Le Miroir

misskatt

Sombre...


Il faut gravir vingt-deux marches. Je les ai comptées. Vingt-deux marches qui craquent et grincent sous chaque pas.


Il faut monter cet escalier raide et abîmé, avant d'arriver dans le long couloir sombre et sinueux. De part et d'autre, des portes. Lourdes, inquiétantes. Au plafond, une ampoule, juste une lumière blanche et spectrale.


Lueur qui suffit à peine pour distinguer un miroir qui se trouve au bout du couloir. Il est posé là, immense comme un passage vers autre chose. On s'y voit dedans comme une ombre, juste une silhouette floue.


Il faut avancer lentement et entendre craquer les lames du plancher sale et usé.


On se voit marcher comme dans un rêve. Derrière chaque porte, un souffle, une respiration.


Il faut avancer inexorablement, comme pour répondre à un appel.


Puis lorsque l'on se trouve face à soi-même, les yeux plongés dans son propre regard, le souffle sur le miroir, les mains posées à plat sur cette surface lisse et froide, alors il faut attendre.


Il faut l'attendre. Entendre son glissement, son sifflement, son frottement.


Il faut le sentir monter, s'entortiller autour des chevilles, glisser sur la peau, doux et lent.


Il faut le laisser venir, le laisser vous posséder comme un amant.


Il faut l'attendre avec crainte et désir, jusqu'à la brûlure et à la sensation de vertige qui vous emporte dans un voyage d'ombres et lumières. C'est à ce prix là que l'on transperce le miroir dans la souffrance et le plaisir étroitement liés.


Au bout de combien de temps, de minutes, d'heures, se réveille-t-on, face contre terre, au pied du miroir ? Je ne sais pas…


Il faut se lever doucement, laisser son corps se remettre en mouvement, le sang circuler à nouveau dans les veines.


Alors, le Maître arrive, vêtu de noir, pieds nus, le regard clair qui vous invite à vous relever.


Il faut qu'il vous tende la main pour que vous sentiez son énergie quasi animale vous détacher du sol.


Il faut humer son odeur, frôler sa peau, respirer son haleine avant de laisser mourir l'envie d'être à lui, complètement.


Il faut juste le servir, accomplir la mission sacrée et faire taire le désir qui vous mord les entrailles.


Il faut entrer dans le cercle sans rien attendre, soigner ses blessures, accepter ses cicatrices, et rester emprisonné dans le miroir au fond du couloir, avec le regret de n'avoir connu que le baiser du serpent.

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