Le Clan des Amazones

Marc Singer

Barbara est effondrée, son compagnon vient de lui envoyer une lettre d’adieu. Elle va replonger dans ses souvenirs, depuis ce fameux coup de file d’Henri le soir du réveillon du jour de l’an…

 

 

 

 

 

 

Le Clan des Amazones

Marc Singer

                                                Pièce de Théâtre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       

 

 

A mon amie B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Personnages :

 

Barbara la mère de Julie

Yvonne la mère de Barbara

Julie la fille de Barbara

Audrey une amie de Barbara


ACTE 1

Scène 1 - Barbara, Audrey

Barbara

C'est gentil, mais t'aurais pas dû venir.

Audrey

Tu m'as fait peur au téléphone. J'ai pensé que tu pourrais faire une connerie. Tu me la lit cette lettre s'il te plait.

Barbara  lit la lettre

« Hier au cinéma j'ai vu un film, qui m'a fait penser à nous deux, et j'ai compris que sans toi ma vie n'avait pas de sens. Pendant toutes ces années j'ai essayé d'adopter la bonne posture, de donner le meilleur de moi-même, d'être un modèle en quelque sorte. Je savais qu'après il serait trop tard qu'on ne pourrait plus revenir en arrière que l'histoire serait écrite, que la peinture allait sécher et me figer pour l'éternité, et que je resterais celui que j'ai été que je le veuille ou non. Parce que je savais que je vivrais toujours dans ton souvenir je me suis efforcé de ne pas le gâcher. J'ai eu le sentiment qu'il fallait que je meure pour que tu m'apprécie à ma juste valeur. Je devais disparaître pour exister. 

                                                         Henri »

Audrey

Tu l'as appelé ?

Barbara

J'ai laissé plusieurs messages sur sa messagerie.

Audrey

Attend un peu il va te rappeler, j'en suis sûre. Et puis ce n'est pas la première fois que vous vous séparez.

Barbara

Oui mais c'est la première fois qu'il m'envoie une lettre. S'il lui arrivait quelque chose personne ne s'en rendrait compte. Il est complètement esseulé.

Audrey

Qu'est-ce qui s'est passé au juste ?

 

Barbara

Depuis un an notre relation s'était dégradée. Il me reprochait de ne pas être prête à le suivre pour partir je ne sais oùen Nouvelle Zélande ou à Rambouillet. Il n'arrêtait pas de me dire « quand on aime on ne quitte pas ». Je lui répétais que je ne quitterais jamais la France, et que je devais rester au côté de ma mère. Et puis il était toujours à ressasser les deux ou trois conneries que je lui avais balancées au début. Je lui avais dit « si ça ne marche pas entre nous je retournerais avec Loïc ». Il m'avait répondu que j'étais une minable, d'être prête à retourner avec un type qui m'avait trompée. Une autre fois je lui ai dit que je pouvais être redoutable que je pourrais le tromper et qu'il ne s'en rendrait même pas compte. Dernièrement je lui ai balancé qu'il m'avait bien préparée sexuellement pour le prochain.

Audrey

Si tu voulais t'en débarrasser tu ne pouvais pas faire mieux. Atterris Barbara, on dirait que tu ne connais pas les hommes. T'en es quand même pas à ton premier, surtout que celui-là d'après ce que tu m'en as dit il était plutôt du style Terre Neuve, bonne pâte mais faut pas me marcher dessus.

Barbara

Les hommes et moi c'est terminé j'ai décidé de prendre un chien, j'aurais moins de problèmes.

Audrey

Remarque ça a ses avantages tu vas avoir du mal à le rendre jaloux, à moins que t'aille en caresser un autre à côté de lui et encore.

Barbara

En parlant de ça il s'est pas caché de me raconter qu'il n'avait pas pu s'empêcher au début de notre relation de caresser les cheveux d'une japonaise qu'il avait rencontré dans la rue.

Audrey

Il est honnête.

Barbara

Il est con tu veux dire. Je préfèrerais qu'il ne me dise rien. Il y a une semaine monsieur s'est fait draguer à la bibliothèque et il m'a tout raconté. J'ai eu droit à tous les détails, étudiante, très mignonne, il était troublé ! Il était prêt à l'a suivre. Je n'en ai pas dormi de la nuit.

Audrey

Il a rien fait de mal, et puis c'est elle qui l'a dragué ce n'est pas lui. Ce qui te gène c'est qu'il ait eu envie d'une autre femme, ce n'est pas grave. De toute façon après plus de quatre ans dis-toi que s'il ne t'a pas trompée tu peux t'estimer heureuse.

Barbara

Si je le revois je lui dirais merci. Il n'avait pas à me le dire. J'étais bien, j'étais toute contente de le retrouver chez lui, il avait préparé de bon truc à manger. Pendant le repas il était un peu triste, comme d'habitude quoi. Et puis c'était plus fort que lui il a fallu qu'il me dise qu'il était pas bien à cause de cette fille qui avait tourné autour de lui pendant vingt minutes au prétexte qu'elle cherchait un livre qu'elle ne trouvait pas, suite à quoi il a engagé la conversation avec elle, qu'elle était émue, et c'est pas fini tiens-toi bien qu'il a regretté de ne pas l'avoir suivie, et s'il ne l'a pas fait c'est parce qu'il savait qu'il pouvait faire une connerie.

