimetière municipal.Le grand jour était enfin venu  pour lui.  Il n'avait  qu'une hâte : arriver au plus vite vers le lieu de son épreuve pour enfin rentrer dans la bande.

Il dépassa la petite chapelle , puis le moulin a vent  et quelques minutes après il arrivait devant les portes du cimetière de la ville.

La bande l'attendait.

Il les rejoignit et dans son for intérieur il pria pour réussir son épreuve.


***


Pour Billy tout commença le jour de son dixième anniversaire : en janvier 1960.

Il habitait dans l'un des quartiers assez huppé de New York  où tout était plutôt calme .Oh! il y avait bien parfois des disputes de voisinages mais c'était tout.La police venait rarement , pas comme dans d'autres quartiers où des bandes de voyous s'en prenaient aux petites gens en les volant , les kidnappant pour des histoires de gangs...

Non  vraiment , dans son quartier tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes .De plus il s'était fait des amis fabuleux auxquels il pouvait confier ses plus grands secrets .Il était mûr pour son  âge .On aurait dit qu'il avait quatre ans de plus tellement  il était intelligent , perspicace et curieux de tout.

Billy aimait la ville de New York : ses bâtiments , ses grattes ciels si haut qu'ils touchaient par la pointe le ciel et crevaient les nuages laiteux , ses monuments fantastiques  empreints d'une histoire fabuleuse , ses magasins gigantesques où la terre entière se retrouvait telles des fourmis se regroupant pour ne former qu' un tout , et ce petit quelque chose qui faisait qu'il s'y sentait si bien qui n'était autre que la sympathie des gens.

Son père travaillait dans un complexe industriel très célèbre : celui des télévisions THOMPSON ( n'oubliez pas que nous somme  en 1960  et qu'à cette époque les téléviseurs sont la crème de la crème de la technologie) et il n'avait aucunement à se plaindre de son salaire qui dépassait largement celui des cadres.

Sa mère , elle , était secrétaire dans la même industrie que son mari .Ils s'y étaient d'ailleurs rencontré .Leur amour avait débuté devant des écrans ..Avaient ils entrevut dans ces miroirs leur vie future?...Peut- être auraient ils dù ...Car une vie idéale ça n'existe que dans les contes de fées et dans la vie réelle parfois un rouage se grippe et casse la machine .

Un jour , cette vie que Billy aimait tant  s'arrêta net .La foudre de la douleur frappa la famille Foch Dexter.

Au jour de son dixième anniversaire , il perdit l'amour de sa vie .Sa maman ne serait jamais plus avec lui. Le souvenir de sa mère ne perdurait que dans son cœur meurtri et abîmé.Un stupide accident de voiture et toute une vie sont chamboulés.La noirceur de la mort prend alors place et la blancheur du bonheur s'estompe .

Endeuillé par la mort de sa femme , le père de Billy décida de changer de vie. Ils iraient loin de la ville . C'était décidé . il ne reviendrait plus en arrière.

Ils s'installèrent alors dans un petit village de campagne pas loin du Maine..Pourraient ils oublier ce drame?. On oublie jamais en vérité mais on fait avec car on a une vie entière à vivre et on ne peut se laisser aller même si la douleur est toujours lancinante. Pourraient ils oublier cette première vie?

"Bleach City" serait leur nouveau point de départ.


***


S'adapter à cette nouvelle vie ne fut pas chose aisée pour Billy et son père.En effet , la plupart des habitants de "Bleach City " voyaient d'un mauvais œil les gens qui venaient de la ville pour s'installer dans leur campagne si tranquille .Alors, pendant quelques semaines ,Billy et son père se retrouvèrent un peu livrés à eux-mêmes et lorsqu'ils allaient au village on sentait bien qu'ils n'étaient pas les bienvenus.

Pourtant un événement extraordinaire fit désamorcer cette tension et après ce fait Billy et son père réussirent à s'adapter et billy se fit même des copains : une bande qui se faisait appeler "les aigles noirs".

Mais revenons à cet événement qui fit tout basculer dans la tête des gens de "Bleach City".

Billy et son père étaient installés en dehors de la petite communauté depuis environ une semaine.

Effroyable fut le mot pour qualifier ces jours de galère.On pouvait la résumer par quatre mots significatifs : PAS D'ÉTRANGERS ICI .

