Le premier automne

wikprod

Parfois, il vaut mieux ne pas écrire, sur ce qu'on ne connaît pas :)

Je m'excuse d'avance de la méconnaissance et des maladresses que ce texte peut arborer, et espère qu'elles ne seront pas trop insultantes pour le lecteur, ce n'est pas l'effet recherché. Mea Culpa, Maxima Culpa, Tout ça Tout ça :)

§

Le premier automne était tombé sur le monde. Le monde, bien sûr, était au courant. On l'avait prévenu de la fluctuation des saisons, du rythme asynchrone de l'évolution du temps, des changements et des bouleversements qui auraient lieu aux quatre coins de son ventre tout bedonnant.

Le monde, donc était au courant, on l'avait prévenu, on lui avait dit, il verrait bien, tout allait bien se passer... Mais quand même. Ça fait bizarre, une première saison. Aussi, quand le premier automne apparu, après un long et indolent été qui était censé jamais ne s'achever, et que de toutes parts, les feuilles de ses arbres se teignirent de rouge, d'ocre, de brun, d'or et de myrrhe, le monde trembla, le monde pâlit, le monde frémit, et de tout ce remue-ménage, de tout ce tapage, un grand nombre de feuilles, dans les forêts se perdirent.

Effrayé par ce changement soudain et inopiné, le monde se tourna vers le soleil, dans l'espace son conseiller.

- Soleil, soleil !, appela-t'il.

- Oui, mon petit monde ?, répondit l'astre souverain.

- Soleil, soleil, que m'arrive-t'il ? Sont-ils normaux, ces changements soudain ? Sont-elles normales, toutes ces feuilles qui d'ocre, de rouge et de brun se parent comme de tristes arlequins ?

En vérité, le monde était vraiment apeuré. Les feuilles de ses arbres rougissaient, son herbe sous le vent se couchait, et toute sa nature, de l'absence de verdure, semblait frissonner, sous les éléments se ployer. Le soleil le vit, et en bon père céleste en devoir se mit (de rassurer, son protégé).

- Ha ha ha, rit-il. Mais bien sûr que c'est normal, monde, mais bien sûr qu'ils sont normaux, ces changements qui  sur toi s'opèrent, ils sont la preuve… Et bien, ils sont la preuve…

- Oui, soleil, oui ?

- Ils sont la preuve de ma toute puissance, ce sont mes rayons divins, qui sur ton corps exercent leurs entrains ! Tu es béni mon enfant, et il ne t'arrivera rien, tant que tu resteras sous ma coupe protectrice ! Cela ira mieux, ce qui t'arrive est dur, mais ne t'en fait pas, les choses les pires ne durent jamais longtemps.

- Ah.

- Oui oui oui, voilà l'explication ! Oh, mais il faut que je file, vois-tu Mère La Lune arriver ? Pendant quelques instants, elle va me cacher ! Je suis sûre qu'à tes questions, réponse elle saura apporter.

Et effectivement, la lune arrivait, dérivant dans le ciel, comme un astre à crochets.

- Lune, lune !, commença le monde apeuré. Vois mon corps, vois ma chair, ils sont en train de changer ! Sont-elles normales ces couleurs ensanglantées ?

La lune, en voyant le monde tout de ces couleurs, ne put sentir que de la jalousie, et de ses grosses joues grêlées de souffler :

- C'est probablement signe que tu vas mourir. Tu es bien trop beau, bien trop en forme, rien ne peut à tout jamais durer ! Regarde-moi, je suis vieille et constellée, plus personne ne veut de moi, et ma surface est dure et gelée. Écoute-moi bien, mon monde, car rien ne peut durer…

- Ah.

- Voilà l'explication, je connais bien cette maladie, on n'en guérit que rarement, si ce n'est jamais !

Et la lune disparue, laissant de nouveau la place au soleil, mais qui manifestement regardait ailleurs.

Le monde baissa les yeux et sentit une grande fatigue l'accabler… Il avait présenté ses problèmes, mais trouvé bien peu de réponses satisfaisantes à ses questions. En fait, il commençait même à sentir une terrible déprime l'envahir.

Alors, dépité, il se tourna vers son ventre rond, tout de couleurs souillé, et du creux d'un lac au pied d'une montagne endormie, il s'incarna en esprit des eaux et partit vaquer la campagne tranquille.

Il remonta le cours du fleuve, se perdit dans de carmins bosquets, trouva quelques sources, fut but par des cervidés aux oreilles alertes, et soudain sentit deux petits pieds d'humains, suivis par deux plus grands, plonger dans sa matrice. Curieux, le monde jaillit.

Une jeune humaine et une plus vieille se trouvaient dans le courant. La plus vieille soulevait les bas de la plus jeune et cette dernière, cul nu, plongeait ses deux jambes blondes et brunes dans l'onde fraîche.

- Est-ce normal, mamie ?, demanda la plus jeune, d'une voix apeuré.

- Bien sûr, ma toute belle, bien sûr. C'est le cycle de la vie, tout cela est complètement normal, et naturel, répondit la vieillarde en un sourire.

- Mais, tout ce rouge...

- Regarde autour de toi, mon enfant, dit la vieillarde en désignant la forêt. Vois tu le monde comme en cette saison se pare de toutes ses couleurs chaudes et perd ses anciennes feuilles ? Ensuite viendra l'hiver et son calme manteau de neige, puis le printemps, où tout recommencera, enfin l'été et son long repos ensoleillé... Et de nouveau l'automne. Les hommes sont pareils mon amour, nous suivons des cycles, nous nous calquons sur la nature ma belle, tout comme toi, tout comme moi, nous vivons au rythme du monde et la vie n'est fait que cycles, encore et encore, comme les vagues sur la plage, le vent dans les arbres, le balai du soleil et de la lune, les feuilles rouges qui tombent à l'automne pour en donner des plus vertes au printemps...

Et la jeune fille ne dit plus rien, et la vieillarde la prit dans ses bras en lui caressant tendrement les bras, et le monde, rasséréné, n'eut plus de questions, plus de peurs, et plus d'inquiétude, et se surprit, rêveur, à regarder passer les feuilles rouges au fil de son eau claire.

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