Audrey

C'était trop lourd à porter tu es son amie il avait besoin d'en parler avec toi.

Barbara

Je lui ai dit d'en parler à un copain, pas à moi je ne suis pas là pour ça.

Audrey

Tu m'as dit toi-même qu'il ne voit plus personne, ça n'aide pas.

Barbara

Monsieur est mieux que les autres tu comprends. Du coup il préfère rester seul et c'est moi qui encaisse tous ses problèmes. Je suis devenue son souffre-douleur. Quand il n'a pas mal au ventre, il a mal à la tête quand il n'a pas mal à la tête, il a mal au pied. J'ai l'impression d'être avec un vieux.

Audrey

C'est bien ça te rajeunit.

Barbara

Si on veut, je te rappelle que ce qui a mis le feu aux poudres dès le début de notre relation c'est quand il m'a dit que je faisais beaucoup plus veille que mon âge. J'ai cru que j'allais l'étriper.

Audrey

C'est à ce moment-là les deux coups de poing ?

Barbara

Non c'est après. Pour autre chose.

Audrey

C'est normal qu'on lui donne pas son âge tu m'as dit toi-même qu'il n'avait pas beaucoup travaillé dans sa vie.

Barbara

Quand je l'ai rencontré il y a quatre ans il était complètement désargenté, mais il était sûr de devenir un grand photographe. Et puis au bout de sept ans il a déchanté et s'est rendu à l'évidence. Il a compris qu'il ne serait jamais quelqu'un dans ce métier pour lequel il avait tout donné jusqu'à en devenir pauvre. C'est à ce moment-là que je l'ai rencontré, enfin qu'on nous a présenté.

Audrey

C'est fou cette histoire.

Barbara

Tu peux le dire. En fait il bossait comme vendeur, durant les fêtes de fin d'années pour payer son loyer. Tiens-toi bien le 31 décembre, Anne mon amie fait ses courses et elle tombe sur lui. Dragueur et charmeur comme il est, elle le remarque très vite, va faire sa petite enquête auprès de la vendeuse qu'elle connait bien qui lui dit que c'est un artiste et qu'il vient de divorcer. Elle revient vers lui et lui dit tout de go je vais vous présenter une amie à moi qui est célibataire. Alors tout de suite il lui demande mon âge.

Audrey

Qu'est-ce qu'elle a répondu ?

Barbara

45, elle a eu raison, elle allait pas lui dire que j'en avais 48, il aurait eu peur.

Audrey

Et lui quel âge il avait ?

Barbara

47 par là.

 

 

Audrey

C'est vrai que les hommes préfèrent les femmes plus jeunes.

Barbara

Tu ne peux pas savoir comme ça m'énerve on dirait qu'on est bonne pour l'hospice quand on dépasse les 45 ans. Surtout que lui, me l'a bien fait sentir. J'ai oublié oùj'en étais.

Audrey

Anne qui lui parle de toi.

Barbara

Ah oui, Il lui a demandé la couleur de mes yeux, et elle a ajouté que j'étais très facile à vivre, et puis elle lui a donné mon numéro de téléphone.

Audrey

Le soir du réveillon du jour de l'an, une nana qu'il ne connait ni d'Eve ni d'Adam vient vers lui et lui dit j'ai ce qu'il vous faut. Il a dû penser qu'elle était folle.

Barbara

Tu la connais, c'est un phénomène. Le soir même le téléphone sonne, c'était lui. Il avait une belle voix je me rappelle. On s'est donné RDV place St Sulpice, dans un petit troquet. Et dire que je m'apprêtais à fêter le réveillon toute seule devant ma télé, tu te rends compte !

Audrey

J'étais où moi au fait il y a quatre ans ?

Barbara

Je repense à ce que je lui ai dit ce soir-là, et qu'il me reproche encore aujourd'hui. Je te l'ai déjà dit non ?

Audrey

Peut-être je ne sais plus.

Barbara

Il ne m'avait rien demandé sur mon passé amoureux, et je lui ai sorti que j'étais resté trois ans avec un champion du monde de judo, et treize ans avec un Docteur en Mathématiques que j'avais quitté depuis deux mois. Suite à quoi Il m'a avoué après qu'il m'avait trouvé très conne. Qu'avec lui les filles c'était deux heures, deux jours, deux semaines deux mois ou deux ans. J'ai vite compris combien de temps ça allait durer.

Audrey

Ça veut rien dire, la preuve vous êtes ensemble depuis quatre ans.

Barbara

Si tu savais le nombre de fois où il me reparle de ces treize ans. J'ai beau lui dire que ma priorité c'était d'élever ma fille et que je n'avais pas forcément envie de refaire ma vie avec un homme, il ne comprend pas. J'avais mes amies, ma danse je pouvais partir en vacances avec ma mère. J'étais libre.

Audrey

Je sais il ne faut jamais parler de ses ex à un homme. Pourquoi tu lui as dit qu'il était Docteur.

Barbara

Comme ça. Je n'avais pas confiance en moi à l'époque. Il n'y a pas que ça, il ne comprend pas pourquoi je suis resté avec lui alors qu'il me trompait et ne partait pas avec moi en vacances. Il ne l'a jamais vu en vrai à part en photo mais il le déteste et me déteste d'être restée avec un type pareil. Et dire que je lui avais dit que si ça ne marchait pas entre nous je retournerais avec Loïc. Il m'avait traité de minable en pleine rue.