C'était simple , quand son père sortait pour faire des courses au village , on le regardait même pas.On le fuyait comme s'il avait eu la peste.On le regardait avec des yeux de méfiance et parfois on se moquait de lui et son fils quand il passait à proximité d'un groupe de villageois médisants à leur encontre. 

Puis tout changea , comme la lune faisant place au soleil , le jour où billy , malgré lui , sauva une vie.

Cet événement se déroula vers la fin de cette semaine infernale. En ce samedi 1960  , Billy se promenait vers le lac de son grand-père. En effet , la maison dans laquelle vivait Billy désormais  était un héritage et ainsi la maison , le jardin ainsi que le lac appartenait désormais à son père.

Tout a coup , malgré la forte luminosité aveuglante du soleil , Billy vit une silhouette essayant de nager péniblement vers la rive du lac miroitant.

Il courut vers cette" forme" qui s'agitait dans les eaux sombres du lac.

Il plongea tout habillé car il sentait bien que le temps pressait. S'il ne faisait rien , la "chose" se noierait dans les profondeurs inhospitalières du lac.

En arrivant vers "elle" , il s'aperçut bien vite qu'un petit chien ( un canish pour être le plus précis) se débattait avec insistance ne réussissant qu'une seule chose : à s'enfoncer encore plus dans les eaux profondes. 

Billy trouva le problème.Il calma un petit peu le chien puis se rendit compte que l'une des pattes de l'animal était coincé dans quelque chose au fond du lac. 

Il plongea alors dans les eaux froides et trouva instantanément la cause du mal .Au bout de quelques secondes , desserrant le piège aquatique (qui n'était autre qu'une plante de rivière qui s'était enroulée autour de la patte du pauvre animal) , le petit chien tout heureux d'être libre se dépêcha de rejoindre la rive tout en nageant d'une manière chaotique laissant son sauveur au milieu du lac.

Billy rejoignit à son tour la berge ,essoufflé par l'effort qu'il venait d'accomplir et se coucha sur l'herbe verte du pré proche de la maison familiale.

Le petit chien avait disparu.

Quelques heures plus tard , il entendit proche de lui des gens applaudir. Il se retourna et stupéfait il découvrit une partie des villageois ainsi que le maire en personne le congratulant et le félicitant d'avoir retrouvé le petit chien de Madame Outrecier .Ce dernier avait disparu depuis le matin même et la mère Outrecier était venu voir le shérif pour qu'il fasse son possible pour retrouver son petit chien . Il ne lui restait plus que lui au monde. Elle était dans un tel désarroi que le chef de police demanda à ses hommes de faire une battue. Mais tout espoir semblait être vain. Il devrait bientôt annoncer la mauvaise nouvelle à la" mère".Mais tout ne se passa pas comme prévu. Madame Outrecier frappa à la porte du shérif .S'attendant à  une mauvaise nouvelle il se prépara à des pleurs , mais non , la dame avait le sourire jusqu'aux lèvres et à ses côtés se tenait le petit chien bien portant. Sur le coup , il ne comprit pas et madame Outrecier lui dit de venir avec elle et de suivre le petit canish. Les villageois interloqués suivirent le shérif puis ce fut au tour du Maire...Et bientôt tous ils arrivèrent vers le lieu de l'événement extraordinaire...Le petit chien aboya et se mit à courir vers le lieu de son sauvetage où reposait Billy éreinté. Tous comprirent alors que l'enfant de la ville    venait de sauver une vie et ce geste humain personne ne l'oublierait. 

Une fête fut donnée en son honneur le soir même et à cet instant son père et Billy furent accueillis dans la communauté de Bleach City.

Depuis ce jour bénis , il se fit des amis .

Et aujourd'hui , pour rentrer définitivement dans la bande des "aigles noirs" , il devait réussir une dernière épreuve: celle du "cimetière oublié".


* * *


"Tu es prêt ? " lui demanda le chef de la bande henry Bernt sur un ton amusé.

Henry était un petit gars rondouillard aux cheveux rouges comme une tulipe.Il portait toujours sur  lui un vieux blouson de cuir poussiéreux et des dizaines de pins regroupant têtes de squelettes , têtes de vampires et loups garou . D'un point de vue caractère , comment dire , les bons mots pour le qualifier  seraient "pas commodes du tout ".

Pour rentrer dans sa bande "les aigles noirs" il fallait passer plusieurs épreuves aussi bête les unes que les autres. Faut dire qu'Henry n'était pas très "fut fut" donc il faisait avec ce qu'il avait car son QI ne dépassait pas les 70.

