Le regard angoissé
My Martin
Méduse est belle
Dieu de la mer et des océans, Poséidon se prend de passion pour elle
Il la viole, dans un temple dédié à Athéna
Déesse de la raison, de la prudence, de la stratégie militaire et de la sagesse, Athéna punit Méduse et la transforme en Gorgone, ainsi que ses sœurs
---
Aux confins de la Libye, près du pays des Hespérides -filles de l'Occident, le Couchant personnifié
Les Gorgones ("terrible", "vif")
petites-filles de Gaïa (la Terre) et de Pontos (le flot marin. Fils de Gaïa, qu'elle engendra seule)
filles de Phorcys et de sa soeur Céto
sœurs cadettes des Grées, leurs gardiennes
---
Euryale ("cri qui porte loin". Hurlements terrifiants)
Sthéno ("errant dans le monde")
Pour toujours, à l'abri de la vieillesse et de la mort ; pour toujours, prisonnières de leur monstruosité
Méduse ("la protectrice"), la seule mortelle
Parfois représentée barbue, nez camard, large bouche, dents longues, telles des défenses de sanglier. Langue pendante
Ses ailes sont d'or. Ses mains, d'airain. Sa chevelure grouille de serpents
Ses grands yeux lancent des éclairs. Qui croise son regard, est pétrifié
---
A la demande du roi Polydecte, le héros Persée se voit confier la mission de tuer Méduse, dont le regard pétrifie ceux qu'il atteint
Persée est aidé par Athéna et Hermès -le messager des dieux. Dieu des voyageurs, des bergers, des commerçants, des voleurs, des orateurs
Il a le casque d'Hadès (le dieu grec des Enfers), qui rend invisible son porteur
des sandales ailées, qui lui permettent de voler dans les airs
une besace, afin de recueillir la tête de Méduse
une serpe, prêtée par Hermès
D'un seul coup de serpe, Persée décapite Méduse. Dans la besace, il place la tête -le regard de Méduse demeure pétrifiant
Le corps tressaille. Le sang coule. Nés du viol de Méduse par Poséidon, jaillissent
le guerrier Chrysaor, à l'épée d'or
et Pégase, le cheval ailé. Ainsi nommé, car il apparaît près des sources de l'Océan
Sur l'Olympe, il porte pour Zeus, la foudre et les éclairs
---
Persée offre à Athéna, la tête de Méduse
Divinité protectrice des cités et des héros, la déesse fixe la tête au centre de son bouclier
***
La Méduse Rondanini
Marbre (hauteur, 29 cm)
Allemagne, Munich. Glyptothèque
---
Une tête de marbre. Visage androgyne, figé par la mort
Yeux sans regard
Bouche entrouverte
Cheveux partagés par une raie centrale. Deux ailes. Sous le menton, deux serpents s'entrelacent
---
Fin du IVe siècle avant J.-C. Athènes, époque de Phidias. "Il invente les formes qui expriment le divin". Œuvre classique
Une tête de Méduse en or et ivoire ; au Parthénon, placée sur le bouclier de la colossale statue d'Athéna, par Phidias -milieu du V siècle av. J.-C.
La Méduse Rondanini serait une copie en marbre
hellénistique tardive (-323 à -31 avant J.-C.) -mélange de styles, avec plusieurs éléments de l'art grec classique. La souffrance de l'être humain, la puissance des dieux
ou romaine, époque de l'empereur Auguste (-27 avant J.-C. à 14 après J.-C.)
Six copies anciennes sont connues (dont un bronze), de moindre qualité
---
Rome. Jadis, la Méduse Rondanini est exposée au Palazzo Rondanini, via del Corso
---
1786-1788. Rome. Casa Moscatelli, maison d'angle en face du Palazzo Rondanini. Goethe a une chambre
Goethe admire la Méduse
« Indicible regard hanté par la mort »
---
1798-1801. Le sculpteur Antonio Canova 1757-Venise, 1822 réalise "Persée avec la tête de Méduse"
Rome, musée du Vatican
Pour la tête de la Gorgone que tient Persée, Canova prend la Méduse Rondanini comme modèle
---
Futur roi Louis Ier de Bavière, le prince Louis Charles Auguste de Wittelsbach 1786-Nice, 1868 effectue son Grand Tour, en Italie
Il achète le marbre aux héritiers du marquis Giuseppe Rondanini 1725-1801 l'un des plus grands collectionneurs romains du XVIIIe siècle
***
La Gorgone
Adèle d'Affry (1836-1879), duchesse de Castiglione Colonna
Fribourg, 1836-Italie, Castellammare di Stabia (près de Naples), 1879
Marbre (buste)
Hauteur, 90 cm. Largeur, 65 cm. Profondeur, 30 cm
Château de Fontainebleau, Vestibule Serlio. Sebastiano Serlio 1475-Fontainebleau, 1554 architecte et sculpteur italien de la Renaissance
Issue d'une noble lignée suisse. Fille du comte d'Affry, Adèle Nathalie Marie Hedwige Philippine reçoit une éducation classique, axée sur la connaissance des arts
1856. Elle épouse Carlo Colonna, bientôt anobli -duc de Castiglione-Altibrandi. Il décède de la fièvre typhoïde (1825-1856.31 ans)
Jeune veuve, la sculptrice s'installe à Paris pour développer son art. L'École des Beaux-Arts rejette sa candidature, mais Adèle devient la protégée d'Auguste Clésinger (sculpteur et peintre romantique) et une proche amie du sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux -La Danse (1869). Façade de l'Opéra de Paris. Farandole tournoyante de femmes, encerclant le génie de la danse
Première présentation au Salon de 1863. Trois bustes
Pseudonyme de « Marcello », inspiré du compositeur italien du XVIIIe siècle, Benedetto Giacomo Marcello 1686-1739 (période baroque) ; pour protéger le nom de Colonna et être acceptée dans un monde fermé aux femmes
Sa véritable identité est révélée par la presse
La reconnaissance est immédiate. 1863. L'impératrice Eugénie achète à la sculptrice, le buste de Bianca Capello
1542-1587. Controversée. Épouse en secondes noces du grand-duc François Ier de Toscane. Après dix jours de souffrances, François meurt mystérieusement ; Bianca (mêmes symptômes) ne lui survit pas
---
8 août 1864. La commande du buste de La Gorgone est formulée par le secrétaire des Beaux-Arts, pour enrichir la collection personnelle de l'empereur Napoléon III
Altière, visage tourné vers la gauche
Marcello ajoute à la « chevelure serpent » de sa Gorgone, des dragons
Cuirasse d'écailles ; divinité hybride
Le marbre est présenté au Salon de 1865 et l'année suivante, livré à Fontainebleau ; il forme une paire avec le buste de Bianca Capello
---
Beauté glaciale. Figures féminines ambiguës
Belles / cruelles. Attirantes / menaçantes
---
Fatiguée par la maladie, la duchesse se tourne progressivement vers la peinture
1879. Décès (43 ans) -tuberculose. La duchesse repose à Givisiez, près de Fribourg (Suisse), où elle est née
***
Au XIXe siècle, le mythe de la femme fatale connaît un regain d'intérêt ; thème de prédilection du symbolisme
Gustave Moreau 1826-1898. Femmes sensuelles, d'inspiration mythologique ou biblique
Gustav Klimt 1862-1918. La Sécession viennoise. Sexualité et désir. Figures bibliques de Judith et de Salomé
La femme fatale utilise son charme pour séduire et piéger le malchanceux héros
Hélène de Troie, Dalila, Salomé, la fée Morgane, Cléopâtre, Mata Hari
Éternelle Pandore. Ève maudite