Le jour où j'ai choisi le Bonheur.
francesyl
Dans cette quête éperdue d'Amour, je ne pensais pas rencontrer au détour d'une piste de boîte de nuit (car on n'allait pas encore à cette époque en « club ») ce qui serait l'Amour de ma vie; car il faut bien dire que malgré le charme indéniable que donnait l'alcool, à toutes personnes croisées, les conversations partagées après plusieurs verres ne relevaient pas du plus intéressant des contenus.
Et bizarrement, il était à l'opposé de ce que je me représentais de l'homme idéal, étant plutôt à la recherche d'un rebelle aux cheveux longs (ou rebelle tout court), aux allures de Jim Morrison (icône absolue de mon adolescence), qui m'aurait emmené dans sa vie de bohème.
En effet, avec son look de playboy des années 90, la vie de bohème semblait bien loin de son quotidien, puisque visiblement chaque détail était millimétré (les lunettes bien calées sur la tête, le polo rose pâle parfaitement ajusté et le 501 idéalement taillé pour ses petites fesses musclées).
Mais à force de regards croisés et de contacts sur la piste de danse, il faut croire que c'est le destin qui s'est chargé de notre rencontre ; car au-delà des apparences rien ne laissait présager une histoire d'Amour, il n'était pas de la région, il était plus âgé, sportif et clairement nous n'avions rien à partager ! Mais je crois que c'est cette image de solidité, autant physique, qu'intellectuelle, qui m'a rassurée.
Et, après quelques baisers échangés, jusque-là rien de bien différent de mes autres conquêtes, il m'a appelé, a rappelé, il a cherché mes coordonnées et a engagé les premiers pas de notre belle aventure.
Et puis, tout a été très vite entre nous, mon naturel impatient et excessif, menant le rythme toujours plus rapide vers ma vie de femme adulte.
Nous avons passé les six premiers mois inlassablement collé l'un à l'autre, avec cette sensation de trouver cet Amour puissant qui chasse les tracas du passé et qui vous donne cette impression de sécurité, comme un rempart aux flots de mauvaises pensées jusqu'ici accumulées.
Car, pour lui aussi, l'amour avait été distillé à petites doses, ses parents étant plus préoccupés à se déchirer qu'à lui consacrer du temps, et lui aussi s'était souvent senti mis à l'écart, comme pour mieux laisser la place à la nouvelle vie que sa famille éclatée avaient choisi de se recréer.
Alors nos cœurs se sont reconnus, retrouvés et nous avons comblé petit à petit les manques passés.
Mais, il m'a fallu abandonner ma vie d'adolescente, et son lot de soirées arrosées, toujours bien accompagnées, ces soupirants auprès de qui j'aimais butiner, et tester mon charme enfin retrouvé et faire le choix de se donner totalement et uniquement à Lui. J'ai fait ce choix, je l'ai choisi Lui, Lui et nos différences, Lui et son cœur endurcit par la vie.
Cela impliquait pour moi, de tout changer, abandonner mes études, mais de toute façon je ne les avais pas choisies, abandonner ma famille, mais finalement ils m'avaient toujours laissé à l'abandon, abandonner ma région, mais à 19 ans qui se sent réellement attaché à ses racines, et tout quitter, avec l'impression que tout pouvait repartir à zéro, en oubliant ses bases bancales.
Alors, nous avons pris la direction de notre nouvelle vie commune, et nous nous sommes engagés dans le tumulte que deviendrait notre quotidien.
Car, il ne savait pas en m'emmenant, que je n'étais pas complètement seule, que je trimballais avec moi ce Double qui m'envahissait régulièrement et me prenait en otage, pour me piloter vers l'autodestruction.
Les débuts de cette nouvelle vie, que je considérais comme être une vie d'adulte, où il fallait se débrouiller seule, ne plus dépendre financièrement de ses parents, gérer le quotidien, les factures… ne furent pas merveilleux sur le plan financier. Car sans formation particulière, et avec aucune idée de ce que j'avais envie de faire, autant dire que trouver du travail n'a pas été simple, si on considère en plus ma toute récente sociabilisation et ma grande timidité.
Alors, j'ai saisi la première opportunité et me suis retrouver à vendre des fringues, pour pouvoir payer notre loyer ; je vous laisse imaginer à quel point je m'éloignais encore de mes contes de fées !!!
Mais, nous nous aimions à ne plus pouvoir sortir de notre petit nid, à ne plus avoir envie de partager autre chose que nos corps, à ne plus finir de nous découvrir et Dieu que c'était bon.
Mais, il a finalement découvert le Double, celui qui ne pouvait rester cacher plus longtemps, l'Amour lui ayant peu à peu laissé de la place ; alors, il n'a pas immédiatement compris, mais il ne m'a jamais jugé et a tout mis en œuvre pour m'aider. Mais comment lutter, quand un système est verrouillé de l'intérieur, quand le cerveau a remplacé certains manques par une compulsion si forte, qu'elle vous occupe toute la journée.
Il ne pouvait supporter, mais je ne pouvais arrêter, alors j'ai eu envie de le laisser, de revenir à cette vie d'avant, où personne ne savait, où je pouvais tranquillement bouffer, et bouffer encore.
Contre toute attente, il m'a retenu, il m'aimait vraiment et connaissant peu ce sentiment, j'avais du mal à y croire, mais j'ai décidé d'essayer, je me sentais tellement rassurée.
