Le Dernier Brûleur d'Étoiles : ch. 6

Sophie Val Piguel

Livre 1 : La Voix du Mirage, chapitre 6

Je me réveillai en sursaut. La lune et les étoiles avaient disparu, mais il ne faisait pas encore jour. Il me fallut quelque temps pour sortir de ma torpeur et cesser de trembler. Ainsi, j'avais seulement rêvé… Et pourtant, ce cauchemar m'avait semblé bien plus réel que d'habitude, plus encore que celui où j'avais eu l'impression de me trouver dans la peau du chat. Si vrai, si terrible…
Je posai la tête sur mon sac à dos et renonçai à réfléchir. Mes yeux papillonnaient, et je me rendormis.

Ce fut la pluie qui me tira de mon sommeil. Cette fois, je n'avais pas rêvé, et je me sentais un peu plus reposé. Je jetai un coup d'œil agacé vers le ciel gris où le soleil ne parvenait pas à percer. Comme je n'avais pas de montre, je ne savais pas du tout quelle heure il était. Je scrutai les alentours à la recherche d'un abri, mais n'en vis pas. Je me résignai à rester trempé et ouvris mon sac à dos pour y prendre les biscuits. Et c'est là que je remarquai que quelque chose d'anormal s'était passé.


Je me levai brusquement, le cœur battant à tout rompre. Mes vêtements étaient maculés de sang. J'enlevai ma veste, soulevai mon T-shirt et poussai une exclamation d'horreur : j'étais couvert d'hématomes et de contusions. Comment était-ce arrivé ? Cela pouvait-il avoir un rapport avec mon cauchemar ? Mon rêve était-il réel ? Mais si c'était le cas, comment expliquer que je me trouvais toujours dans le bois, exactement au même endroit que la veille ?


Je secouai la tête pour chasser ces questions de mon esprit. Il n'y avait qu'une seule explication. J'avais fait un cauchemar et j'avais dû me débattre dans mon sommeil. J'avais même pu être somnambule, et les marques sur mon corps avaient sans doute été faites par des branches. Si j'avais bougé cette nuit, j'avais très bien pu me cogner et tomber plusieurs fois.


Je décidai de marcher un peu pour oublier ces évènements étranges. Je ne savais pas quelle direction prendre ; j'étais complètement désorienté, et la pluie qui continuait de tomber réduisait considérablement ma visibilité. Je me mis tout de même en route. Qu'allais-je faire une fois sorti du bois ? Était-il déjà encerclé par les gendarmes ? Savaient-ils déjà que je m'y étais réfugié ?


« Ça ne sert à rien de te poser toutes ces questions », pensai-je. « Avance, et essaie déjà de sortir de là. Après, on verra. Chaque chose en son temps ».


Je marchai quelques heures durant sans faire de pause, et sans atteindre l'orée du bois. J'étais toujours couvert de sang, il pleuvait toujours, mais au moins, il ne faisait pas trop froid. Je me laissai finalement tomber sur un tas de feuilles trempées et mangeai un peu. Je me sentais terriblement seul et mal à l'aise. Il régnait dans le bois un silence oppressant, anormal.
Je n'entendais pas les oiseaux, il n'y avait pas un souffle de vent, et même les gouttes de pluie semblaient veiller à ne pas faire de bruit en s'écrasant sur le sol, les branches et les feuilles. J'avais l'impression d'être hors du temps, un peu comme dans un rêve.


Je repartis rapidement. Mon sentiment de malaise s'accrut au fil de mes pas. Pourquoi ce bois n'en finissait-il pas ? Je ne tournais pas en rond, j'en étais certain ; et pourtant, les arbres, buissons et bosquets paraissaient s'étendre à l'infini.


Je secouai la tête et passai les mains sur mon visage, tentant d'être rationnel. Le bois me semblait plus grand que d'habitude parce que j'étais fatigué et bouleversé par ce qui m'était arrivé ces jours derniers, tout simplement.
Il n'y avait aucune autre explication possible.

À la tombée de la nuit, je me trouvais toujours dans le bois. Il pleuvait encore ; une petite pluie particulièrement désagréable qui s'infiltrait dans mes vêtements tachés de sang et, maintenant, de boue et de terre. Je m'assis sous un arbre, jetai un coup d'œil agacé au ciel et grognai à son intention :


– Tu ne peux pas arrêter avec cette pluie, non ? C'est pénible à la fin !


Aussitôt, il cessa de pleuvoir. Je bondis sur mes pieds, le cœur battant la chamade.
« Une simple coïncidence. Ce n'est qu'une simple coïncidence », me répétai-je dans ma tête.
Cet évènement me coupa cependant l'appétit que la marche avait ouvert. Autour de moi, il me sembla entendre des murmures. Les feuilles des arbres bougeaient, les branches craquaient, et pourtant, il n'y avait pas le moindre souffle de vent. Je n'étais pas d'une nature spécialement peureuse, mais pas vraiment courageuse non plus. Alors qu'hier, la lune était presque pleine, le ciel de ce soir était complètement noir, et cette obscurité m'effrayait. Je m'allongeai mais gardai les yeux grands ouverts, les sens en alerte, à l'affût du moindre bruit. J'eus beaucoup de mal à trouver le sommeil.

– Lève-toi, Gwenvael. Réveille-toi, et viens me chercher, je t'en prie… J'ai mal…
– Je veux bien, mais qui me parle ? Qui es-tu, où es-tu ? Je t'entends, mais je ne te vois pas…
– Je suis ton cœur, Gwenvael…
– Je ne…
– Réveille-toi maintenant, tu es encerclé…


À suivre...

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