Les baies
My Martin
Dionysos
Joie Terreur
fils de Zeus et de Sémélé, fille de Cadmos
est la divinité du Vin et de l'Ivresse
Cadmos
-"celui qui excelle" ou "qui vient de l'est"- est un héros légendaire, petit-fils de Poséidon. Fondateur de Thèbes en Béotie (Grèce centrale). Il eut un rôle civilisateur : invention de l'alphabet, du travail des métaux, fondation de villes
Il personnifie l'influence orientale dans la Grèce centrale
Sémélé
-"vient de la terre"- est une divinité chthonienne, en relation avec les divinités infernales, avec la Terre- d'origine thrace
Zeus lui promit d'exaucer son souhait, or elle désira le contempler dans sa gloire divine. Il a donné sa parole, il ne put se récuser. Sémélé fut consumée par le foudre de Zeus
Juste à temps, Zeus arracha son fils au ventre de Sémélé, s'entailla la cuisse et le cousit à l'intérieur, pour qu'il puisse poursuivre sa gestation
Dionysos est né du feu divin. Il est le "Deux fois né"
Dans d'autres textes, Sémélé est une princesse thébaine, humaine. Dionysos -demi-dieu- serait alors né d'une femme et d'un dieu
Dernier dieu de l'Olympe, voire jamais vraiment admis parmi les dieux de l'Olympe
La Thrace est une région de l'Europe orientale, qui comprend
en Grèce, la Thrace occidentale
en Turquie, la Thrace orientale
en Bulgarie, la Thrace du Nord
Sauvage, riche en or et argent, elle fournit des mercenaires à l'armée
La vigne pousse naturellement sur les rives de la mer Noire
Sur ses côtes, les Grecs ont établi des colonies côtières
Dionysos vient de Thrace, son culte comporte des Mystères
Les Mystères -"initié"- sont un ensemble de doctrines ou de pratiques religieuses, que doivent seuls connaître les initiés
Il existait les Mystères d'Éleusis, Dionysos, Hécate, Déméter, Orphée, Isis, Cybèle, Mithra, ... Ces Mystères ont décliné, oubliés, alors que les Mystères de Dionysos ont prospéré, grâce à l'ambiance de fête et à l'art
Dionysos est un dieu complexe
dieu de la Végétation, symbolisé par le pin et le lierre
dieu de la Culture de la vigne et du figuier
dieu de la Génération, souvent représenté par un bouc ou un bélier - Dionysos "Phallen", qui a donné "phallus"
En Asie, la divinité hindoue Shiva -"le bon", "celui qui porte bonheur", dieu de la destruction / création- est représentée par un lingam -"signe", "phallus"-. Il conduit la manifestation à travers le courant des formes
Dionysos est suivi par un cortège délirant de Satyres, Silènes, Bacchantes
les Satyres -possible lien avec "singe" en arabe- sont des demi-dieux rustiques (cornes, jambes de bouc, queue), frères des nymphes
Silène est le génie phrygien des sources et fleuves. Il a des oreilles, des sabots et une queue de cheval. Il a été le père nourricier de Dionysos et le père des Satyres. Il a le don de la sagesse, qu'il cache. Vieillard grotesque, toujours ivre, monté sur un âne
Les Bacchantes sont les prêtresses de Dionysos. Tout d'abord ses nymphes nourrices, puis toutes les femmes de son cortège, Ménades -"agité de transports furieux"-, Thyiades -"furieux, s'élancer avec fureur"-, Éviades -"aller dehors, "s'échapper"-, ...