Audrey

Les hommes ne savent pas dans quelle case nous ranger la maman ou la putain.

Barbara

Moi la maman je l'ai été, jusqu'à ce que mon mari me trompe avec sa dinde de dix-neuf ans. Pour moi c'est fini.

Audrey

Tu as été trompée et tu l'acceptais avec Loïc.

Barbara

Ce n'est pas la même chose, mon mari je l'aimais je ne pouvais pas accepter qu'il me trompe. Henri me fait tout le temps les mêmes reproches je n'en peux plus de ses critiques, de ses jugements à mon égard, j'ai l'impression d'être une moins que rien. Je me demande souvent à quoi bon continuer. Je baisse les bras et je préfère tout arrêter que de continuer à souffrir.

Audrey

De toute façon c'est quelqu'un qui souffre donc il te fait souffrir.

Barbara

Oui mais moi je ne suis pas venue sur terre pour souffrir, s'il veut souffrir qu'il le fasse tout seul sans moi. Je préfère garder mes distances.

Audrey

Tu m'as dit toi-même qu'il t'avait redonné le goût de vivre.

Barbara

C'était au début de notre relation. Maintenant c'est souvent moi qui l'empêche de sombrer. Et pourtant il peut être si drôle quand il veut. Il a été rejeté par sa mère, et son père est mort quand il avait douze ans. Des fois j'ai l'impression d'être une mère pour lui, parce que je sens à quel point il a manqué d'amour dans son enfance. A d'autres moments j'ai l'impression que c'est mon frère tellement nous sommes proches. Cette histoire m'échappe totalement à lui aussi d'ailleurs. Des fois je me demande si je pourrais continuer à vivre s'il n'était plus là.

Audrey

Tu lui as dit.

Barbara

Oui il le sait.

Audrey

Qu'est-ce qu'il te dit ?

Barbara

Rien il m'écoute, c'est le seul qui m'ai, autant écouté.

Audrey

Tu penses qu'il t'aime ?

Barbara

Oui je pense mais à cinquante pourcent comme il aime me le rappeler.

Audrey

Vous n'en êtes pas à votre première séparation. La plus longue a duré combien de temps ?

Barbara

Deux jours je crois, à chaque fois qu'il m'a dit que c'était fini entre nous il est revenu, parce qu'il se rend compte qu'il ne peut pas vivre sans moi.

Audrey

Vous pourriez vivre ensemble.

Barbara

Il tient trop à son indépendance et moi aussi. Non c'est trop tôt, un jour peut-être quand nous serons vieux. Je nous vois dans un chalet à la montagne, avec un gros chien.

Audrey

Un Terre Neuve, comme lui.

Barbara

Si ça se trouve le Terre Neuve il est en ce moment la truffe au vent dans la rue à l'affût de la première petite poulette les jambes à l'air. Comment veux-tu que je rivalise avec une fille de 25 ans ?

Audrey

Si jeune ?

Barbara

Ou trente c'est pareil. Il regrette de ne pas m'avoir connu avant, quand j'étais jeune et jolie comme il dit. Il a le sentiment que j'ai donné mes plus belles années à Loïc. Il aurait été bien content si j'avais vingt ans de moins je peux te dire.

Audrey

Pourquoi tu as continué avec lui si tu le savais ?

Barbara

Je le trouvais mignon, il m'a plu tout de suite, j'étais bien avec lui et j'ai eu très vite peur de le perdre. Je me suis très vite méfiée de ses côtés dragueurs, mais je sais qu'il ne lui viendrait pas à l'esprit de me tromper. Je ne pensais pas que je pourrais avoir confiance en un homme à nouveau. Il me disait souvent que quand on n'est pas bien avec quelqu'un il faut partir. Passer de l'une à l'autre ne lui était jamais arrivé, il avait toujours rompu le premier dès que ça n'allait plus. Et en même temps il m'avouait que ne trouvant aucune issue à notre histoire le seul moyen qu'il aurait de s'en sortir était pour une fois de tomber amoureux d'une autre fille. Il est bizarre non. Je devrais aller vois un psy, je sais plus où j'en suis. Je souffre avec lui et je souffre sans lui.

Audrey

Il a bousculé ta petite vie aseptisée oùtu ne te posais plus de question. Oùtu croyais être vivante alors que tu avais perdu le goût de la vie. Il est arrivé à un moment où tu commençais à ne plus croire en rien, il est arrivé et t'as redonné la force de regarder à nouveau devant toi. Il t'a obligé à voir ce que tu ne voulais pas voir.

Barbara

Il rejette en bloc mon entourage. Il déteste ma fille qui a eu le malheur de dire qu'il avait la voix aigue au téléphone, ce qui pour lui veut dire bien autre chose. Et qui par-dessus le marché a le malheur de fumer, de boire et de s'être encanailler avec un ancien dealer. Là-dessus il n'a pas tort. Il pense aussi que toutes mes amies sont mauvaises comme Anne.

Audrey

Il devrait la remercier, c'est grâce à elle que vous vous êtes rencontrés.