Ces FAMEUSES épreuves se nommaient ainsi : "la corde a linge" , "le tir au pistolet" , "le cinéma" , et enfin la dernière " le cimetière oublié".

La première d'entre elles ( la corde a linge) consistait à traverser dans la forêt de Bleach City un fil de funambule relié d'un tronc à un autre tronc.Ouais bon encore.Passons.

La deuxième ( le tir au pistolet) consistait à tirer sur des boîtes posées sur un tronc d'arbre mort , lesquelles étaient placées à dix mètres de distance.Faisable encore une fois.

La troisième ( la plus intéressante vous allez voir...) intitulée sobrement "le cinéma" consistait à sortir avec une fille , l'emmener au cinéma et au moment opportun ( le plus souvent quand le monstre attaque une donzelle sans défense sur un écran...) l'embrasser sur la bouche et tenir plus de cinq  minutes quarante ( pour Henry les "quarante " étaient très importants . Allez savoir pourquoi?) .Autant vous dire qu'au bout de deux minutes et même si le baiser est bien fait la fille en a marre et n'a qu'une envie se téléporter loin . Je dirais même plus "trèèèèèès loin".

Bien entendu il va de soi que toutes ces épreuves doivent être réussies du premier coup sinon adieu la bande des aigles noirs et bonjour chez vous.

Autant vous dire tout de suite que Billy avait réussi toutes ces épreuves débiles et s'en était sortie avec honneur.

"Je t'ai posé une question il me semble ! et j'aimerais que tu me répondes. Prêt pour ta dernière épreuve "petit"? "

Billy regarda tour à tour les autres qui semblaient collés comme des sensues   a Henry.

Il y avait Fred le fils du boucher qui était maigre comme un fil avec un petit cheveu sur la langue et tellement gentil qu'Henry arrivait à lui faire faire tout ce qu'il voulait.

Puis venait Diégo Santa , l'indien de service  qui était le petit- fils d'un sorcier nagaranssais . Lui, était plutôt d'un caractère obstiné et ne se laissait pas marcher sur les pieds aussi facilement que Fred. 

Billy répondit a henry sur le ton du respect.

"Oui , je suis prêt"

"Et bien allons y les gars ne traînons pas ..Traversons d'abord le cimetière municipal puis montons vers l'autre " cimetière" celui que j'appelle le "cimetière oublié".

Henry marcha  en tête  tout en sifflotant .Les autres derrière lui ne pipaient mots.


* * *


Après une bonne heure de marche dans les bois et marais de Bleach City  les jeunes garçons , aventuriers dans l'âme, arrivèrent à la colline dite du "poilu".

Une pancarte au bois vermoulu l'annonçait comme tel : ICI COLLINE DU POILU ! DANGER ! INTERDICTION DE MONTER AU CIMETIÈRE ! ARRÊTÉ DU 5 JANVIER 1918.

Henry en avait cure de tout ce charabia et continua de plus belle à monter la colline.

Pour détendre l'atmosphère ( qui semblait aussi tendue que le fil de funambule de la première épreuve) , le chef de la bande montra la pancarte d'interdiction et commença à se gratter l'entrejambe.

Tous comprirent la blague , certes pas très évoluée , et tous se marrèrent car Henry venait encore d'en faire une belle et tous en fait se moquaient de lui .Mais Henry ne l'avait pas compris  et continuait à se gratter l'entrejambe en montrant la pancarte et notamment le mot "poilu".

"Bon , dit le chef  à Billy , c'est là que commence ton épreuve "petit" . Derrière cette colline se trouve un vieux cimetière.Ton épreuve consiste à y passer la nuit et à me ramener un trophée.Si tu réussis , tu pourras rentrer définitivement dans la bande. Bien compris "petit"? "

"Oui , j'ai très bien compris Henry mais arrête de m'appeler "petit". Et quel genre de "trophée " tu veux que je te rapporte d'un vieux cimetière tout décharné comme tout les pauvres gens qui y sont enterrés?... "

"Réfléchis bien petit. Qu'est- ce que tu crois qu'on trouve dans les cimetières , hum?"

Les yeux sarcastiques du chef de la bande brillèrent dans le soleil qui commençait à s'éteindre a l'horizon annonçant l'arrivée de la nuit. Puis il sourit réveillant ses dents cariées..

