Le meurtre des choses

mike-november

Toute révolte n'est qu'un retour au discours du maître.

Je n'ai rien à défendre.

Ni langue, Ni mots, Ni camps.

A vrai dire, tout est déjà défendue. D'avance.

Tout se profane dans le meurtre des choses...

Aussi, je sais depuis longtemps qu'on ne s'échappe pas du camps.

Ne serait ce parce qu'il y a là une armée de kapo qui s'ignore et qui monte la garde.

Ne serait ce parce que j'ai parmi eux une place trop importante. Et que je n'ai pas la volupté d'aller au delà de mon propre néant.

Ne serait ce parce que je dépends d'eux. D'une manière si bestiale et intolérable, qu'il m'est impossible de la concevoir.

Mais plus encore parce que l'idée même de cet affranchissement demande un sacrifice qui va au delà de la culpabilité du meurtre de Dieu.

Et je n'ai pas la terreur nécessaire pour abolir ce Dieu.

Alors, comme je l'ai déjà dit, toute chose se profane dans le meurtre des choses.

Et ces choses sont sans fin.

Aussi, si j'ai eu une illusion, c'est de croire qu'à un moment que je pouvais être libre.

Mais, même l'espace d'un moment, même dans un rêve, même dans le silence d'un soupir ou le secret d'une ponctuation, je ne le suis pas.

Tout est déjà courue, tout est joué d'avance et je n'ai pas eu le temps de lire mon texte, ni de foutre mes godasses. Alors je reste là, planté comme un con.

Tout est broyé dans un engrenage complexe qui me dépasse. Alors je barbouille dans ces miettes de moi, essayant de recoller les morceaux pour donner un sens à tout ça.

Mais le meurtre des choses n'en a pas.

Peut être qu'avec le temps je pourrais rassembler un fétiche en lambeau de moi et le brandir contre le ciel.

Peut être que je pourrais trouver dans mon fatalisme le temps d'attendre la mort en voyant le monde disparaitre.

Je pourrais même trouver dans mon cynisme le moyen de rire de ça.

Mais non, définitivement non, je ne pourrais pas trouver en moi assez de force pour supporter le supplice d'être heureux. Ni assez d'oublie pour atteindre le bonheur.

Aussi je me condamne sans fin à croiser des échos de moi, à me battre contre une multitude de reflets devenus tout, devenu rien. A chercher une vérité dans ce fragment complexe que fut ma réalité et qui s'éparpille maintenant dans le chaos.

Quelle importance ? Puisque tout se profane dans le meurtre des choses.

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