Barbara

Je te raconte ce qui s'est passé, j'avais organisé un repas à la maison, j'avais donc invité Anne et son copain Remy. A la fin du repas elle vient vers moi et me dit fais attention je le trouve un peu parano. Bon. Le lendemain il m'appelle à l'école je ne pouvais pas répondre j'étais en plein cours avec mes élèves de CE2. On se retrouve comme prévu en fin d'après-midi au Carrousel du Louvre, et là il me demande si je filtre ses appels ? Je lui ai rappelé que j'étais avec mes élèves et puis je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire : « Anne avait bien raison tu es vraiment parano ». II était vert de rage, a disparu, je l'ai rappelé en larmes, et puis on a pris un verre ensemble. Il m'a aimée tout de suite passionnément, avec toute sa fougue. J'ai eu peur, j'ai pris mon temps, j'ai gardé mes distances. Il dit que je suis incapable d'aimer.

Audrey

Remarque c'est sans doute pour ça que tu as pu rester treize ans avec un invalide de l'amour.

Barbara

Il ne se passe pas un moment où il ne me critique pas. Il devrait faire du sport je suis sûre que ça lui calmerait les nerfs.

Audrey

Et maintenant s'il déboulait là tout de suite en te suppliant à genoux de le suivre.

Barbara

Ce n'est pas son style.

Audrey

Ah bon, c'est quoi son style ?

Barbara

Remarque tu as peut être raison, il en est bien capable lui le chevalier servant, le romantique écorché vif.

Audrey

L'artiste quoi.

Barbara

Oui c'est bien ça le problème. Il est trop sensible, trop déséquilibré.

Audrey

Oui, mais c'est justement ce qui te plait chez lui, ce côté différent.

Barbara

Oui et non. J'aimerais des fois qu'il soit moins compliqué, moins torturé même si je n'aime pas dire ça de lui. Je ne suis peut-être tout simplement pas la femme qu'il lui faut.

Audrey

Et lui il est l'homme qu'il te faut ?

Barbara

Il dit que je finirais vieille fille, remarque il n'est pas le seul à me l'avoir dit. Il dit que je suis une chieuse. Et comme lui c'est un emmerdeur, à nous deux on fait la paire.

Audrey

T'as envie de le reconquérir ?

 

 

Barbara

Je me rends compte que je suis bien même quand il n'est pas là, il m'a donné quelque chose que je n'avais pas avant lui, je me sens plus calme. Il m'a redonné le goût de vivre, et peut-être envie d'aimer à nouveau qui sait ? Avant lui c'est sûr j'avais beaucoup d'activités. Le soir, seule devant ma télé avec mon plateau repas, je m'endormais exténuée de fatigue pour ne pas penser à ma vie. D'ailleurs j'ai à peine réduit ma cadence, ça aussi ça l'énerve beaucoup. Il se sent seul il voudrait que je sois toujours avec lui, mais moi ça m'étouffe.

Audrey

Qu'est-ce que t'as besoin de faire encore de la danse à cinquante-deux ans ?

Barbara

D'abord je ne fais pas que de la danse, je fais du Yoga, du Body Balance, et du Tai Chi. Et puis j'en ai besoin pour mon équilibre, ça me détends sinon je crois que je pourrais taper sur les quelques dingos de ma classe. D'ailleurs ce métier devient de pire en pire, je crois que je vais me barrer de l'éducation Nationale.

Audrey

Au bout de trente ans, tu pourrais. Avec tout ça vous êtes vraiment ensemble, ensemble quand ?

Barbara

En général le vendredi soir si je ne suis pas trop crevé je vais dormir chez lui, sinon on se voit le samedi. Et puis dimanche je vais à la danse.

Audrey

Tu pourrais rester avec lui le week-end. Il est normal qu'il se sente seul si tu préfères faire du sport plutôt que de rester avec lui.

Barbara

Mais moi j'ai besoin de faire du sport, c'est comme ça.

Audrey

Et moins tu fais l'amour plus tu fais du sport c'est ça aussi, je n'invente rien c'est toi qui me l'a toujours dit.

Barbara

Enfin entre nous, je n'ai plus le droit de dire « faire l'amour » avec lui, je dois dire « coucher ».

Audrey

Qu'est-ce que tu voudrais changer dans ta vie si tu en avais le pouvoir ?

Barbara

J'aimerais avoir trente ans en moins, et en même temps quand il me regarde je me sens plus jeune plus belle plus légère. J'oublie le temps qui passe. J'ai l'impression d'être à nouveau cette belle jeune fille arrivée première aux concours inter-conservatoire de danse.

Audrey

La vraie beauté est intérieure.

Barbara

Intérieure, intérieure, tu l'a pas vu regarder les autres filles dans la rue. Remarque ça commence à lui passer.

Audrey

Que tu le veuilles ou non, un homme ça aime avec les yeux.

Barbara

Et nous on doit aimer avec quoi ?

Audrey

Je veux dire aussi avec les yeux.

Barbara

Remarque, il me répétait souvent que grâce à moi, quand il regarde les filles dans la rue il ne voit plus des corps mais des âmes.

Audrey

Je pense que c'est quelqu'un de bien.

Barbara

Quelqu'un de bien, mais qui aime les femmes.

Audrey

Tu préfèrerais qu'il aime quoi, les oiseaux.

Barbara

C'est joli les oiseaux mais ça ne répond pas.