Un frisson parcourait l'échine de Billy..

"T'as compris petit ? "

"Oui , oui . Je le ferais même si ça me dégoûte  . Je le ferais et je te ramènerais un os de squelette en tant que trophée."

"Ben, voilà , on se comprend!...Et si j'ai envie de t' appeler petit je t'appellerais petit . Tu as bien saisi ou t'as besoin d'une correction pour que tu comprennes que le chef c'est moi et que t'as rien à dire tant que je ne t'aie pas dit quoi faire?.Alors au boulot maintenant PETIT et fais de beaux rêves la haut ..Ha ha ha!!! "

Billy n'entendit pas la dernière pique de henry car il montait déjà la colline surplombant la petite ville de Bleach City.

Il aurait pu stopper toute cette mascarade mais il n'avait pas le cœur à le faire. Il venait de la ville et devait se faire une place ici. Il n'avait pas d'autre choix et devait attendre patiemment. Bientôt tout changerait et Henry comprendrait.

Pour l'heure "le cimetière" l'attendait .La lune désormais bien visible se fit pleine alors qu'il arrivait enfin en haut de la colline. 

C'est a ce moment - là que le "POILU" le vit .Alors dans sa tête de cinglé , il se dit que ce petit homme descendant désormais la colline et se dirigeant vers "sa maison " n'était autre qu'un ennemi et comme tout danger il devait être éradiqué de la surface de la terre....

Alors que l'enfant de la ville commençait à descendre la colline sur l'autre versant , le "poilu" se cacha derrière une immense gargouille (qui n'était autre qu'un caveau).

  Il creusa a même le sol avec ses ongles à moitié rongée jusqu'au sang et de la terre molle et humide derrière le caveau il en sortit un vieux livre rongé par les temps.

Il le pris , le blottis contre lui et attendit patiemment l'enfant...


* * * 


"Bon , est ce que vous m'avez bien compris tous les deux " répéta Henry  a l'encontre de ses acolytes.

"Oui chef , on a compris. Tu veux qu'on te réexpliques ou on laisse tomber?" rétorqua sur le ton de l'ironie Fred le fils du boucher tout en donnant des coups de coude à l'indien à ses côtés.

"Et ben !  comme tu fais le malin avec ton copain l'Indien tu vas tout me redire de A a Z sinon petit connard de mes deux t'es viré du groupe.Est- ce que je me suis bien fait comprendre?"

"Ok , ok , pas la peine de t'énerver comme ça Henry. Tu sais , ce n'est pas bon pour ton embonpoint..."

"TA GUEULE!!! "cria avec furie henry au fils du boucher ."FERME TA GRANDE GUEULE OU SINON JE T'ÉTRIPE  COMME UN PORC!!!"

Fred allait lui renvoyer une pique bien sentie quand l'Indien s'interposa.

"ça suffit tous les deux. Arrêtez de vous disputer. Fred calme toi tu veux bien et tes vannes gardent les pour toi et toi henry soit moins sur la défensive et essaye d'avoir la cool attitude comme on dit. Bien maintenant serez-vous la main et qu'on en parle plus."

Henry et Fred se serrèrent la main à contrecœur puis s'éloignèrent l'un de l'autre . 

"Ben voilà ce n'est pas compliqué quand même. Bien maintenant Henry je te réexplique Le plan. Tout d'abord nous rejoignons le cimetière sans nous faire repérer par Billy. Fred devra faire diversion en lançant des cailloux en sa direction sans le toucher.Toi , Henry , tu devras lui faire peur en parlant dans ce truc- là ( il sortit de son sac à dos un étrange objet de forme conique où l'on pouvait souffler dedans et qui amplifiait la voix de son porteur) .Et moi , je dois me saupoudrer la moitié du corps de farine et prendre un vieux jean tout déchiré. Ainsi selon toi je ressemblerais à un mort vivant !Est - ce que c'est bien ça henry?"

Le chef de la bande des "aigles noirs" , calmé , répondit à l'indien sur un ton posé.

"Tout à fait ça le Nagarranssais. Et maintenant les gars , allons- y et que la fête commence..."

Menant la troupe , il monta la "colline du poilu" en chantonnant une chanson de bob Dylan "blow in the wind" avec sa voix totalement éraillée. Les autres suivirent leur chef sans piper mots mais dans leur fort intérieur il n'en pensait pas moins.