Le thyrse -"bâton"- est l'attribut symbolique de Dionysos et de ses compagnons, un long bâton surmonté d'une pomme de pin ou d'une touffe de feuilles
Des êtres hybrides, mi-humains, mi-animaux
Comme les dieux égyptiens, Horus (tête de faucon), Anubis (chacal), Bastet (chat), Sekhmet (lionne), ... pour s'identifier à une qualité de l'animal ou totem, ancêtre de la tribu, esprit protecteur
Le cortège est une survivance des temps anciens, les cultes se célébraient dans la nature, sans villes, sans temples. Les hommes s'assemblaient, s'enivraient, emportés par la transe, dans un délire mystique
Du cortège sont issus
la poésie dramatique
le dithyrambe -étymologie en allusion à la double naissance de Dionysos -, chant liturgique en l'honneur de Dionysos,
puis la tragédie -"chant du bouc", chanté au moment du sacrifice d'un bouc-, avec des textes splendides
Le culte de Dionysos a eu une influence considérable en Grèce, sur l'art et sur la religion ; il a contribué à l'instauration des Mystères
Les Dionysies étaient des fêtes en l'honneur du dieu, dans toute la Grèce ; l'occasion de processions grotesques et de banquets souvent orgiaques
A Athènes, ces fêtes étaient célébrées avec éclat. Elles comprenaient
les Oschophories -"je porte des jeunes pousses, des jeunes branches"-
les Anthestéries -"la fête des fleurs"-, surtout à Athènes, en février
les Lénéennes -du mot grec, "pressoir"-
les petites Dionysies champêtres, fêtes du vin en décembre
et les grandes Dionysies
Au cours de ces dernières, au printemps, pendant six jours, étaient organisés des concours de poésie et des représentations théâtrales. Au Ve siècle avant J.-C., chaque poète présentait une trilogie dramatique et un drame satyrique -pièce qui mettait en scène des Satyres)
Les Romains ont donné le nom de Bacchus (de "crier", comme les Bacchantes ou les ivrognes - ou de "Bakkhos", baies) au dieu grec, dieu du Vin et du Délire mystique ; le culte était souvent privé
Dans la religion publique, la personnalité de Bacchus s'est confondue avec l'ancien dieu rustique Liber Pater -"verser", dieu qui verse l'abondance, la prospérité. Dieu fade, Dionysos castré
Liber Pater présidait à la libération des composantes mâles et femelles de la nouvelle génération. Dieu de la fertilité des champs et de la fécondité des animaux. Son symbole est le phallus
Pour le philosophe Friedrich Nietzsche (1844-1900), l'élément dionysiaque représente l'instinct, la vie, la musique (art non plastique)
et s'oppose à l'élément apollinien -la sagesse, la pensée, la beauté de l'art (la plastique)
Les prêtres considéraient Apollon comme la partie immortelle de Dionysos
*
Le mythe de Dionysos
Sur l'ordre d'Héra jalouse, les Titans s'emparèrent du fils nouveau-né de Zeus, Dionysos, un enfant cornu, la tête couronnée de serpents. En dépit de ses transformations -en serpent, lion, taureau, bouc, cerf- ils le coupèrent en morceaux qu'ils firent bouillir dans un chaudron. Puis ils le dévorèrent -sauf le sexe, protégé à temps
Un grenadier surgit à l'endroit où le sang de Dionysos s'était répandu (la grenade est le symbole du sexe et de la cohésion sociale)
Mais secouru et reconstitué par Rhéa à partir du sexe, l'enfant fut réanimé
... la vigne est taillée en hiver - le cep de vigne est nu, comme mort - mais la végétation renaît au printemps
... Dionysos meurt puis renaît. Comme le feu repart depuis les braises
Le corps se corrompt, disparaît mais l'âme est éternelle, incorruptible
... en Égypte, Osiris fut découpé en morceaux par Seth. Isis reconstitua le corps (sauf le sexe, qu'elle façonna avec de l'argile et rendit vivant - puis elle fit l'amour avec Osiris pour recueillir son sperme). Elle momifia et ressuscita Osiris, souverain du Royaume des Morts
Lorsqu'il devint adulte, Héra reconnut Dionysos comme étant le fils de Zeus, en dépit de son allure féminine due à son éducation. En effet, habillé en fille, il fut caché et élevé par les nymphes Hyades -nymphes des pluies-, pour le préserver de la colère d'Héra
Héra le rendit fou. La folie est souvent présente dans le mythe de Dionysos
La jeunesse du dieu fut marquée par le feu -la foudre de Zeus, feu du ciel-, la terre -Sémélé -, les pluies -les nymphes Hyades- ; tout ce qui permet à la vigne de se développer
Dionysos parcourut le monde, accompagné de son précepteur Silène et d'une armée de Satyres et de Ménades vociférants, dont les armes étaient un bâton enroulé de lierre, surmonté d'une pomme de pin, appelé thyrse, des épées, des serpents et des rhombes destinés à semer la terreur
Le thyrse est l'attribut symbolique de Dionysos et de ses compagnons, long bâton surmonté d'une pomme de pin ou d'une touffe de feuilles. Le pin et le lierre, toujours verts, ne semblent pas perdre leurs feuilles ou aiguilles
Dionysos a d'autres attributs, les fruits du grenadier qui mûrissent en hiver, le figuier qui révèle la vie cachée, la présence des sources
Les Ménades, hurlantes, déliraient, folles de vin. Elles mettaient en pièces les animaux sauvages qu'elles croisaient, dévoraient les lambeaux de chair crue, sanglante
Oh, combien sont doux les chants et les danses sur la montagne
Et la course folle.
Oh, combien il est doux de tomber, épuisée sur la terre,
Après que la chèvre sauvage a été pourchassée et rejointe.
