Le meurtre
loriana
Il devait être presque onze heures du soir lorsque la sonnerie retentit. J'allai ouvrir, suivie par mes petits frères et sœurs. Devant nous se tenaient deux policiers.
« Bonsoir, que puis-je pour vous ? leur demandai-je.
- Mme Z habite-t-elle bien à cette adresse ? interrogea l'un d'eux en fronçant les sourcils. »
Etonnée par cette question, je mis quelques secondes avant de répondre, remarquant l'air grave des deux hommes. Il y avait un problème.
« Bien sûr, je suis sa fille aînée et les petits sont mes frères et sœurs. Elle est sortie ce soir, quelque chose ne va pas ? »
Les deux policiers se regardèrent un instant, puis celui qui n'avait pas encore pris la parole s'avança en posant ses mains sur mes épaules et annonça d'une voix terriblement sérieuse :
« Votre mère a été assassinée. »
***
C'était dangereux d'aller chercher à manger ici, elle le savait. Trop de pièges, pas assez de monde, elle risquait sa vie en venant dans cet endroit. Elle pouvait se faire repérer en un clin d'œil. Elle n'avait cependant plus le choix depuis bien longtemps. C'était la seule alternative qui lui restait afin de pouvoir nourrir toute sa famille. Elle s'occupait de garder tout le monde – ainsi qu'elle-même – en vie tandis que son aînée gardait les petits à la maison.
Ce soir, elle avait jeté son dévolu sur une petite famille de quatre personnes, avec deux enfants – et un chien. Elle aimait bien les chiens en règle générale, mais si elle voulait passer inaperçue, celui-ci lui poserait problème. Elle les observa un instant près d'une fenêtre ; ils venaient de dîner et étaient tous installés tranquillement devant la télévision : la voie était libre ! Elle entra doucement, sans bruit, et se faufila dans l'ombre de la grande demeure. Lorsque le père se leva, elle crut soudain que son heure était venue mais, ouf, elle réussit à se cacher dans un coin sombre à temps.
Elle laissa les minutes s'écouler, regarda longuement autour d'elle : personne en vue, hop, il fallait passer à l'action sans plus attendre ! Elle ne pensait qu'au bon dîner qu'elle allait partager avec ses enfants chéris le soir même, ils devaient mourir de faim à cette heure, les pauvres. Elle aussi sentait son estomac trépigner d'impatience à la vue de ce festin qui les attendait. Bientôt…
Aveuglée par la faim, elle fonça droit devant elle sans réfléchir… puis tomba nez à nez avec la fille, qui ouvrit de grands yeux stupéfaits. Elle se prépara à prendre la fuite, mais c'était trop tard, elle avait été démasquée et la fille, déjà armée, était beaucoup trop rapide pour elle. Elle n'avait pas voulu cela, elle n'avait pas pu faire autrement mais c'était une faute grave et elle devait maintenant en payer les conséquences.
La fille la toisait d'un regard méchant et rempli de dégoût, mais elle réussit à distinguer une lueur de panique dans ses yeux noirs. Le dégoût et la méchanceté gratuite, voilà ce qu'elle inspirait. C'était son destin, elle ne pouvait rien y faire. Elle pensa alors à ses enfants. Qui allait leur donner à manger désormais ? Elle vit la fille s'approcher, prête pour la victoire. Elle ne chercha même pas à se débattre, elle voulait regarder la mort en face.
Et pour la dernière fois, elle entendit ces mots qui l'avaient hantée toute sa vie :
« Ah, saleté de moustique ! »