Après quelques minutes d'escalade , ils arrivèrent au sommet de la colline. Fred - qui s'était lui aussi calmé- demanda à Henry pourquoi ici ça s'appelait  "Colline du poilu" auquel répondit le chef sur le ton "je m'en fous de tes questions" :

"J'sais pas! et toi l'Indien?..."

"Moi non plus j'sais pas..."

"Ben tu vois Fred on est bien avancé. On continue les gars."

Et ils en restèrent là.Ils descendirent la colline et à cet instant le "poilu" les vit comme il avait vu Billy il y a quelques minutes.

D'autres ennemies se dit - il en lui - même  .D'autres ennemies à éliminer.  


* * *


Billy -au moment où les autres montaient la colline- atteignit les grilles d'entrée du cimetière.

Il les ouvrit délicatement mais un grincement strident le fit sursauter.

Les grilles de fer étaient rouillées et très anciennes et faisaient un bruit d'enfer en les ouvrant. Un bruit qui vous donnait la chair de poule. Malgré la peur qui s'insinuait dans son corps d'enfant , il pénétra dans le cimetière.

Il y faisait  plus sombre dans ce lieu de mort qu'a l'extérieur. La nuit semblait avoir mis ici son empreinte et ce pour l'éternité.

Seule une lune froide , blafarde , éclairait de sa lumière fielleuse le cimetière oublié.

Tout était glacé ici car là se trouvait les nombreuses portes menant à la région des morts.

Il y avait en tout et pour tout seulement neuf tombes dans le cimetière et une grosse  gargouille cachait l'entrée d'un caveau. Cependant , cet endroit avait une particularité étrange : sur certaines tombes reposait un casque de guerre .

"Un cimetière de soldats" souffla Billy tout en faisant le tour des tombes."Incroyable , je ne m'attendais pas à ça..."

"Bon , trouvons un lieu pour dormir. Je sais... "

Le caveau serait là où il s'installerait pour la nuit.

Alors qu'il s'asseyait sur le sol humide du cimetière , le dos appuyé contre la pierre du caveau , la grille du cimetière fit retentir sa plainte stridente.

La peur qui l'avait quitté tout a l'heure alors qu'il faisait l'inspection des tombes , revint au galop et une voix intérieure  le mis en garde "tu n'es pas tout seul dans ce cimetière. Il y a quelqu'un d'autre. La grille d'entrée. Va voir la grille."


Il grelottait .Ses tempes lui faisaient mal et un début de migraine s'installait. Surmontant un tant sois peu sa peur , il redressa sa jeune carcasse et se dirigea vers la grille.

Celle-ci était bien ouverte en grand mais il n'y avait personne alentour.

"Le vent a dû l'ouvrir " se convainc-t- il en lui-même mais il savait pertinemment qu'aucun vent ne soufflait .Il rebroussa chemin.

Il avait dépassé trois tombes lorsque tout à coup une douleur affreuse se propagea dans sa nuque  et tout son corps fut comme endolori.Il s'évanouit et ne vit pas qu'il perdait énormément de sang .Ce sang abreuva les tombes alentour .Quelques minutes après , l'enfant de la ville mourut sur le parterre humide du cimetière oublié.

Le "poilu" regarda sa victime puis il lança au loin l'accessoire de son crime : une pelle de fossoyeur dégoulinant du sang de Billy.

"Aux autres" dit il en levant ses yeux noirs de dément vers la lune fardée au-dessus de lui.

Elle semblait lui sourire

Il prit les jambes du mort et  traîna le corps derrière la gargouille du caveau.

Il ouvrit alors son grimoire et récita une incantation.

Il attendit patiemment les autres ennemies qui venaient à lui.


* * *


"Tu n'aurais pas pu faire attention!" souffla Henry à Fred le fils du boucher sur un ton de reproche ( à propos de l'ouverture de la grille du cimetière)

L'Indien s'interposa.

"Ah! non !  vous allez pas recommencez-vous deux!  Ça suffit! On a du pain sur la planche les gars ...Regardez , le voilà .Tu sais ce que tu as à faire Fred. Moi je vais m'habiller et me grimer. A tout a l'heure ."

Henry  ne riposta pas .En effet, un  travail les attendait et ils n'attendirent pas très longtemps pour que la machine infernale se mette en route.

Étrangement Billy ( qui je vous le rappelle avait été tué quelques minutes plus tôt) semblait  bien en vie et il se dirigeait vers la position de Fred le fils du boucher.  


