Le Mumbai Athletic Circle # 0

aa-scuma

« Rejoignons-nous au bar, afin de cogiter,

à l’angle du comptoir, sur ce qu’il s’est passé. »

6 minutes après, les voilà arrivés

« À vous mes frères d’armes, ivres de paresse

À nous ces mécréants adeptes de prières

Entendez-vous les fouets,le son de leurs caresses,

Qui, sans liturgie, délient le sang de nos chairs ? »

Ils se mettent à danser, puis chanter et crierComme des païens à la gloire de leurs saints ;

« Pour jurer que la communion est méritée

C’est l’eucharistie, crachons le pain et le vin »

Sur ces paroles, le patron méchamment cite :

« Bande d’enfoirés, Christ est mort par vos péchés »

« Ne sois pas oisif, espèce de vieil hypocrite,garde la monnaie et va te faire enculer »

Laissons donc rugir les voix de toutes les peines. Suivons les longs chemins de la désolation. Voilà toute la haine qui gît sous la scène,

Ce jour de crucifixion, marchons sur Toulon.

                                                         *
Comme d’habitude.
Au fin fond d’un chiotte froid, putride, crasseux ; debout, les yeux au niveau d’un mur signé de petits graffitis, plus ou moins anonymes, plus ou moins audacieux.Là, la tête contre le Plexi, les mains sur le sexe comme on essaye de saisir un instant le flot des sentiments qui nous échappe et qu’on serre désespérément une fois pris en pensant encore qu’on contrôle tout cela.
Dans ces chiottes à la turque je bénis le ciel de m’avoir fait avec une bite, mec.Quand je ferme les yeux, que je me concentre pour ne pas trop tourner, j’imagine le niveau de cran et la dose de courage qu’il faut à mes consœurs pour écarter leurs cuisses face à ce gouffre sale et sans fond, et la relâche qu’elles exercent pour laisser pisser.J’en viens souvent à la conclusion qu’il faut commencer à avoir quelques grammes d’alcool dans le sang ou y prendre un certain plaisir pour y arriver.Il ne me serait pas venu à l’idée que l’envie suffit peut-être.Peu importe.
Dans quelques secondes j’arrêterai de pisser ; peut-être que ça suffira à me faire arrêter de penser, sans pour autant m’en faire oublier l’essentiel.Je regarde l’évier sale qui avale en bouillonnant le tourbillon d’une eau inexorablement attirée par la gravité, je sais ce qui va se passer ; je vais lever la tête vers le plafond crépi et je vais respirer.Je vais me retourner, je vais ouvrir cette porte en bois mitée et je vais me sentir bien ; je vais essayer en tout cas.Je vais retourner m’asseoir dans cette lumière de pub orange crépuscule et boire ma brune comme d’habitude.Encore un instant, le temps que mes deux dernières gouttes d’urine finissent leur folle envolée vers l’eau saumâtre et que mon corps se décontracte encore une fois, comme pour un peu mieux purger tout cela.

                                                         *

Le cul posé sur ma chaise et les viscères dans les chaussettes

Sans même penser à tous ces verres bien éclusés,

C’est par les caresses de ta volupté que mes yeux, comme ma queue,

Ont été touchés.

C’est sous l’allure d’une nymphette bien dessinée que tu t’es à moi présentée.

Candeur virginale, passion dévorante et autres tribulations,voilà ce que tes traitsm’ont inspiré.

Voilà encore que ton visage est parsemé

D’une multitude de fines taches ambrées

Rajoutant de la clarté à tes lèvres empourprées.

Le ciel est constellé

Et c’est sur ton corps chaleureusement vallonné

Que je l’avais envisagé

La fine tunique en soie bleutée que délicatement tu portais

Laissait tendrement s’exprimer des seins d’une extrême beauté

Que seule la fraîcheur d’un bourgeon en fleur

Saurait justifier.
                                                        *

Je lève la tête au-dessus de ma pinte et contemple l’écran de télévision grésillant. Je vois Raul. Course petits pas sur le rectangle vert pour se présenter face au gardien, le stade de Gelsenkirchen retient son souffle dans le tumulte et la ferveur. Face-à-face. Roulette pied gauche sans la moindre esquisse de feinte de frappe, regard escamoteur, le portier adverse est effacé. Du droit, le ballon s'en va rouler dans les filets. Le joueur lève les yeux au ciel. La tribune explose. Tout autant que ma soif,  Raul est insatiable.

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