Il a finalement pris notre vie en mains, et dans le même temps mon corps émettant de graves signaux d'alertes, et a enclenché le processus vers une prise ne charge médicale, qui m'a permis de me rendre à l'évidence, j'avais un gros problème.
Alors, me voilà affublée de ce truc que je croyais maîtriser, mais qui, aux dires des médecins et autres psy, me contrôlait, j'étais « boulimique ». Il me faudra un certain temps pour accepter cette évidence.
Par ailleurs, il fallait informer mes parents, car mon médecin envisageant un traitement de choc, par enfermement de 7 semaines, je n'avais d'autre choix que de leur avouer ce qu'ils n'avaient jamais voulu voir.
Comment relater, ce moment si étrange, où vous venez de découvrir que vous ne vous maîtrisez plus complètement, que vous êtes affaiblie physiquement ayant finalement réussi à être « plus » que mince et où vos parents vous demandent d'arrêter (mais enfin comment est-ce possible, quelle idée ???), allant jusqu'à mettre en doute la parole des médecins, et semblant légèrement vous regarder comme une taré. Effet attendu instantané, le sentiment d'abandon passé ressurgit encore plus fort, amplifiant immédiatement les effets de mon mal.
Mais Lui était là, et il m'emmena loin d'eux, pour me réconforter et tenter de m'armer avant l'enfermement ; la pire chose que j'ai vécu, et encore aujourd'hui je me demande si cette solution m'a aidé ?
Rapide résumé de ce moment, où il a fallu se retrouver seule face à soi, face à son problème, à ses angoisses, et comprendre, analyser, pour reprendre le cours d'une vie normale ou la normalité est que nous mangeons pour vivre et pas l'inverse. Sept semaines, sous surveillance, sortie interdite, juste un parc où d'autres malades errent, repas inspectés, pas d'accès aux toilettes, un sordide « seau » permettant la vérification, aucune visite, séances de psy et pesées régulières. Avec quand même des rencontres, des liens tissés avec d'autres filles comme moi, plus mal que moi, et la découverte de pistes permettant de comprendre Pourquoi ?
Ayant constaté que mangé normalement, n'allait pas me faire revenir vers ce corps d'avant, je pris le pli imposé et compris aussi que si je voulais Le retrouver il fallait être docile, pour enfin sortir.
J'ai retrouvé mon Amoureux et notre petit quotidien, mais toujours sans ambition et pas du tout épanouie dans mon job, mes travers ne mirent pas longtemps à ressurgir et je me laissais à nouveau aller vers ce Double.
Cette fois par ailleurs, il a fallu être beaucoup plus discrète et vigilante pour ne pas l'alerter Lui et surtout garder ma liberté.
Et puis, la vie m'a fait un magnifique cadeau, en faisant pousser en moi une petite boule d'Amour, en faisant grandir dans ce corps que je détestais tant, un petit être à qui je pourrai donner tout l'Amour qui m'avait manqué. Enfanter pour se guérir, pour exister, pour sentir que malgré l'acharnement à me détruire, je pouvais espérer construire une famille ?
Instantanément, je l'ai aimé, et je pense qu'il m'a sauvé, que pour lui j'ai lutté contre mon Double, même si je me laissais régulièrement tenter et replongeais dans mes orgies de « bouffe ». Par ailleurs, la grossesse a l'avantage, que plus vous êtes ronde, plus on vous trouve belle ; je pouvais enfin m'épanouir ; et ces neuf mois furent merveilleux, levant toutes mes angoisses, et me laissant totalement sereine ; le contre coup serait d'autant plus difficile !
Car effectivement, l'accouchement et la rencontre avec cet enfant tant désiré, ont formé un Tsunami d'émotion et de bouleversement, que la jeune femme fragile que j'étais ne pouvait absorber.
Alors, passé les trois premiers mois d'émerveillement et de fusions avec mon fils, me voilà sans raison apparente, catapultée dans un trou noir, dans un cauchemar permanent où chaque minute de ma vie était souffrance, avec l'insupportable sensation d'étouffer de ne plus pouvoir réfléchir… Je basculais, dans ce que je ne comprendrais que longtemps plus tard, comme étant une dépression post-partum terrible !
Comment décrire cet état de mal être, où vous avez l'impression de devenir « folle », de redouter la mort chaque jour, de faire des crises de panique si puissantes, que vous vous sentez mourir ! Je n'avais plus goût à rien, je me détestais par-dessus tout et j'essayais de toutes mes forces d'aimer mon fils, pour ne surtout pas reproduire en lui se sentiment de manque d'Amour…
Lui a lutté tant bien que mal avec moi, il m'épaulait, m'aimait mais je ne parvenais pas à lui donner quoique ce soit en retour, il a tout supporté, tout acceptée et j'en suis toujours étonnée !
Alors que faire ? combien de fois me suis-je posée cette question, pourquoi moi, comment tout cela m'était arrivé ? L'heure n'était clairement pas aux questions et à l'analyse de la problématique, mais à sauver sa peau et sa famille, alors comme précédemment, la solution la plus simple était de changer d'air, de prendre le large, pour recommencer ailleurs, loin de tout ce passé qui chaque jour se rappelait à moi.
Nous avons choisi par ailleurs de mettre beaucoup plus de distance cette fois, de s'exiler complètement et les tropiques s'imposèrent à nous comme l'endroit idéal pour abriter les débuts de notre nouvelle vie, et réchauffer mon cœur tellement abîmé.