* * *


L'Indien s'était retiré du groupe pour enfiler son déguisement .C'était une idée complètement saugrenue de se mettre un vieux jean tout déchiré et se saupoudrer le reste du corps de farine mais il n'avait pas le choix .Il fallait le faire car sinon Henry pouvait se montrer extrêmement méchant.

Henry Bernt faisait partie de ces types qu'il ne faut pas trop chercher sinon il vous castagne jusqu'à  ce que vous le suppliiez d'arrêter. Ce serait même le genre de mec qui peut sortir un couteau ou un flingue sans même se demander ce qu'il fait et ce qu'il s'apprête à faire .Dans le jargon on appelle ce genre de type des cinglés , des timbrés , et des psychopathes. Bref , on ne cherche pas ces gens-là et on se soumet a leurs directives.

Le jeune garçon s'approcha d'une tombe. Baigné par la lumière presque bleue de la lune , il creusa un petit trou peu profond proche de la croix de la pierre tombale et en déterra un sac de jute dans lequel se trouvaient le déguisement et un petit pot de farine.

Il allait commencer à s'habiller lorsque deux cris suraigus d'une violence inimaginable retentirent dans la nuit glacée du cimetière. Une image d'horreur passa alors dans la tête de l'Indien : les cris ressemblaient  à des porcs que l'on écorche et que l'on vide de leur sang.

Un frisson le parcourut et il hurla lorsqu'il se rendit compte que les cris provenaient de l'endroit où se trouvaient ses complices , Henry et Fred.

Il essaya de se reprendre et laissa ses habits déchirés et son pot de farine sur le côté. Il les appela alors.

"HENRY!!  FRED!!!...Les gars!! répondez-moi."

Pas de réponses.

Il recommença.

"Hé!! les gars! Putain! répondez-moi que diable! Où êtes vous?Vous me faites une blague c'est ça. Putain vous allez me répondre oui!"

Le néant, le froid , la mort tout autour de lui.

Un autre frisson d'horreur le transperça comme une lance lancée a pleine vitesse sur lui et l'atteignant en plein cœur. Cette fois , il eut du mal à se ressaisir. Il souffla , toussa et du sang coula un peu de son nez bleui par le froid qui régnait dans ce lieu de mort. Il s'essuya d'un revers de manche.

La lune au-dessus de lui ,par sa lumière fantasmagorique, le faisait ressembler à un mort-vivant sorti de la tombe prêt à se venger de ceux qui l'avaient condamné à croupir dans la fange infâme de la mort. 

Les yeux écarquillés par la peur , le souffle coupé , il se dirigea vers le lieu d'où provenaient ces cris perçants .

Il n'arriva jamais à destination.

Il sentit des mains calleuses de vieillard se poser sur ses épaules le maintenant fermement. Puis la douleur , intense , soudaine. Un coup sur la tête puis le noir complet.

Le "poilu" désirait une chose : en finir.


* * * 


La première chose qui vint à l'esprit de l'Indien lorsqu'il se réveilla endolori fut : "il ne m'a pas tué ...Je suis encore en vie. Pourquoi?"

Il se trouvait toujours dans le cimetière mais devant son destin il attendait une mort annoncée comme ce fut le cas pour ses compagnons. 

Le "poilu" - petit homme aux yeux bruns , à la peau abîmée par le temps , aux cheveux aussi longs que sa barbe blanche - scrutait l'enfant .

Cet homme qui habitait le cimetière des soldats morts de 14-18 venait de creuser une tombe vers le caveau.Alors que l'Indien dormait de son sommeil obligé , il l'avait mis dans le trou et l'avait recouvert de terre jusqu'au cou.

Les autres "ennemies" avaient déjà été tués.

Le "poilu" avait massacré le premier d'entre eux ( Billy) avec un coup de pelle sur la tête et il avait aimé voir le sang couler sur "sa terre sainte". Il avait utilisé son vieux grimoire et ainsi grâce à la magie noire il avait pu leurrer les deux autres. En effet , en faisant apparaître sa première victime saine et sauve il avait pu s'occuper des deux autres( Henry et Fred).C'était enfantin .Un loeur - qu'était Billy- attirait ses autres "ennemies" dans un piège machiavélique. Un coup sur la tête pour les deux  par derrière naturellement et le tour était joué..Mais avec eux il avait eu envie de s'amuser un peu , alors ils leur avaient ouvert les entrailles et en avaient retiré les cœurs encore chaud et sanguinolent. Il avait aimé les entendre crier et se vider de leur sang. Il avait aimé la peur dans leurs yeux et l'horreur quand ils comprirent ce qu'il s'apprêtait à faire . Ensuite , ils les avaient enterrés comme l'Indien là devant lui , et avait appelé la déesse du cimetière .