Audrey

Ton problème c'est que tu n'as pas ta langue dans la poche, c'est le moins qu'on puisse dire.

Barbara

Ma langue de vipère comme il dit. Je n'aime pas me laisser emmerder.

Audrey

Tu sais des fois il faut savoir écouter sans donner forcément son avis.

Barbara

Sa grande phrase c'est « aimer c'est être à l'écoute de l'autre ».

Audrey

Et toi pour toi c'est quoi aimer ?

Barbara

Pour moi aimer c'est être dépendant de l'autre voilà ce que c'est. Et pourtant si je suis heureuse c'est grâce à lui. Je ne sais pas ça me fais peur, j'ai l'impression de perdre ma liberté, j'ai l'impression de lui appartenir. Il me le répète tout le temps « tu n'appartiens à personne et tu n'appartiendras jamais à personne ». Il est possessif et protecteur.

Audrey

C'est un mâle, mâle, il aime dominer. Pour moi la seule loi qui compte dans le couple est le devoir de respecter l'autre.

Barbara

Il me dit que je n'ai pas de respect pour les hommes.

Audrey

Et toi tu penses qu'il a raison ?

Barbara

Si papa était encore là, je pense que ma vie affective aurait été différente. Il me le répète aussi souvent, lui le sauveur de l'humanité. Des fois il se comporte comme mon père. « Fais pas ci fais pas ça. Pourquoi t'es restée avec ce type. Si tu avais bien éduqué ta fille elle ne serait pas avec cette petite frappe à la petite semaine ». Et ma mère au passage qui pour lui fantasme sur la vie dissolue de sa fille. Des fois j'ai l'impression que mon père s'est réincarné.

Audrey

Un homme loyal, droit et honnête.

Barbara

Et moi je n'ai pas envie de prendre des antidépresseur comme maman qui à la fin n'en pouvais plus tant il était insupportable.

Audrey

Je ne vois qu'une solution.

Barbara

Laquelle ?

Audrey

Te faire nonne.

Barbara

C'est marrant j'y ai pensé.

Audrey

Toi ? C'est une blague ?

Barbara

Je veux dire faire une retraite temporaire dans un monastère, le temps de retrouver une paix intérieure.

Audrey

Tu te rappelles nos voyages en Thaïlande en Indonésie, comme on était bien.

Barbara

En fait l'homme et la femme sont juste faits pour s'entendre au lit. Pour Henri une femme veut être dominée au lit mais veut dominer dans la vie.

Audrey

Il n'a pas tort. Accepte que pour les hommes se soit pas toujours simples de nous suivre. Les russes ont une très jolie phrase à ce propos, ils disent que l'homme c'est la tête et la femme c'est le cou. On les investit de tous les pouvoirs pour ensuite décider à leur place. Par contre au lit allez y amusez-vous. En plus ça nous déculpabilise d'être considérées comme des putes, comme ça tout le monde est content.

Barbara

Est-ce que le bonheur avec un homme existe ?

Audrey

Bonne question.

Barbara

Je crois que je sais il faut que je sois une carpe, que je me taise, mais je n'y arrive pas.

Audrey

Je pense que tu devrais te faire désenvenimer, sinon le pauvre va finir dans un centre antipoison. Il y a bien une autre solution, c'est que tu le quitte.

Barbara

Le quitter ?

Audrey

Ecoute Barbara, je crois qu'il est temps que tu vois la vérité en face.

Barbara

Et si je ne peux pas vivre sans lui ?

Audrey

Ecoute si vous aviez vécu sous le même toi il a belle lurette que vous seriez définitivement séparés, et l'affaire serait pliée depuis longtemps. Vous êtes ensemble sans être ensemble, cette union libre crée des limites qui ne sont pas claires. Oùcommence votre liberté, oùelle finit. Chacun en cas de conflit regagne ses foyers, et au bout de quelques jours vous en souffrez tous les deux et vous n'avez qu'une envie c'est de vous retrouver jusqu'à la prochaine morsure, et ainsi de suite jusqu'à ce que mort s'ensuive. Tu n'en as pas marre d'être une amazone ? Tu n'as pas envie d'autre chose ? Tu n'en a pas assez d'être une guerrière ? Et si tu levais le pied, et si tu l'acceptais comme il est avec ses qualités et ses défauts.

Barbara

Il est insupportable.

 

 

 

Audrey

Choisis. Faire un choix ça veut dire peser le pour et le contre. Pour tu restes, contre tu pars. C'est simple. Au lieu de ça tu es là et tu souffres en silence, prend une décision.

Barbara

Je ne peux pas.

Audrey

Pourquoi ?

Barbara

Parce que.

Audrey

Parce que quoi ?

Barbara

Parce que j'ai peur.

Audrey

Peur de quoi ?

Barbara

De rester seule.

Audrey

Donc tu préfères être mal accompagnée, que de rester seule.

Barbara

Audrey

Nous y voilà.

Barbara

Et lui c'est le contraire, ce qui explique qu'il ne s'est jamais fait larguer.

 

 

Audrey

Mais tu n'es pas seule, il y a moi, il y a toutes tes amies. Surtout il y a ta mère et ta fille.

Barbara

Oui je sais.

Audrey

Je ne sais pas quoi te dire.

