Le lion et le corbeau

nemo

Un jour, le roi Lion vint à manquer d’argent,
Ce fait est fort honteux et même dérangeant
Surtout lorsqu’on est un monarque !
Il manda son Conseil, digne fils d’Aristarque,
Et tint à peu près ce discours :
– Il m’est peine de voir l’état de ma cassette ;
Des taxes, des impôts, où donc est la recette ?
Tous mes ministres sont-ils sourds ?
Ce n’est point trop, Monsieur, je pense,
Que de vous réclamer mon dû !
Faudra-t-il donc que je vous tance ?
Ne m’avez-vous point entendu ?
Ah ! je vous vois ici placide
Alors que mon Trésor est vide,
Est-ce qu’il vous plairait de me mettre au tombeau ?
– Sire, il est vrai, dit le Corbeau,
Que nous connaissons aux Finances
Pour l’instant des difficultés,
Un manque de liquidités
Pour faire honneur à vos dépenses ;
Et nous pensons qu’il conviendrait
De les réduire tout d’un trait…
– Monsieur, de tels propos, je ne puis les comprendre !
Il me déplaît de les entendre
De la bouche d’un serviteur.
Se pourrait-il que mes ministres
Soient devenus de simples cuistres,
Manquent à ce point de hauteur ?
Je vais leur accorder une ultime ressource :
Je veux – vous entendez ? – je veux
Qu’ils satisfassent à mes vœux…
Et qu’ils alimentent ma bourse.
Mais s’ils ne veulent obéir,
Il n’est point de contrepartie, 
Ils finiront à la Bastille.
– Oh ! Sire, il n’est pas bon de vouloir les punir,
Car ils ne sont pas responsables
Si les manants sont incapables
De payer la dîme à l’État.
Ils sont – j’en ai fait le constat –
Comme tout un chacun, victimes de la crise.
– Diantre ! Il ne me chaut de cela,
Car ma décision est prise.
Telle est ma volonté, dès lors, acceptez-la.
– Oh ! j’entends bien votre réplique,
Veuillez, je vous en prie, écouter ma supplique :
Majesté, votre peuple a faim ;
Il n’est pas un seul jour qui passe
Sans qu’un pauvre homme ne trépasse…
– Monsieur, allez-vous mettre fin
À d’aussi longues litanies ?
Il suffit de vos avanies !
Le peuple est semblable aux troupeaux
De bêtes moutons qu’il faut tondre,
Il est tout couvert d’oripeaux
Qu’avec la fange on peut confondre.
Si je voulais les écouter
Il pourrait fort bien m’en coûter
Car ces gueux se paieraient ma tête
Et ce serait un jour de fête.
Levez des impôts et taxez,
Nous n’en aurons jamais assez !
Moralité :
Qui prend conseils comme comptine
Voit poindre au loin la guillotine._

Un jour, le roi Lion vint à manquer d’argent,
Ce fait est fort honteux et même dérangeant
Surtout lorsqu’on est un monarque !
Il manda son Conseil, digne fils d’Aristarque,
Et tint à peu près ce discours :
– Il m’est peine de voir l’état de ma cassette ;
Des taxes, des impôts, où donc est la recette ?
Tous mes ministres sont-ils sourds ?
Ce n’est point trop, Monsieur, je pense,
Que de vous réclamer mon dû !
Faudra-t-il donc que je vous tance ?
Ne m’avez-vous point entendu ?
Ah ! je vous vois ici placide
Alors que mon Trésor est vide,
Est-ce qu’il vous plairait de me mettre au tombeau ?
– Sire, il est vrai, dit le Corbeau,
Que nous connaissons aux Finances
Pour l’instant des difficultés,
Un manque de liquidités
Pour faire honneur à vos dépenses ;
Et nous pensons qu’il conviendrait
De les réduire tout d’un trait…
– Monsieur, de tels propos, je ne puis les comprendre !
Il me déplaît de les entendre
De la bouche d’un serviteur.
Se pourrait-il que mes ministres
Soient devenus de simples cuistres,
Manquent à ce point de hauteur ?
Je vais leur accorder une ultime ressource :
Je veux – vous entendez ? – je veux
Qu’ils satisfassent à mes vœux…
Et qu’ils alimentent ma bourse.
Mais s’ils ne veulent obéir,
Il n’est point de contre-partie,
Ils finiront à la Bastille.
– Oh ! Sire, il n’est pas bon de vouloir les punir,
Car ils ne sont pas responsables
Si les manants sont incapables
De payer la dîme à l’État.
Ils sont – j’en ai fait le constat –
Comme tout un chacun, victimes de la crise.
– Diantre ! Il ne me chaut de cela,
Car ma décision est prise.
Telle est ma volonté, dès lors, acceptez-la.
– Oh ! j’entends bien votre réplique,
Veuillez, je vous en prie, écouter ma supplique :
Majesté, votre peuple a faim ;
Il n’est pas un seul jour qui passe
Sans qu’un pauvre homme ne trépasse…
– Monsieur, allez-vous mettre fin
À d’aussi longues litanies ?
Il suffit de vos avanies !
Le peuple est semblable aux troupeaux
De bêtes moutons qu’il faut tondre,
Il est tout couvert d’oripeaux
Qu’avec la fange on peut confondre.
Si je voulais les écouter
Il pourrait fort bien m’en coûter
Car ces gueux se paieraient ma tête
Et ce serait un jour de fête.
Levez des impôts et taxez,
Nous n’en aurons jamais assez !
Moralité :
Qui prend conseils comme comptine
Voit poindre au loin la guillotine.
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