Le deuil
zero-janvier
Paris, 17 juillet 2009.
Il a suffi d’une soirée en l’honneur de l’anniversaire d’une amie de mon colocataire pour raviver le souvenir d’autres soirées similaires, celui des anniversaires du garçon qui a accompagné mon enfance et mon adolescence. Grégory. Mon premier ami. Mon premier petit ami. Celui dont j’ai l’habitude de dire qu’il m’a aidé à grandir, à m’accepter, à m’assumer, à être mieux dans ma peau, et donc à être celui que je suis aujourd’hui. Nous formions un petit groupe d’amis dont il était le trait d’union. Pour les cadeaux d’anniversaires ou de Noël, nous avions des habitudes qui me sont revenues en mémoire en découvrant les « rituels » pratiqués ou évoqués par le groupe ce soir. Rien de bien original, mais suffisamment marquant pour me replonger plusieurs années en arrière.
Cela fait plus de douze ans qu’il nous a brutalement quitté. Chaque année, le 7 mai, je me dis qu’il aurait eu vingt, vingt-cinq, trente ans, alors qu’en réalité il aura éternellement dix-huit ans. Les années ont produit leur effet sur moi mais je garde de lui le souvenir de ce jeune homme charmant tout juste sorti de l’adolescence ; c’est la dernière image qu’il me reste de lui. Cette idée un peu irrationnelle que le temps n’a plus de prise sur lui me trouble. Au fil des années, il m’est souvent arrivé de me demander comment il aurait réagi face à un événement de ma vie ou de l’actualité. Savoir qu’il n’a pas connu tout cela et que tout s’est arrêté pour lui m’angoisse, peut-être parce que cela me ramène à ma peur de ma propre mort.
Il m’arrive parfois d’imaginer ce que seraient aujourd’hui nos vies s’il était encore parmi nous. Serions-nous toujours aussi proches ? Sans doute. Que serait-il devenu ? Aurait-il réalisé ses ambitions, ses rêves ? Quel aurait été mon parcours avec lui à mes côtés ? Aurais-je fait les mêmes rencontres, aurais-je commis les mêmes erreurs ? Que penserait-il de mes amis ? Aurions-nous réussi à choisir entre amour et amitié ?
Lorsque je résiste à ces rêveries, il reste un bruit discret, presque silencieux mais toujours présent. Bien sûr, le temps a fait son oeuvre, la douleur n’est plus ce qu’elle était pendant les longs mois qui ont suivi sa disparition. J’ai réappris à vivre sans lui. J’ai fait d’autres rencontres, j’ai aimé et été aimé d’autres garçons. J’ai même la chance d’avoir à mes côtés depuis dix ans un ami qui a toujours été présent dans les bons et mauvais moments. Je ne suis pas malheureux. J’ai, simplement, toujours au fond de moi la nostalgie de cette relation si particulière et le regret de cette vie partagée avec lui que nous avions imaginée mais qui ne s’est pas réalisée. Je sais que jusqu’à la fin de ma vie je garderai le souvenir de son existence, le sentiment de manque, et l’impression d’être définitivement incomplet.
Incomplet ? Oui, incomplet. C’est le mot que je cherchais pour exprimer ce que je ressens inconsciemment depuis sa mort. Incomplet, comme ces deux êtres séparés dans la chanson « Origin of Love » dans Hedwig and the Angry Inch (ce qui explique pourquoi cette chanson m’a interpellé dès la première fois où je l’ai entendue).
Last time I saw you
We had just split in two
You were looking at me
I was looking at you
You had a way so familiar
But I could not recognize
Cause you had blood on your face
I had blood in my eyes
But I could swear by your expression
That the pain down in your soul
Was the same as the one down in mine
That’s the pain
Cuts a straight line
Down through the heart
We called it love.
« We called it love ».
On dit souvent qu’on se souvient toujours de son premier amour. C’est vrai.
incomplet, je comprends aussi... il y a comme de la détresse dans tout ça mais une petite lueur d'espoir aussi...
· Il y a plus de 14 ans ·lily-charles
Incomplet, je crois que c'est le mot juste...
· Il y a plus de 14 ans ·Ps:Si tu le souhaites, va voir le texte de Mandou, "psychose nocturne".
amouami