Le dimanche, si c'est vraiment le dernier jour de la semaine

sbeno

Le dimanche le temps passe si lentement. Le dimanche on pense, on réfléchit, on se remémore. C’est pas qu’on en a vraiment envie, c’est juste qu’on peut pas faire autrement.

La journée du dimanche est longue et lourde. Ca me pèse dans la tête. Ils m’oppressent, les souvenirs. Ils me renvoient en arrière, sans cesse, ça ne s’arrête plus de me tirer vers mon passé. Si douloureux. Que j’aimerai tant effacer d’un coup de pinceau. Un peu de bleu, un peu de blanc, un peu de vert et colorier comme un gamin le dessin, fait main, de couleurs vives et rayonnantes. Inonder le tableau imparfait de mon passé à coup de javel, et lui donner ma couche de couleur à moi.

Le dimanche, pour re-colorier ma vie, j’achète une bouteille de rouge vif. Je quitte mon épicier, il me propose un sac plastique, je le refuse. Ma bouteille à la main, je déambule dans la rue et me dirige vers mon chez moi. Et quand j’essaie d’insérer mon doigt dans le cul de la bouteille, comme on fait dans les grands restos, pour mieux la retenir entre mes mains, je me rends compte qu’elle est plate. Je vérifie sur le bouchon qu’il s’agit bien d’un vin de récoltant. Je m’arrête net.

Je pense à toi. Au fond de tes nuages. Je regarde le ciel, du plus bas de ma terre. Est ce que tu y es bien là haut, enfin ? Est ce que tu y manges bien ? Je sais que tu aimais les plats Thaïlandais, bien préparés, bien mijotés. Tu te rappelles encore ? On en avait dégusté entre deux coups de fil dans le bureau rue de la Chine. Tu m’avais l’air bien mal en point.

Tu le cachais bien. Tu m’avais enseigné l’art du vin. Une semaine, ça m’avait suffit à comprendre qu’un bon vin c’est une bouteille creuse et le signe « R » tamponné sur le bouchon, tout en haut, là haut, de la bouteille. Récoltant. Et voilà c’est tout. Ca m’avait suffit. Tu m’avais appris à être ou ne pas être. Comme ci, ou comme ça. Tu m’avais confié ce que je savais déjà : il est dur ce métier, tu verras…

Alors, j’ai appris.

Et puis, j’ai lancé une pensée, dans des nuages que j’avais désignés au hasard de la journée. Je ne savais pas bien s’il fallait m’adresser à notre bonne vieille terre plutôt qu’au ciel. J’ai préféré les nuages, c’était plus poétique.

Heureusement, le dimanche, vient le soir. Heureusement, le dimanche, on fait une surprise à Ben et on l’emmène diner chez l’Africain. On vient fêter la vie qui passe. Y en a pas beaucoup des cadeaux mais c’est pas bien grave. Et finalement, c’est presque que des fleurs, il aime tellement ça. A table, on rit, on s’échange les places, on mange bien et on boit pas trop. On chante joyeux anniversaire, on tape des mains, on sourit, je te regarde.

Tu es heureux, enfin.

On s’en va boire un dernier verre, là où parfois tu travailles. Ici, c’est un peu chez nous. On se met au comptoir, on se servirait presque directement au bar… On se colle un shot. Paf, Tequilla, citron vert. On s’en colle un deuxième, dans la foulée pour pas partir le ventre trop vide.

Le dimanche soir, si c’est bien la fin de la semaine, si c’est encore l’hiver, si je me rends compte que je pourrais écrire toutes les semaines de ma vie sans jamais m’en lasser, c’est ma vie qui continue encore et toujours. C’est ma vie que j’écris pour que jamais elle ne s’éteigne.

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