Le foyer des Lettres
Yeza Ahem
Vieux bonhomme, il a la fougue, l'excentricité et le goût du changement de la jeunesse qu'il côtoie. Sa fougue, on la voit par toutes ses activités, plus ou moins organisées. Le vieux est toujours accueillant, prévenant. Son excentricité, on la distingue à ses tatouages variés qui laissent peu de place pour voir la réalité de ses rides, fissures dans ses murs. Et puis il y a aussi ses accessoires : objets de récup', disparates, améliorés, déplacés, tellement mouvants qu'on y lit le goût du changement du vieux.
Le vieux est un repère stable, fiable. Les anciens l'indiquent aux nouveaux, le conseillent pour les moments de rencontre, pour avoir chaud au cœur de l'hiver, pour jouer, pour manger, pour dormir... Bref, pour partager un moment de vie, pour ne pas être seul. Car lui, le vieux, ne l'est jamais, seul. Il en oublie le temps qui passe, qui l'use, qui le rend dépassé aux yeux de ceux qui ne le connaissent pas, ou alors que de nom, de loin : vieil excentrique toujours entouré, un peu envié car vraiment aimé.
Le vieux refuse d'y penser, continue comme si de rien n'était, mais il sait. les oiseaux de la mort, aux crocs de fer, se rapprochent, le guettent. Ils se rapprochent. Parfois, le matin, quand le silence l'entoure encore, le vieux commence à percevoir leurs cris, moins lointains que la veille, plus que ceux du lendemain. Un jour, bientôt, ce sera son tour d'être dévoré, broyé, rendu à un état de déchet sans vie, à évacuer sans un regard. Mais le vieux n'a pas peur, il s'en fout même parce qu'il sait que son âme, elle, renaîtra ailleurs. Un jeunot il sera, visité peu à peu autant que le vieux. Il deviendra alors le même fougueux, excentrique et mouvant vieux, juste un peu plus... et un peu moins... Bref, différent mais toujours accueillant.
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