Le martyre d'un tube - 2 -

scribleruss

Objets inanimés avez-vous donc une âme .

-  2 -

_

   Irène haussa les épaules, les hommes et leur maudit sexe !. Mais non c'est le tube, le tube de dentifrice t'as vu comme tu le pressais incongrûment, comme tu lui appuyais sur le ventre ...

   -   !!!! ???

  -   Oh ! ne roule pas des yeux comme ça, oui le tube, je parle du tube dentifrice, le tube dentifrice tu as vu comment tu le martyrisais et de manière indécente, on eût dit que tu le branlais !

   -   Quoi ! je branlais le tube dentifrice... ! branler ! quels mots vous prononcez Madame et quel dommage !

   -   Je t'en prie ne me regarde pas ainsi avec tes yeux de hareng-saur ! enfin oui un tube dentifrice ça se respecte, on l'accompagne, on le caresse, on ne le pressure pas comme tu l'as fait l'écrasant à lui crever le ventre ...

   Jean-Gilbert regarda sa femme, elle devient folle, mais tu es folle ! ça y est tu glisses, tu sombres vers la démence sénile ... 

   Mais Irène ne désarme pas.

   Irène prend le tube. Je vais te montrer dit-elle.

  Elle montre. Elle prit délicatement le tube dentifrice entre son pouce et son index de la main droite puis de la main gauche dévissa doucement le bouchon et pressa le tube avec attention.

  Elle suivit la montée de la pâte et en régula la sortie, un segment de coulis couleur menthe à l'eau montra le museau et cligna de ses petites molécules. Elle l'étendit sur le poil blanc et dur de la brosse qu'elle rendit à un Jean Gilbert ahuri et reposa le tube ...

   -   Tu vois mon gros, comment l'on doit traiter un tube dentifrice comme une amante, avec douceur, point n'est besoin de l'éventrer et de prendre le risque de gâcher la pâte, de lui donner des bleus ... Moi si je t'appuyais, si je pesais comme une malade sur ta graisse, tu gémirais comme une truie.

  Jean-Gilbert ne broncha pas, Irène devenait folle. Ces mots, ce langage de charretier n'étaient pas les siens...

   Elle poursuivait le regard comme perdu vers ces songes intérieurs que l'on n'achève jamais.

   -   Si je te tripotais vigoureusement et sans égard tu hurlerais.

   -   Tout dépend. Je pourrais dire hum ! oui, encore, j'aime ah, encore, mais j'ai oublié le goût de tes doigts !

    Irène ne commenta pas et sortit. Jean-Gilbert prit le tube à son tour un peu cabossé par les malaxages qu'il venait d'éprouver et le pressa à nouveau. Il le lissa, qu'il était doux sous ses doigts et il s'appliqua cette fois à rééquilibrer la pâte à l'intérieur du tube qui retrouva la plénitude d'un corps joliment dense et aminci qu'il se surprit à caresser.

    Ce tube entre ses doigts, qui se mouvait tendre, malléable, doux, l'apaisait, Jean-Gilbert éprouva même un instant durant au creux de son être, de son sexe même comme un suave frisson, une douce érection... oh même ...

    Il se retourna, Irène n'avait pas fermé la porte de la salle d'eau...

   Objet inanimé avez-vous donc une âme, Jean-Gilbert Cramoiseau venait de découvrir qu'un tube de dentifrice avait une sensualité.

    C'était fou ...

    Il lut sur le tube le mode d'emploi ...

     Pour un soulagement immédiat, appliquer jusqu'à deux fois par jour, directement avec le bout du doigt sur le ... sur la dent sensible, en massant doucement pendant une minute. Refermer après usage .

                                                     µµµ

-


Signaler ce texte