Le jeudi, s'il fait vraiment gris

sbeno

Le jeudi c’est délicat.

Il me fallait bien un peu de tracas. 

Dès le matin, ça commence mal. Faut pas fouiller dans les portables.

On se parle, se regarde.

On s’enlace, on se colle, on s’embrasse. Un peu de réconfort, pour une journée qui s’annonce vide et froide.

Le jeudi, si le gris pourri de Paris, ne me lâche plus la grappe, je réfléchis à ma vie. Journée Psy. L’auto-analyse me rend marteau. Je tourne en rond dans ma chambre-salon, à voir des meubles qui s’en vont. Je pense à la suite. A l’appartement que bientôt je quitte. A Beny, aux soirées dans mon lit. Je pense. Mélancolie. Et je pense aux filles.

C’est pas tant qu’on s’attache aux objets, c’est pas tant qu’on l’aimait vraiment son bidet, c’est juste les années qui passent et s’enfuient. 

Le jeudi, si c’est vraiment pourri, si on a vraiment pas envie d’être ici, on va se faire une toile avec des amis.

Tintin, de Spieblerg, il paraît que c’est vraiment un très mauvais film. Mais voilà renouer avec son enfance, quel meilleur remède que celui-ci, pour se rabibocher avec Jeudi. Heureusement que Milou était là, sans lui je me serais endormie, un peu comme mon amie sur mon épaule, juste à ma gauche.

Après la séance, on traine dehors. Comme des loubards, on part. Direction Mc Do. On se tape un burger chacune, en pleine après midi. Le jeudi, il n’y a plus de règle, je fais ce qui me plait. Si vraiment j’ai envie d’errer avec Bé, si j’ai vraiment envie de savoir ce qui tourne pas rond chez moi, je lui demande de m’aider. On marche dans la rue qui monte, monte, je m’essouffle vite. Elle m’analyse et je m’enlise. Je perds pieds, heureusement, on est arrivées.

Quand elle referme l’appartement d’Aurélie, encore une autre amie, elle vérifie cent fois que la porte est bien fermée. Me confie que parfois, elle se filme pour garder une preuve.

On attend l’ascenseur.

Il est déjà l’heure de me demander ce que je pourrais bien faire encore, pour que Jeudi ne reste pas si gris.

Je la suis, elle me conduit, au vernissage de  sa sœur.

Je ne connais personne et c’est très bien comme ça. Je me penche longuement sur les toiles colorées, plaquées dans le béton armé. 

Je découvre Milou dehors, qui m’a suivi depuis le cinéma de l’après midi. Et tintin qui a bien vieilli. La barbe longue, lunettes plongeantes, il me conseille vivement le premier film de Spielberg. Mon Iphone gardera son titre en mémoire, la mienne est pleine de souvenirs encore. Mon appartement n’a pas quitté mes pensées de la journée.

Si le jeudi soir, je rentre bien en moto, si le jeudi, la nuit, je perds bien 1°C par kilomètre heure, si je vois bien défiler les années à toute allure, l’horizon se présente devant moi et la vie continue encore et toujours.

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