Barbara

La mort de Pierre mon cousin m'a bouleversée, il était comme mon frère. On partait en vacances chaque été avec toutes la famille, et puis un jour plouf plus rien disparu. J'ai eu du mal à accepter que je ne le reverrais plus. Avant lui c'était papa. Tu comprends ça fait beaucoup. Aujourd'hui il n'y a plus d'homme dans mon entourage, Pierre était le dernier. J'ai oublié de te dire Julie m'a appelé elle est de passage à Paris, je suis contente, elle va passer me voir avant de reprendre son train.

Audrey

Je vais te laisser parce que j'ai aussi des choses à faire, tu me promets de rester calme ?

Barbara

Audrey

Tu m'as vraiment fait peur au téléphone tout à l'heure, je ne t'avais jamais entendu sangloter comme ça.

Barbara

Ça va aller, je vais mieux. En fin de compte tu as bien fais de passer. Rentre bien.

Audrey

Et toi ne t'inquiètes pas, tout ira bien.


 

ACTE 2

Scène 1 - Barbara, Julie

Julie

Tu te souviens comme on était heureuses quand on était toutes les deux.

Barbara

La garde alternée une semaine sur deux avec ton père ça avait du bon.

Julie

Oui c'était le bon temps.

Barbara

Ta présence me faisait tellement de bien, je n'avais besoin de rien d'autre.

Julie

Tu sais j'ai toujours été un peu jalouse des hommes avec qui tu étais.

Barbara

Petite tu as toujours été ma priorité. Je voulais t'élever, je ne voulais pas mettre un homme entre toi et moi.

Julie

Le pire c'est que jusqu'à ta rencontre avec Henri, j'avais l'impression de t'appartenir et que tu m'appartenais, et qu'il n'existerait jamais un homme pour nous séparer. Quand j'ai compris qu'avec lui c'était différent, j'ai réalisé que moi aussi je devais réaliser ma vie de femme et m'éloigner. Je suis partie. Plutôt nous avons déménagé Brice et moi dans le sud. Enfin je préfère ne pas parler de lui, je sais que tu le déteste autant que papa le déteste d'ailleurs.

Barbara

On a déjà parlé de ça, ce garçon n'est pas fait pour toi. Je me demande d'ailleurs ce que tu lui trouve.

Julie

Et toi qu'est-ce que tu lui trouve à Henri ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Barbara

Rien. Il est partit.

 

Julie

Barbara

Encore comme tu dis. J'ai fait des erreurs. Je n'aurais pas dû te mêler à ma vie de femme. Parce que lui, j'y tenais plus qu'aux autres. Il s'est senti rejeté. Tu comprends ?

Julie

A chaque fois que je t'appelais, j'entendais sa voix à côté de toi, ça avait de quoi me crisper non. C'est vrai je le trouvais collant.

Barbara

Il faut que tu comprennes que j'avais décidé de faire définitivement un trait sur les hommes, jusqu'à ce que, Anne trouve enfin l'opportunité de mettre à exécution son plan cousu de fil blanc. Ça m'est tombé dessus sans que je m'y attende. Il m'a plu et puis on est restés ensemble.

Julie

Je ne te fais pas de reproche, mais j'ai senti que quelque chose s'était brisé entre nous.

Barbara

Je t'aime toujours comme avant, c'est ça le plus important. La seule différence c'est que maintenant tu es une femme.

Julie

Qu'est-ce qui s'est passé encore, vous n'arrêtez pas de vous séparer.

Barbara

C'est un écorché vif, il prend tout mal, je ne peux rien lui dire sans qu'il se vexe. Il m'analyse en permanence. Dès que j'ai le malheur d'avoir un mot plus haut que l'autre, il prend ses jambes à son cou, et disparait comme un éclair.

Julie

A vrai dire j'ai le même problème avec Brice.

Barbara

C'est une bonne chose s'il pouvait disparaître pour de bon.

 

Julie

Très drôle. Tu l'as appelé ?

Barbara

Qui ?

Julie

Henri tiens donc.

Barbara

Il n'a pas répondu. Ça ne lui ressemble pas. Et toi avec ton père, comment ça vas ?

Julie

Il est toujours aussi con, ça ne change pas.

Barbara

Je t'ai déjà dit de ne pas parler de ton père comme ça.

Julie

Tu me demandes, je te réponds.

Barbara

Bon à part ça ?

Julie

Il refuse catégoriquement que je vienne avec Brice à la maison. Enfin je sais bien que j'ai un père fantôme. Mais là je n'en peux plus. Je crois que je vais définitivement arrêter de le voir.

Barbara

Julie qu'est-ce que ce garçon t'apporte ?

Julie

Il est issu de parents divorcés comme moi, forcément ça nous rapproche.

Barbara

D'accord mais ce n'est pas suffisant. Tu l'aimes ?

Julie

Je m'y attendais. Je pense.

Barbara

Tu penses ou tu es sûre ?

Julie

Comment tu veux que je sois sûre.

Barbara

Je ne sais pas moi. Est-ce que tu as des palpitations par exemple quand tu ne l'as pas vu depuis quelques jours.

Julie

On vit ensemble maman, t'as oublié.

Barbara

Il lui arrive bien de s'absenter quelque jours c'est toi-même qui me l'a dit.

Julie

Des palpitations c'est beaucoup dire, disons que j'ai besoin de lui. Ça te va ?

