Le Néant

elan0re

Il fait froid.
Il fait toujours froid.
Autour de moi, les Oiseaux tourbillonnent en tous sens,
comme à leur habitude.
Ils sont faits d'un papier fin et terne.
Chacun porte un mot encré dans sa fibre d'une écriture délicate.
C'est un peu comme leur nom.
Eux au moins, ils ont un nom.

Les Oiseaux sont ma seule compagnie.
De temps en temps, l'un d'eux me frôle.
Ca fait une drôle de sensation.



Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici.
Où suis-je, d'ailleurs ?
Il fait si sombre.
C'est comme si le monde qui m'entourait
n'avait pas de fin, ni de commencement.
Comme s'il n'existait pas.
Comment peut-on se sentir oppressée
dans un lieu qui n'a pas d'existence ?



Un Oiseau passe tout près de moi.
J'aime tellement sentir leurs ailes sur ma peau nue.
Ce contact me réchauffe.
Me réconforte.
Cela me donne l'impression d'exister.
Mais peut-être n'est-ce qu'une impression.
Est-ce que j'existe ?
Ces volatiles pleins de grâce et d'élégance semblent
si vivants à côté de moi..



Ici, il n'y a ni jour, ni nuit.
Juste l'éternité.
Une éternité sombre et muette, dans laquelle
je ne faisque flotter.
Rien que le Néant.



Une fois, j'ai essayé de me déplacer.
Remuant bras et jambes, je suis parvenue à avancer parmi les Oiseaux.
Mais en dépit mes efforts, je n'ai rien trouvé d'autre que le vide.
Ce vide infini qui ne me quitte jamais.



Un Oiseau naît au creux de ma main.
Ca arrive souvent, c'est comme ça que sont apparus les autres.
J'ai fini par en déduire qu'ils étaient une partie de moi.
Une partie de moi qui naît dans la lumière, puis s'enfuit dans l'obscurité.
Le nouveau-né bat des ailes, et s'envole.
Sur lui, un seul mot : "Solitude".



J'ai tenté d'attraper un Oiseau une fois.
Je voulais juste lire ce qu'il y avait écrit dessus.
Lire son nom.
Doucement, j'ai tendu la main vers l'un d'eux,
et je l'ai délicatement attrapé.
Je n'ai pas eu le temps de lire.
L'Oiseau a pris feu.
Alors il ne restait plus que des cendres aussi sombres que le reste.
Et quand elles se sont échappées entre mes doigts,
il ne restait plus que moi.
Il n'y a toujours eu que moi.

Quel est le sens de mon existence ?
Et si je n'existe pas, pourquoi suis-je là ?
J'aimerais disparaître dans les flammes, comme l'Oiseau.
Je voudrais que ça cesse.
Que cette sensation qui me brûle la poitrine s'arrête.

Un autre Oiseau naît dans une étincelle.
"Souffrance".
Il part rejoindre le tourbillon infernal.
Cette danse sans fin...


Il y a autre chose que l'obscurité.
Cette pensée s'insinue en moi soudainement.
Oui, je le sais.
Il n'y a pas que le Néant.
Je l'ai toujours su au fond.
"Espoir".
Au loin, une lumière apparaît.
Elle est aveuglante.
Les Oiseaux s'en écartent aussitôt.
Le faisceau est dirigé droit sur moi.
Il n'y avait jamais eu pareille lumière ici.
C'est un spectacle magnifique.



Quelque chose vibre en moi.
Une onde agréable, rassurante.
Une mélodie...
Je n'avais jamais connu que le silence.
Des larmes me montent aux yeux.
C'est merveilleux.
"Mélancolie".



Si seulement la musique ne s'arrêtait jamais.
Je ne saurais dire pourquoi ni comment, mais elle m'apaise.
Même les Oiseaux ont cessé leur danse.
Ils sont juste là, immobiles, à l'écart de la lumière.
Comme s'ils la contemplaient avec moi.



Tout mon corps se réchauffe.
Il ne fait plus froid.
Je tends la main vers la lumière.
C'est grâce à elle.
Doucement, un Oiseau traverse le rayon lumineux.
Il en ressort complètement différent.
Je n'avais jamais vu ça.
D'autres Oiseaux ont volé à travers la lumière.
A présent, ils ne sont plus tous identiques.
Certains sont doux.
Certains sont vifs.
Il sont colorés.
Je ne savais pas qu'il existait tant de couleurs.
Bientôt, il n'y aura plus de blanc.
Je ne veux plus de cette teinte morne.



Ca y est, tous les Oiseaux ont une couleur.
Ils sont si beaux.
Cependant, la mélodie s'éloigne.
Et la lumière faiblit.
Non !
Je ne veux pas que cela cesse.

Sans réfléchir, je me mets à courir.
Instinctivement.
Mes pieds nus effleurent une douce surface.
Etrangement, j'avance très facilement.
C'est bon de courir.
Ma respiration s'accélère, mon coeur bat à toute vitesse.
Et pourtant, le poids m'a quitté.
Je me sens si légère.
La lumière m'entoure.



J'arrive dans une prairie.
Il y a des arbres.
Leurs feuilles sont agitées par le vent.
Ce même vent qui vient caresser mon visage et sécher mes larmes.

Les Oiseaux m'entourent.
A présent, ils gazouillent.
Ils sont couverts de plumes colorées.
Dans le ciel bleu, la lumière est toujours là.
Je me laisse tomber dans l'herbe fraîche.

A cet instant, un Oiseau naît.
Je sais qu'il sera le dernier.
Son plumage est blanc.
Mais pas blanc comme les autres avant leur transformation.
Un blanc léger et brillant.
Un blanc pur et joyeux.
Un blanc magnifique.
Dans un battement d'ailes, il s'envole.


"Liberté".
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