Le Reflet ou le bruit de l'éther

amandine-seanrd

Nous étions montés installer nos affaires et discuter dans la chambre. Les lits étaient sur des sommiers très bas sans être d'inspiration japonaise. Nous chuchotions tous les deux avec la fébrilité des retrouvailles. Peu à peu nous entendîmes un bruit d'écoulement continu dans notre dos. Ce bruit ce fit entendre progressivement, non suivant le rythme de l'actionnement de l'eau mais comme si l'eau coulait déjà depuis un moment, dans une régularité de respiration somnolente, et que nous ne l'avions pas encore entendu.

Derrière nous quelqu'un prenait une douche. Nous ne l'avions ni vu passer ni entendu arriver. Il était comme apparu avec cette douche aux rideaux blancs et organisés comme les voiles d'un lit en baldaquin. La lumière était douce et blanche, tirant sur un gris lunaire et rosé. Etait-ce produit par la légère poussière répandue depuis notre dernier séjour ?

Après avoir jeté ce coup d'œil vers l'origine du bruit, nous nous retournâmes, revenant à notre position initiale, dos à l'espace de douche, face au mur parallèle à celle-ci. Alors sur ce mur était soudain placé un miroir absolument carré, de taille moyenne, très propre. Nous ne l'avions pas remarqué non plus. En arrivant notre attention était certes focalisée sur les lits, cependant ce miroir semblait apparut en même temps que la douche. Celle-ci exerçait d'ailleurs son charme musical en un bruit de fond très assourdi, étrangement lointain par rapport à sa proximité physique.  En regardant dans le miroir, je ne vis ni mon reflet, ni celui de mon camarade. Cet objet ne reflétait que l'espace de la douche.

Où bien était-ce mon angle de vue qui ne me permettait de voir que cette surprenante représentation ?

Attentive à cause de cette curieuse réalité je scrutais malgré moi, comme happée, l'image renvoyée par le miroir. Puis une forme s'y mouva. Il s'agissait de la personne qui se douchait. C'était un petit homme chétif au ventre rubicond que l'on entrevoyait à travers une embrasure des rideaux n'étant pas complètement tirés. Du moins ne se rejoignaient-ils pas. La disposition du miroir, appuyé contre le mur, ne laissait voir que le corps, scindé car hors du cadre au niveau du cou. La tête se dérobait ainsi à la vue. Le sexe également restait invisible. Mais le corps apparaissait comme celui d'un homme, plutôt jeune, assez laid. L'être était maigre et difforme, debout mais le buste recroquevillé dans une attitude larvaire. Il semblait placide et impavide, n'avait pas remarqué notre présence. Que dis-je ! Non plus notre, mais ma présence. Je me trouvais à présent seule dans cette contemplation et cette atmosphère. Seule avec cette apparition. Comme entrée et  désormais  enfermée dans l'image qu'avait reflétée le miroir ! Pourtant il me semblait bien que j'étais physiquement agenouillée entre le miroir face à moi et la douche derrière moi...

Signaler ce texte