Barbara

Si tu es heureuse ainsi.

Julie

Mais arrête avec ton bonheur par-ci ton bonheur par-là.

Barbara

J'ai tout fait pour que tu sois heureuse.

Julie

A croire que vous vous y êtes mal pris toi et papa.

Barbara

Si tu es malheureuse je n'y suis pour rien.

Julie

Ah c'est facile ça.

Barbara

Elle est belle ta vie.

 

Julie

Belle vie de merde tu veux dire. Depuis l'âge de trois ans vous vous êtes refilé le paquet toi et papa. Aujourd'hui j'ai un père  qui n'a jamais le temps qu'on discute, alors qu'il passe le plus clair de son temps avec ses maitresses, m'ignore quand je lui rends visite alors qu'il adore mes demi-frères et sœurs et les couvre de cadeaux. J'ai une mère qui a tout fait dans mon dos pour que je quitte le seul gars qui m'aime, et qui acceptait par-dessus le marché que son mec me traite de salope sans rien dire. Je suis vraiment la reine des connes. Tu veux que je te dise. J'en ai marre, mais à un point que tu ne soupçonnes pas.

Barbara

Calme-toi.

Julie

Non je ne me calmerais pas. Parce que si tu veux le fond de ma pensée vous me dégoutez toi et papa. Vous êtes des égoïstes. Voilà ce que vous êtes. Des égoïstes. Excuse-moi je dois prendre mon train, on n'aurait pas dû parler de tout ça. Pour Henri ne t'inquiètes pas il va revenir, il est toujours revenu.


 

ACTE 3

Scène 1 - Barbara, Yvonne

Barbara

Maman ! Qu'est-ce que tu fais là ?

Yvonne

Je faisais des courses dans le quartier quand Julie m'a téléphoné en pleurs, je ne te gènes pas au moins ?

Barbara

Non, bien sûr que non.

Yvonne

Je suis devenue trop veille pour vos histoires. Toi tu étais une enfant sage. Ma petite-fille elle, elle est plus ... comment dire, plus …

Barbara

Plus malheureuse.

Yvonne

Ah bon ! D'accord. Je l'ai toujours dit les enfants de divorcés ne donnent rien de bon. Je pense que si ton père m'avait trompée, j'aurais souhaité bonne chance à sa maitresse. De toute façon insupportable comme il l'était il y a peu de chance qu'elle ne l'ait pas laissé revenir.

Barbara

Il te manque papa ?

Yvonne

Tu veux que je te dise, quand ton père est mort j'ai rajeuni de 20 ans. A la fin je ne le supportais plus. Sa mort a été une libération pour moi.

Barbara

Henri est parti.

Yvonne

Il ne faut pas te mettre dans des états pareils ma petite fille. Il va revenir. J'aurais bien voulu que ton père prenne le large de temps en temps. Ça m'aurait donné le loisir de souffler un peu. Au lieu de ça je l'avais toujours dans les pattes à me dire ce que je dois faire ou ne pas faire. A la fin je n'avais qu'une envie c'était de l'envoyer balader.

Barbara

Je me rappelle tu levais les yeux au ciel.

Yvonne

Oui tu te rappelles.

Barbara

Maman je suis malheureuse.

Yvonne

Il ne faut pas parler comme ça ma chérie. Tu te rappelles comment ton père t'appelait quand tu étais petite ? Il t'appelait sa boulette parce que tu étais un peu ronde. Ton divorce l'a démoli. Il voulait que tu te remaries. Pour lui une femme seule ne vaut rien de bon. Je crois qu'il n'a pas tort.

Barbara

J'ai parfois l'impression que tu as projeté ta vie sur la mienne.

Yvonne

Peut-être.

Barbara

Ça t'arrangeait que je reste treize ans avec Loïc. J'étais souvent disponible et tu m'avais pour toi toute seule durant les grandes vacances. Je sais que papa ça l'aurait rendu fou.

Yvonne

Ce n'est pas faux.

Barbara

Henri n'arrêtait pas de me dire que j'avais raté ma vie affective.

Yvonne

Les évangiles selon Henri.

Barbara

Des fois je me dis qu'il a raison, mais ma priorité c'était Julie. Et puis elle me l'a bien rendu. Quand je rentrais le soir je savais qu'elle était là. Elle m'a permis de traverser des moments difficiles. Sa présence et son amour m'ont permis de surmonter les aléas de la vie. Sans elle je ne sais pas ce que je serais devenue.

Yvonne

C'est bien que tu t'en rendes compte.

Barbara

Tu te rappelles ce que disait papa une femme seule finit vieille et desséchée.

Yvonne

Il pouvait dire ce qu'il voulait, il avait quand même réussit à me rendre vieille et desséchée comme tu dis alors tout ça ne veut rien dire. Et puis tu vas peut-être rencontrer un autre homme si Henri ne revient pas. Ça ne dépend que de toi. En plus tu es jolie, tu fais du sport, qu'est-ce que tu veux de plus ? Il y a des femmes de ton âge qui aimeraient bien avoir ta silhouette.

Barbara

Je sais mais je n'ai pas de sein. Il m'en fait d'ailleurs souvent la remarque. S'il s'en foutait il n'en parlerait pas.

