le roi de la route

Simon Dreville

Le roi de la route

« Au volant, je suis un crack. »

Je m’appelle Jean Paul et je viens de m’acheter une Porsche Cayenne.

C’est mon petit plaisir et quand je suis derrière le volant, c’est un peu comme si j'étais un super héros.

Sans le masque et la cape bien sûr, sinon je me ferais arrêter régulièrement par la police vous vous en doutez bien !

« C’est moi le roi de la route

Je vais à deux cents à l’heure

Je peux faire Paris Beyrouth

En une demi-heure  

Je me faufile sans aucun doute

J’m’amuse à deux cents à l’heure

A l’envers sur l’autoroute

Sans aucune frayeurs»

(Les VRP)

Franchement, les gens ne savent pas conduire.

C’est grave mais c’est comme ça.

En plus, j’ai vraiment l’impression que tous les cons du coin se sont donnés rendez-vous pour me faire chier à chaque fois que je conduis mon bébé.

Ce n’est pourtant pas bien compliqué de tenir sa droite et de me laisser passer. Ils voient bien que j’ai un plus gros moteur qu’eux, mais non, il faut toujours un abruti pour m’empêcher de passer.

Je vous jure, si je pouvais, je leur ferais la peau à tous ces nazes.

Ou tout au moins, je ne leur donnerais pas le permis de conduire.

J’admets que j’aime rouler vite, mais moi au moins, je maîtrise.

Je n’ai jamais eu d’accident et je n’en aurai jamais.

Je suis comme ça, sûr de moi et rien ne m’arrête, surtout pas un pauvre type dans une caisse de merde qui a obtenu son permis dans un Kinder surprise !

En plus, ce matin, je suis en retard au bureau et bien sûr, il faut que je tombe sur cette tête de nœud au volant de sa Twingo violette.

Regardez-moi ce clown qui roule à cinquante, pas plus…

Ça va pas lui boucher le trou du cul d’accélérer un peu pourtant!

- Allez connard, bouge la, ta caisse de merde, bordel !

Du coup, je dois me coller à son pare-choc pour qu’il me laisse passer.

- ENCULE ! lui dis-je en le dépassant et je lui fais un doigt d’honneur.

Merde alors, en plus il est moche et chauve, quelle grosse merde.

Soixante, soixante dix, quatre vingt, mon moteur ronronne, ce que c’est bon ! Oh putain de merde, c’est quoi cette voiture de merde ?

Hyundai, encore une voiture de chinois !

Je vais lui en mettre plein la vue et le dépasse à toutes vitesses.

Je n'y crois pas, il se permet de me klaxonner !

Heureusement pour lui que je dois aller travailler, sinon je lui aurais bien fait un brin de causette… C’est quoi ?

Vu sa gueule, ça doit être un portugais.

Ils ne vont pas venir me faire chier sur mes routes ceux là…

Je rentre sur l’autoroute mais au péage, encore un enfoiré qui ne sait pas se servir de sa carte bleue.

Je n’y crois pas, je suis cerné.

Je klaxonne pour lui faire bouger son cul mais rien n’y fait, il prend son temps. Si j’étais un peu plus costaud je sortirais bien lui mettre des claques mais je préfère rester à l’abri dans mon bolide.

Je le retrouverais bien sur la route…

Bon, ça fait au moins trois bonnes minutes que je fais la queue et lorsque j’arrive au guichet, je vois que la caissière n’est pas très rapide.

Connasse, je n’ai pas que ça à foutre…

- Pourquoi faut-il toujours qu’ils y mettent des connes ?

La barrière se lève et je fais crisser mes pneus.

Je démarre comme une fusée, appuie sur l’accélérateur et me voila sur l’autoroute, prêt à en découdre avec la connerie humaine.

Je rattrape rapidement l’autre enfoiré qui trainait au péage, et lui fait un bras d’honneur quand j’arrive à sa hauteur.

Il est presque aussi laid que le portugais de tout à l’heure.

En plus, il conduit lui aussi une caisse de merde.

Décidemment…

Cent dix, cent vingt, cent trente, j’emmerde les limitations de vitesse…

Cent quarante, cent soixante, cent quatre vingt, je ne sens pas la vitesse au volant de mon 4x4 et je file comme une bombe en direction de mon travail.

Je serai même en avance si je continue comme ça.

J’adore ma bagnole !

Mes sièges en cuir prennent vraiment la forme de mon corps et, enfoncé bien au fond, les yeux plissés vers l’horizon, je suis Mickaël Schumacher !

J’arrive à deux cents sur la voix de gauche quand un gros con me bouche la vue.

J’appuie à fond sur le klaxon mais cet abruti n’a pas l’air de comprendre.

Du coup, je suis obligé de freiner et ça me rend dingue !

- Regarde dans ton rétro bougre d’handicapé moteur !

Quand enfin il se rabat sur la droite, je vois que c’est une gonzesse.

J’en étais sûr, les femmes au volant ne sont là que pour nous emmerder.

Déjà qu’elles ont le droit de vote…

Putain mais où va le monde !

- Pétasse ! Va sucer ton mec au lieu de nous casser les couilles sur la route !

C’est bon, la journée commence bien.

Je vous l’avais dit, je suis cerné par les cons et les connes.

La route se dégage, j’accélère.