Le vieil homme scrutait toujours l'Indien de ses yeux pénétrant et une haine farouche du monde extérieur s'y lisait.

Tout a coup , le "poilu" se leva , prit un livre proche de lui , l'ouvrit et regarda la lune au-dessus de lui. Il récita alors l'incantation qui allait faire disparaître à tout jamais l'enfant indien dont le grand-père pleurait bientôt sa disparition.


* * *


"Ombres ténébreuses .Foudre de vipères .Pluies de cendres . J'en appelle à l'enfer de la guerre. J' en appelle aux hommes comme moi qui périrent et qui èrent solitaire dans les cimetières oubliés du monde. Ombres ténébreuses , que canons et fusils retentissent. Clameurs des âmes mortes des soldats disparus de la Grande guerre. Ombre ténébreuse. Pluies de cendres . J'en appelle à la déesse de ce cimetière .Il est temps pour toi , oh! déesse!  de te régaler des enfants de ce monde puant et sans pitié. Protège-les de la guerre en te nourrissant de leurs âmes. Alors , un jour prochain , nous les "poilu" des cimetières oubliés retrouveront  la paix éternelle".

Alors , il se mit à genoux et pria tel un Bédouin sa déesse.

Le vent se mit tout a coup à souffler . La pluie commença à tomber. Des éclairs zébrèrent le ciel et la lune devint alors d'un noir de cendre. L'image d'un squelette apparut sur la face lunaire. Puis comme si un vaisseau spatial arrivait sur terre, le cimetière fut éclairé d'une lumière crue. Une étrange colonne de fumée descendit vers les tombes et recouvrit l'endroit .

L'Indien mourut a cet instant. La fumée venue de la lune n'était autre que la déesse du cimetière oublié. Celle-ci recouvrit totalement le cimetière. Par la pression exercée par cette fumée de l'enfer l'Indien s'enfonça petit à petit et inexorablement dans la terre meuble et humide de la tombe où il avait été enterré.Lorsqu'il disparut complètement -émettant un dernier râle de douleur- le vent s'arrêta , la pluie stoppa et le ciel redevint clair.

La fumée lunaire se coula dans la nuit et les lumières disparurent complètement.

Seul l'image étrange d'une tête de squelette voilait toujours la face de la lune.

Le "poilu" ramassa sa pelle de fossoyeur et entra dans le caveau. Il redevint une âme morte. Le gardien du cimetière oublié s'était rendormis.


* * * 


Le lendemain , des recherches furent commencées par la police du comté de "Bleach City" pour retrouver la bande des "aigles noirs". La petite ville fut fouillée de fond en comble et même un détachement venu de l'extérieur prêta main-forte à la police locale. Des battues furent entreprises dans les bois environnant et vers la colline du poilu. Sans succès.

Le cimetière des soldats morts de 14-18 fut fouillé également mais seul un vieux bouquin aux runes anciennes fut trouvé. Pour les autorités ce grimoire n'avait aucune importance. Rien de valable.

Les familles de la bande des "aigles noirs" se rendirent à l'évidence. Après plusieurs jours d'enquête , de battues , et de recherches , la bande des "aigle noirs " avaient disparu ou même était mort quelque part .

Une année passa et les enfants furent oubliés. Le père de Billy se suicida car il ne supportait plus cette vie sans son fils.

A l'enterrement du père de Billy , une vieille mégère proclama à une autre vieille d'un village proche que le "poilu" du cimetière des collines n'en avait pas fini avec leur ville.


Dix ans passèrent ...


Une autre bande de jeunes aventuriers en herbe entreprit la même aventure que la bande des   "aigles noirs" .

Ainsi , dix ans plus tard la disparition de Henry , Billy , Fred , et l'Indien, la porte rouillée du cimetière oublié grinça de nouveau.

Et le poilu fut réveillé de son long sommeil. De nouveau la déesse du cimetière se nourrit de ces âmes d'aventuriers.

Le poilu avait repris du service.









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