Yvonne

Profite de la vie. Pourquoi tu ne partirais pas seule pour une fois en voyage ? Ça te ferait le plus grand bien. Une sorte de voyage initiatique. Tu dois prendre de la distance. Tu as eu une année très difficile avec ta classe cette année. En plus tu as eu de graves problèmes  de santé, ne l'oublie pas. Tu ne peux pas te permettre de continuer ainsi. C'est peut-être une chance inespérée de repartir du bon pied. Dans chaque chose mal, il y une chose bien. C'est les grandes vacances, prend un billet pour Honolulu s'il le faut, mais pars. Pars pour apaiser ton âme, pars pour oublier tes problèmes, pars parce que on ne sait pas de quoi demain est fait. Tu reviendras le cœur léger. Et quoi qu'il arrive dans ta vie après, tu l'aborderas avec sérénité.

Barbara

Je te parle de mes malheurs, alors que toi ça fait plus de vingt ans que tu es seule.

Yvonne

Avec le temps on s'habitue. Mais toi tu es encore jeune tu dois profiter de la vie. Est-ce que ce garçon est bon pour toi ?

Barbara

Il a le même caractère que papa.

Yvonne

Oh mon Dieu !

Barbara

Tu m'as dit toi-même que j'avais rajeuni depuis que je suis avec lui.

Yvonne

C'est vrai.

Barbara

Le problème c'est que j'arrive à le blesser sans m'en rendre compte.

Yvonne

Ton père était dur mais je l'aimais.

Barbara

Même à la fin.

Yvonne

Je n'irais pas jusque-là.

Barbara

L'amour dure trois ans. Ça fait quatre ans qu'on est ensemble et ça fait un an qu'il ne m'aime plus. Le compte est bon.

Yvonne

Bon. Si tu veux je te propose qu'on parte ensemble en vacances. Comme ça moi ça m'évitera de partir avec mon amie atteinte de la maladie d'Alzheimer qui me dit bonjour Madame une fois sur deux quand elle me voit et toi ça te changera les idées. Qu'est-ce que t'en dit ?

Barbara

Ecoute oui pourquoi pas ?

Yvonne

J'avais prévu un stage de danse dans les Pyrénées, je vais les appeler pour te réserver une place. Par contre tu vas être avec des mamies et des papis.

Barbara

C'est bien ce qui me fait peur.

Yvonne

Fais pas cette tête tu vas voir ça va te rajeunir.

Barbara

Je te dis ça demain maman, d'accord ?

Yvonne

C'est ça réfléchis. Tu devrais te reposer un peu. Je te laisse. A demain.

Barbara

A demain maman. Rentre bien.

Yvonne

Et toi, ne pense plus à rien. Demain est un autre jour.


 

ACTE 4

Scène 1 – Barbara

Elle réfléchit, et décide de partir chez Henri lorsque le téléphone sonne. Elle décroche.

Barbara

Henri, ça va ? … Ça pourrait aller mieux. Je suis contente de t'entendre … Moi c'est mes côtes qui se rétrécissent j'ai l'impression que je ne peux plus respirer, ça me fait un drôle d'effet … Je ne sais pas si c'est une bonne idée de  partir en vacances ensemble, on devrait peut-être faire un break, comme ça tu verrais si tu tiens vraiment à moi … En deux jours j'ai rencontré personne non, et toi t'as bien dragué ? … Qu'est-ce que t'as compris ?... Tu ne te supporte plus, je sais je te l'ai toujours dit, qu'est-ce que tu veux que je te dise tu ne veux pas aller voir un psy. Le problème c'est que je ne sais pas comment réagir quand tu te mets en colère, tu me fais peur, je ne te reconnais plus et j'ai envie de fuir… Ne t'inquiètes pas pour moi je trouverais toujours quelqu'un chez qui aller au dernier moment, ma mère me propose aussi de partir avec elle … D'accord un mois pour prendre une décision … De préférence à la montagne … quelle genre de surprise ? … Demain matin à 6h40 à la Gare de Lyon, mais t'es complètement fou, il n'y avait pas d'autres trains, je n'ai même pas le temps de faire la couleur pour mes cheveux … A la dernière minute c'est normal que tout soit complet … Mais si ça me fait plaisir mais tu te rends pas compte je crois. Il y a deux jours tu m'envoies une lettre pour me dire que c'est fini et maintenant tu veux qu'on parte en vacances ensemble, faut te suivre … T'es comme ça, t'es comme ça. Et moi, tu penses à moi … Arrête de dire, « que je fais ma petite mère » ou je te raccroche au nez et tu partiras tout seul, c'est compris … Moi non plus j'ai plus envie de partir avec toi, comme ça on est quitte … Salut.

Elle raccroche le téléphone

Le téléphone sonne à nouveau, elle décroche

… Parle je t'écoute … Et toi tu crois que tu t'es entendu quand tu hurles au téléphone … Heureusement que c'est notre dernière chance … Tu ne vas pas me dire ce que j'emporte,  j'emmène mes produits de beauté si j'ai envie, tu me laisses tranquille avec ça, tu sais très bien que j'ai besoin d'avoir toutes mes affaires, et je suis assez grande pour porter mon sac toute seule, maintenant je te laisse parce que je dois préparer mes affaires.

Elle raccroche

 

Barbara

Au fait, on va où ?

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