Oh, la joie de ce sang et de cette chair rouge et crue.
Saisir la proie à la gorge, broyer jusqu'à ce que le corps s'abandonne. Déchirer la chair, boire le sang
XIIIe siècle - Amérique du Nord, Amérindiens - région centrale de Mesa Verde - des traces d'un festin cannibale ont été découvertes (restes de sept corps, sans rites funéraires) - à la suite d'un période de chaos social (pic de violence entre 1275 et 1285), de sécheresse, de famine ?
Jusqu'au XVIe siècle, époque précolombienne - les peuples amérindiens pratiquaient les sacrifices humains : les Mayas, les Aztèques ouvraient la poitrine des sacrifiés avec un couteau de silex ou d'obsidienne et arrachaient le cœur palpitant, en offrande à leurs dieux
La chair du sacrifié était une nourriture sacrée réservée à l'élite (le cœur était mangé par les prêtres, les cuisses par l'empereur, ...)
XIXe siècle - Océanie, îles Marquises et Salomon - les affrontements entre tribus étaient fréquents, les ennemis vaincus de guerre étaient tués et mangés
Dans la religion catholique, lors de la messe, sont consacrés le vin et le pain (eucharistie). Vin -sang du Christ- que boit le prêtre, hostie - corps du Christ- que reçoivent les fidèles
Les rites rassemblent les hommes, façonnent leur identité. Elle se constitue par strates, autour d'un noyau de vide. La personne, le masque
Les rites s'impriment dans la chair ...
par la circoncision,
par le tatouage,
Ötzi, "l'Homme des Glaces" (2700 ans avant J.-C., Âge du Bronze)
les momies égyptiennes (Deir el-Médineh - la prêtresse d'Hathor -la Vache sacrée- ou la magicienne, 1200 ans avant J.-C. - représentations animales)
les Maoris, en Nouvelle-Zélande
Les dieux se sédimentent par les rites, puisant leur énergie dans la dévotion des hommes. Ils naissent, fusionnent, meurent, renaissent sous d'autres formes. Leurs mythes arborescents bourgeonnent, croissent jusqu'à devenir illisibles
"Ils laissent parfois sortir de confuses paroles"
Charles Baudelaire
Dionysos est double -comme tous les dieux-, il apporte la joie et la terreur. Comme le vin, qui est un élément de plaisir, de fête mais provoque la dépendance, la violence, la démence
Lui dont les boucles sont cerclées d'or
Bacchus empourpré,
Compagnon des Ménades
A la torche enflammée.
Lui qui avec un rire moqueur
Pourchasse sa proie
Et avec ses Bacchantes
La traîne en ricanant à sa mort.
Dionysos voyagea sur son char tiré par des panthères (Égypte, Libye, Inde, ...). Il dota de nombreuses régions de lois et fonda des villes. Il enseigna aux hommes la culture de la vigne et la production du vin
Lorsqu'avec le vin de Dionysos
Les soucis qui rongent les hommes
Quittent tous les cœurs.
Nous voyageons alors vers un pays qui n'a jamais existé.
Le pauvre devient riche, le riche devient généreux,
Les conquérants du monde sont des flèches faites du bois de la vigne.
Partout il fut honoré, hormis de retour dans son pays
"Les Bacchantes" - tragédie d'Euripide, en 405 avant J.-C.
le sujet s'inspire de la mort de Penthée, roi de Thèbes. Il fut mis en pièces par les Bacchantes pour s'être opposé à l'introduction du culte de Dionysos
Les chœurs comptent parmi les plus beaux textes de la tragédie grecque
Dionysos est l'Autre, l'Étranger. Il enseigna la vigne, le vin, que ne connaissaient pas les Grecs. Le vin semble venir de Crète -"oinos", le vin, est un nom crétois.
Dans leurs rites, les Grecs utilisaient la bière, pour s'enivrer, pour provoquer la transe
Rhéa -sa grand-mère, mère de Zeus- purifia Dionysos des nombreux meurtres qu'il avait commis pendant sa folie et l'initia aux Mystères.
Dionysos ira rechercher sa mère Sémélé -qu'il n'a pas connue- aux Enfers. Pour prix de sa liberté, il offrira un cadeau de myrte à Perséphone - épouse d'Hadès, déesse du monde souterrain. Il conduira Sémélé -désormais immortelle- parmi les dieux de l'Olympe (sous le nom de Thyoné -lié à des noms ou surnoms de Dionysos)
Héra se résignera
*
...
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin !
...
Ma sœur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves !
Charles Baudelaire, « Le vin des Amants »
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