Qu’est-ce que j’aime ressentir la puissance de mon moteur sous les pédales, quand personne ne m’emmerde bien sûr…

Je me rabats sur la droite et c’est là que je vois passé un type au volant d’une grosse berline Mercedes.

L’enculé, il me double et va carrément plus vite que moi.

Ha ouais, ça ne se passera pas comme ça !

il va voir ce qu’il va voir !

J’appuie sur le champignon et monte à deux cents. Je lui colle au cul mais je vois bien qu’il veut jouer…

Je crois qu’il ne sait pas qui je suis !

Arrivé juste derrière lui, je lui fais une queue de poisson par la droite.

- Tu ne t’attendais pas à ça connard !

Je le vois dans mon rétro piler et paniquer alors que j’accélère et lui met un bon trois cents mètres dans les dents.

- Hé hé, bouffon !

Ca y est, je vois le panneau de ma sortie.

Un gros con dans sa Peugeot se rabat juste devant moi et ça, ce n’est pas possible !

Je serai le premier au guichet, du coup rebelote, une petite queue de poisson mais par la gauche ce coup-ci.

Je ne suis pas complètement cinglé.

Je le vois dans mon rétro s’énerver et piaffer, mais je l’emmerde.

Il me fait des doigts et n’a pas l’air commode.

Encore un ouvrier avec des grosses mains poilues qui voudrait bien conduire la même voiture que moi. Par contre, je ne traine pas car je n’ai pas envie de me prendre une beigne…

Courageux mais pas téméraire !

Je vois le gorille descendre de sa voiture et s’approcher de la mienne.

Je ferme les fenêtres et les portes en espérant que ce monstre n’abimera pas ma carrosserie.

La barrière se lève et sans attendre ma monnaie, je ne demande pas mon reste et m’enfuie lâchement.

Ouf, j’ai eu chaud, c’est le genre de gars, de gueux, qui n’aurait eu aucune considération pour ma classe sociale et pour mon petit bijou.

Je le vois agiter les bras en l’air en m’insultant, du coup, ragaillardis par la distance entre mon nez et ses poings, je lui fais un doigt et le traite de gros PD.

Attention, il ne faut pas me faire chier !

Je reprends la nationale à quatre vingt, et file direction ma hantise, le centre ville. Une mégapole de connards, tous plus pressés les uns que les autres.

Le feu est orange, j’accélère…

- Ça va passer, ça va passer, ça va passer !

Et ça passe, la grande classe, et le tout sans casse.

Trop fort…

J’arrive sans encombre devant mon travail mais là, il ne reste plus qu’une seule place et je vois une mamie en train de faire une marche arrière histoire de faire son créneaux.

Sans réfléchir, je m’engouffre sans lui laisser le temps de dire ouf, ferme ma portière et m'enfuis alors que je l’entends me traiter de petit salopard.

Je m’en fous, j’ai quasiment vingt minutes d’avances.

Petite note de l’auteur qui remercie internet pour toutes ces précisions:

Des Jean Paul, il y en a plein malheureusement, et si cette fois, il n’a pas cartonné et n’a fait aucunes victimes, sachez que ce qui doit arriver arrivera !

 Les histoires sanglantes des accidents de la route alimentent douloureusement les médias, provoquant stupeur et désolation. La longue liste des victimes des accidents de la route s’alourdît, chaque jour, avec son lot de morts, de blessés, d’handicapés, d’estropiés...

La route continue à tuer avec une implacable férocité chaque jour, dans beaucoup d’endroit à travers tous le pays.

La violence des collisions et le nombre élevé des victimes renseignent sur le problème qui se trouve être récurent.

Le rythme accablant des accidents de la circulation ne fait qu’augmenter et les bilans des services de police, de la gendarmerie nationale, de la protection civile et de la santé donnent à réfléchir.
La réalité se nourrit de nouvelles fusant de partout, mettant l’accent sur ce que personne ne qualifie d’hécatombe.
Les causes sont multiples.

Conditions climatiques, excès de vitesse, inobservation du code de la route et tant d’autres facteurs qui grossissent une statistique imparable.

La bêtise humaine n’est pas mise hors de cause…

Un million huit cents trente mille cinq cents trois accidents de la circulation entre 1970 et 2009, cent soixante dix mille handicapés.
Bien sûr, les pouvoirs publics réagissent par la mise en place de mesures visant à réduire, de façon drastique, le nombre d’accidents de la route. Introduction du permis à points, installation de mouchards pour les poids lourds, contrôle technique régulier, interdiction de fumer, de téléphoner au volant, contrôle de police de plus en plus sévères et en grand nombre…

Mais quoi qu’il en soit, il semble que les résultats escomptés ne se sont pas concrétisés.

Ou pas assez !

Il n’en demeure pas moins que la situation doit être traitée avec persévérance et efficacité.

L’action des pouvoirs publics a besoin d’être relayée par l’ensemble de la collectivité. Un travail de sensibilisation, d’éducation et de pédagogie routière est plus que nécessaire dés le plus jeune âge.

Il vaut mieux prévenir que guérir.

De même que le respect du code de la route s’avère de la plus haute obligation alors si vous croisez un Jean Paul ou un de ses « con-génères », n’hésitez pas à lui mettre sur la gueule avant qu’il n’endeuille une famille.

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