Le miroir

marianneberthier

Au coeur d'une pourpre chambrée,

Dans un cadre doré, le miroir;

Des deux corps enlacés en secret,

Il sert, fidèle, les reflets du soir.


Témoin muet et chaste indiscret,

Psyché admire, impassible,

Les deux âmes vierges de chapelets

Qui se susurrent des possibles.


L'image polie des deux créatures

S'anime dans le châssis sculpté;

Comme une Pythie de bon augure

Le miroir adoube leurs baisers.


Doucement les bouches embrasées

S'attisent encore sagement pour l'heure

Mais voilà les jambes enlacées

Et frémissant, le désir affleure.


Une rebuffade — pour l'honneur —

Geste feint de la prude adorée,

Attise plus encore les ardeurs

Du galant faussement congédié.


Les chairs et les étoffes animées

Ne peuvent déjà plus se contenir;

Et tous deux, les armes baissées,

S'abandonnent maintenant sans rougir.


D'un geste bref le verrou fermé

Pour entraver derrière la porte

Celui qui, en force, veut pénétrer

Leur antre avec son escorte.


Les amants l'ont vaincu, le féroce,

L'ennemi qu'ils craignent et fuient;

Celui qui menace leur noces,

L'éconduit qu'on appelle Ennui!


Mais sans qu'ils le sachent, dans l'ombre,

Une autre partition s'est jouée;

Le miroir devenu plus sombre

Cache une fenêtre sans tain et


Un spectateur, fardé et masqué,

Vicieux, derrière l'oeil opportun,

Se délecte du ballet privé

De deux naïfs malgré eux libertins.

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